Aujourd’hui les pays de l’UE sont encore très inégalitaires concernant l’accès aux produits de retraite, les pays du nord (UK, Hollande) étant très en avance sur leurs voisins du sud.
Afin de remédier à cela, la commission européenne a mandaté l’EIOPA[1] pour réfléchir à la mise en place d’un marché européen des produits de retraites individuels. Elle a ainsi demandé un rapport de conseil technique sur les régulations prudentielles nécessaires à la création d’un tel marché. La première étape de ces travaux consiste à réaliser un diagnostic de l’existant. Pour cela, l’EIOPA a commencé par recenser la liste des produits existants au sein de l’UE afin d’étudier la viabilité du marché et de dégager les caractéristiques communes de ces produits :
- Une souscription individuelle
- Des financements par contributions sur un compte individuel par le détenteur ou une tierce personne
- Des objectifs clairs de retraite
- Une possibilité de rachat anticipé
- Les produits sont financés
Si les produits des différents états membres ont un esprit similaire permettant a priori une standardisation accrue, les différences de réglementations au niveau national représentent une entrave importante.
L’EIOPA a donc fondé son étude sur deux dispositifs possibles pour ce marché :
- La mise en place d’un passeport européen pour les produits existants, inspiré du format UCITS[2] pour les fonds d’investissement,
- Ou l’instauration d’un second régime, qui se superposerait aux régimes nationaux, avec de nouveaux produits hautement standardisés pour toute l’UE.
Le passeport zone euro
Le passeport zone euro donnerait le droit à une institution financière de développer ses activités dans n’importe quel état membre de l’EEA[3]. Il est fondé sur des principes de reconnaissance mutuelle, d’équivalence des systèmes de supervision prudentielle et de contrôle par l’état pour tous les états-membres.
Cette perspective s’appuierait sur les cadres prudentiels[4] existants au sein de l’UE qui permettraient un degré suffisant d’harmonisation et donc de transférabilité entre les états membres. Néanmoins, les assureurs pourraient ne pas utiliser cette opportunité, jugeant les obstacles trop importants à surmonter. Une des ambitions du travail de l’EIOPA est donc d’identifier ces obstacles et d’y trouver des solutions :
Le second régime
Le second régime serait un corps de lois au niveau du législateur européen. Il ne remplacerait pas les règles aux niveaux nationaux mais offrirait une alternative à celles-ci. Les parties privées pourraient alors choisir lequel des deux corps de lois gouvernerait leurs relations légales. Dans l’idéal, le second régime devrait avoir les caractéristiques suivantes pour être complètement fonctionnel :
- Une accommodation des systèmes fiscaux nationaux
- Un système de comptes individuels des participants
- Un cadre de protection robuste du consommateur
- La transférabilité de l’épargne accumulée sans taxation ou valeur de transfert
- La supervision des aspects prudentiels par le pays du distributeur
- La supervision des aspects de protection du consommateur par le pays hôte
Dans le but de renforcer davantage la construction européenne, le second régime ouvre ainsi la voie à la une supervision plus large à l’échelle communautaire pour les produits financiers ou les produits d’assurance. Les avantages et inconvénients d’une telle approche sont résumés dans le tableau ci-dessous :
La mise en place d’un second régime faciliterait donc la convergence des législations nationales sans imposer brutalement des changements auxquels certains pays ne sont pas préparés dans l’immédiat.
Ce type de démarche concilie la volonté d’avoir une véritable législation européenne avec la préservation des souverainetés nationales, remportant ainsi une plus grande adhésion au sein des populations.
Protection des consommateurs
Quel que soit le dispositif choisi, un des points clé concernera les directives de protection des consommateurs. Le but du marché unique étant un meilleur accès et une plus grande diversité des produits de retraite, il est essentiel d’avoir des investisseurs rationnels et informés et donc des mesures robustes de protection du consommateur. Cette protection pourrait s’articuler autour de quatre axes principaux évoqués dans le rapport :
Si la protection des consommateurs reste une priorité au niveau européen, à l’image des directives précédentes la renforçant (DIA I et II, MIFiD), l’objectif principal reste la mise en place effective du marché. Or, dans cette première version du rapport, aucune mesure incitative forte pour pousser tous les acteurs à s’engager sur ce marché n’est mise en avant. Certes, ils auront accès à un marché bien plus large qu’auparavant mais la haute standardisation des produits, la double supervision aux niveaux communautaire et national ainsi que les multiples documents à produire pour la protection du consommateur pourront être autant de freins à l’exploitation d’un tel marché par tous les acteurs.
Si les grands assureurs auront certainement les moyens d’adapter leurs structures à ces nouvelles contraintes, les acteurs de petite taille ne pourront probablement pas profiter de cette ouverture, ce qui est pourtant en contradiction avec l’objectif initial d’un tel marché : une meilleure mise en concurrence entre tous les acteurs…
[1] : L’EIOPA est l’Autorité européenne des assurances et des fonds de pension. C’est un organe consultatif indépendant auprès du Parlement européen, au Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne. Ce comité regroupe notamment, pour le domaine des assurances, l’ensemble des autorités de contrôle des états membres dans le cadre de la réforme Solvabilité II.
[2] : UCITS (Undertakings for Collective Investment in Transferable Securities Directives ) est un ensemble de directives de l’Union Européenne qui vise à permettre la distribution de formes d’investissements collectifs ( fonds d’investissement ‌) à travers tout l’espace communautaire européen sur la base de l’autorisation d’un seul état membre.
[3] : European Economic Area ou l’Espace économique Européen : Crée en 1994, il comprend trente états européens et assure la libre-circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes. Il inclut également des accords concernant la politique de concurrence, la protection des consommateurs ou l’éducation.
[4] : Markets in Financial instruments directive, UCITS directive, Insurance Mediation directive, Third non life insurance and consolidated life assurances directives, reinsurance directive, IORP directive.
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