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Chère cousine,
On peut faire un tas de choses dans le train, certaines mêmes sont inavouables. Mais il est de nombreuses activités que toi, moi ou d'autres avons déjà pratiquées. Dormir inconfortablement, à moins de voyager en wagon-lit. Observer le paysage qui défile, et croiser les yeux des vaches qui nous regardent passer. Surveiller ses voisins du coin de l’œil. Prendre un bon repas au wagon-restaurant (non, ça, c'était avant l'ère du sandwich pré-emballé et presque pré-mâché). Téléphoner - encore moins, ce sont les autres qui téléphonent, et c'est exaspérant. Ecouter de la musique, sans laisser les basses s'échapper des écouteurs pour envahir tout le compartiment...
Mais lire, lire! L'activité parfaite pour un voyage en train, qu'il soit de longue durée - tu traverses l'Europe, qu'est-ce que tu emportes? - ou bref - tu n'as que vingt minutes devant toi, est-ce que c'est assez pour lire un chapitre de ce livre que tu avais commencé?
Plus de paysage, plus de voisins, plus de bruits parasites. Tu n'es plus là pour personne. Tout le monde s'en trouve bien, à commencer par soi-même.
Je repensais à mes heures de lecture dans les trains les plus divers en voyant que la SNCF avait distribué, hier, 60.000 livres sur le réseau Transilien. Du polar bref - certains diront de la littérature de gares, d'autres soupçonneront peut-être que, finalement, cette collection coéditée par Le Monde et la SNCF s'est mal vendue et que ses initiateurs ont préféré distribuer les invendus plutôt que de les mettre au pilon...
Mais quand même, en voilà, une bonne idée. Combien de voyageurs, qui n'auraient jamais pensé à emporter un livre pour leur trajet, en ont hier matin ouvert un? C'est quand même mieux que les journaux gratuits dans lesquels l'information est préparée comme les sandwichs (pré-mâchée) et dont on retrouve, quelques heures à peine après sa sortie de l'imprimerie, les feuilles échouées au pied des banquettes...
Tu connais mon optimisme: je veux croire que, de toutes les paires d'yeux qui sont tombées hier sur ces petits romans, ou ces longues nouvelles, il en est quelques-unes qui auront apprécié assez l'expérience pour la renouveler. Ce serait une belle, une grande victoire.
Et, aujourd'hui, je ne te laisse pas le choix: tu as intérêt à penser la même chose que moi. Mets de côté ton esprit de contradiction, je t'en prie, et considère le bon côté des choses...
Me voici bien directif tout à coup! Mais je suis certain que tu ne m'en voudras pas, chère cousine, et je t'embrasse,
ton cousin.