Alléger le millefeuille
territorial est sans conteste le sujet à la mode. Le constat partagé par
quasiment tout le monde est que l'empilement des strates dont les compétences
se recouvrent en grande partie ajouté à la densité au sein de chacune d'entre
elles, trop de communes, trop de départements et trop de régions, coute
beaucoup d'argent à la collectivité. L'organisation territoriale est lourde,
couteuse, et source d'inefficiences qui pénalisent l’activité économique, il
faut donc faire quelque chose.
Faire quelque chose, ça fait quelques temps qu'on en parle et pourtant on a
toujours l'impression de partir de zéro.
En 2008 déjà, le rapport Attali préconisait notamment de faire disparaitre
les départements et en 2009 celui de Balladur parlait de fusion entre régions
et de grandes métropoles. A l'arrivée, on n'a eu une toute petite avancée avec
les conseillers territoriaux et la suppression de la clause de compétence
générale, deux mesures que la Gauche une fois arrivée au pouvoir s'est
stupidement empressée de remettre en cause.
Un premier projet de Loi porté par Marylise Lebranchu a pour objectif de
créer une douzaine de métropoles, ce qui n'a véritablement du sens que si ces
entités ne se rajoutent pas à tout le reste. On devine que c'est justement
l'objet du second projet de Loi prévu pour Avril et qui concernera les
départements et les régions. C'est sans doute à cette seconde phase qu'à fait
allusion François Hollande lors de sa conférence de presse.
Le problème c'est qu'autant le premier sera voté relativement facilement,
autant le second risque d'accoucher d'une souris rachitique. Déjà, François
Hollande l'a annoncé d'entrée, pas question de supprimer tous les départements.
En la matière, on peut espérer au mieux la suppression de quelques départements
autour de Paris et d’une manière générale la fusion des métropoles et de leurs
départements. Quand à la fusion des régions, il n'a pas fallut attendre
longtemps pour constater que les résistances seront extrêmement fortes. Sans
parler de la Picardie qui refuse de disparaitre, même des fusions qui peuvent
paraitre évidentes comme celle de la Basse et de la Haute Normandie, n'ont rien
d'une sinécure. La lutte d'influence entre Caen et Rouen, qui par leur histoire
peuvent chacune prétendre à accueillir la capitale de la Normandie, risque de
constituer un obstacle important.
D’autres regroupements qui répondent également à une certaine logique
historique et géographique comme l’intégration de la Loire-Atlantique dans la
Bretagne, sont loin d’être gagnés d’avance si on en croit le
refus radical de Jean-Marc Ayrault.
D’une manière générale, la réorganisation des territoires se heurtera aux
intérêts des élus locaux qui y perdront tout ou partie de leurs prérogatives,
et cela fait du monde. Et ces élus ce sont eux qui composent le
Sénat.
Tout le monde est d’accord pour réduire le millefeuille, tant qu’on ne
touche pas à son pré-carré.
Pire encore, depuis la réforme territoriale de décembre 2010, aucune
suppression d’un échelon ne peut avoir lieu sans la consultation par référendum
de la population.
Or, en la matière, il n’y a malheureusement que de fâcheux précédents. La
Corse en 2003 et l’Alsace en 2013 ont toutes les deux refusées par référendum,
la constitution d’une collectivité territoriale unique. Comment imaginer la
réunion de l’Alsace et de la Lorraine alors que les Alsaciens n’ont pas voulu
d’une fusion entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin !
Ce qui m’amène à ce qui devrait être la principale difficulté à toute avancée en ce domaine, le référendum. Ce n’est pas par hasard que les opposants à la suppression des départements de la petite couronne, idée récemment lancée par Jean-Marc Ayrault, exigent un référendum préalable.
La difficulté c’est que compte tenu de la diversité du territoire national,
il n’y a pas une solution unique pour toute la France. Tout est lié, on ne peut
faire disparaitre tous les départements sous prétexte que les métropoles les
remplaceraient. Onze métropoles ne suffisent pas à couvrir tout le territoire.
De même certaines régions peuvent être amenées à fusionner d’autres non.
Difficile dans ces conditions d’organiser un référendum national puisque tout
le monde ne serait pas touché de la même manière selon qu’il habite à Lyon, au
fin fond de la Picardie, en Charente-Maritime, en Seine Saint-Denis ou à Paris.
Sans même évoquer son détournement, en pour ou contre François
Hollande.
Quand aux référendums locaux, l’exemple récent de l’Alsace montre bien son
caractère pour le moins aléatoire. Le risque étant de se retrouver dans une
situation encore beaucoup plus compliquée que l’actuelle et en tout cas avec
une organisation incompréhensible et incohérente.
D’une manière ou d’une autre, si on veut arriver dans un délai inférieur au
millénaire, à réformer notre territoire, il faut passer outre le (s)
référendum(s) et imposer aux élus de s’entendre sur une nouvelle organisation
dont le cadre aura été fixé de manière beaucoup plus rigide et plus précise que
ce qui a été fait jusqu’à présent. Sinon, et même si les mentalités semblent
avoir un petit peu évolué sous la pression des déficits, il y a fort à parier
qu’à l’exception de quelques décisions symboliques, rien ne change en
profondeur et que le millefeuille continue à prospérer sur le dos des finances
publiques.
On peut ainsi imaginer de réunir des régions afin qu’elles aient plus de
poids à l’échelle européenne, ce qui aurait du sens à partir du moment où leurs
prérogatives sont parfaitement identifiées et exclusives.
A condition également que les compétences des régions soient agrandies au
détriment du département qui ne serait plus qu’une représentation locale de la
région à laquelle celle-ci aurait délégué certaines missions.
Evidemment, seule la région disposerait d’élus.
Constituer de véritables métropoles qui seraient le cœur névralgique d’une
région, est également une bonne idée, à condition qu’on n’en fasse pas une
strate supplémentaire entre les communes et les départements. A condition
également, que ces métropoles n’échappent pas au
contrôle démocratique des citoyens.
Il faut donc que les principales prérogatives des métropoles se substituent
à celles de l’ensemble des communes regroupées. Communes qui ne seraient que
des sortes de représentations de la métropole au plus près du citoyen. Dans les
régions ou la métropole est puissante, celle-ci se substituera au
département.
Le mode d’élection municipale pourrait prévoir un vote au prorata du nombre
d’habitant, au sein de chaque commune, qui constituerait l’assemblée municipale
de la métropole.
En tout état de cause, procéder comme semble vouloir le faire François Hollande risque bien d’être un nouvel échec de la réforme territoriale, et dans notre situation la France va finir par s'étouffer avec son millefeuille.