FRANCE - François Hollande : le président, les sondages et la sale guerre…
Publié le 20 janvier 2014 par Pierrepiccinin
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François Hollande : le président, les sondages et la sale guerre…(Huffington
Post, 13 décembre 2013) - Texte intégral
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Depuis ses premiers pas à l’Élysée, François Hollande n’a pas
désangoissé : sa cote de popularité a dégringolé dans les sondages comme une balle de caoutchouc rebondissant de marche en marche dans un escalier.
Celui de Matignon, probablement… Car le baromètre n’y est pas plus au beau fixe : la popularité du premier ministre,
Jean-Marc Ayrault, est en chute libre, elle aussi, et l’on commence à chuchoter, dans les couloirs de l’Assemblée nationale, que, finalement, les Français préféraient Nicolas à François.
Lui, le Nico, il en avait ! Il ne s’embarrassait pas de considérations très protocolaires sensées lui donner l’allure
d’un véritable chef d’État : le verbe haut et la grammaire très approximative, « Racailles ! » par-ci et « Ta gueule, pauv’ con ! » par-là, puis un petit coup
dans l’aile en sortant du Kremlin ou encore le sourire narquois aux dépends de ce vieux brigand de Sylvio, presqu’un incident diplomatique majeur… Il n’eût plus manqué qu’une main au popotin de
la Merkel ! En un mot : il était des « nôtres », le Nico !
D’aucuns se demandent dès lors ce qui leur a pris, en ce matin-là de mai 2012, lorsqu’ils ont coché sur le bulletin le nom du
petit mou un peu rougeaud et à l’air toujours essoufflé… Peut-être, tout simplement, était-ce un pied-de-nez à l’autre, le teigneux colérique, ce qu’il était devenu, à la fin de son mandat, lui
qu’un certain PPdA avait « maladroitement » qualifié de petit garçon débarqué dans la cour des grands…
En effet, les chantiers ouverts par ce président élu à défaut d’un candidat plus engagé se résument à quelques écrans de
fumée, beaucoup de bruits sur des questions sociétales, mais rien (ou si peu) pour lutter contre la désindustrialisation, et rien sur les questions sociales, économiques et financières… Arnaud
Montebourg, ministre du Redressement productif, était très populaire avant son entrée au gouvernement ; il est aujourd’hui invisible, n’étaient quelques coups de com’, qui n’ont eu pour
effet que de trahir plus encore le désaveu dont il a fait les frais.
L’action et la composition même du gouvernement sont illisibles : c’est le grand écart entre le ministre de la Justice et
celui de l’Intérieur : Christiane Taubira, c’est l’esprit des réformes sociétales de mai 1968, c’est la justice compassionnelle ; Manuel Valls, c’est ce ministre de gauche préféré des
gens de droite, partisan des sanctions dures contre les illégaux et les petits délinquants.
S’y côtoient des gens aussi éloignés que Benoît Hamon, qui plaide pour endiguer les effets nuisibles du libre-échange, et
Pierre Moscovici, un proche de Strauss-Kahn, l’homme du FMI et de la dérégularisation du marché.
Les Verts militent aussi bien dans le gouvernement que dans l’opposition ; ils n’épargnent pas le projet d’aéroport à
Notre-Dame-des-Landes, porté par le premier ministre lui-même, ancien Conseiller général de la Loire-Atlantique…
Chacun n’en fait donc qu’à sa tête : Ayrault proclame la réforme fiscale sans même consulter Moscovici, le ministre de
l’Économie et des Finances, qui s’en émeut bruyamment. La cacophonie règne au sein de l’équipe du président.
Les classes populaires et moyennes ont ainsi le sentiment que, avec la hausse des impôts, de la TVA notamment, et la
désindustrialisation qui mine l’économie française, elles payent la crise provoquée par la haute-finance et les détenteurs du grand-capital, ces milieux perçus comme associés au « pouvoir
socialiste ». L’affaire Cahuzac n’a fait que renforcer cette perception.
Bref ! François va mal ! Il faut remonter la pente, redresser la barre ! Mais comment ? Parce que, pour
dire la vérité, le président n’est pas responsable de la crise : il n’y peut rien. Quoi que…
Les vieilles recettes, alors ? Hé, ben, oui… Quand tout va mal en politique intérieure et qu’on n’y peut rien faire, on
se détourne vers un petit conflit à l’étranger, une petite guerre à mener rondement ou qui sera de toute façon ficelée comme telle par une presse française qui, à quelques mauvais caractères
près, a toujours su où était son devoir : « aux ordres ! » ; et « sous les drapeaux ! »
Ça paraît tout couillon, dit comme ça ; mais ça marche à tous les coups ! Ou presque.
Rappelez-vous : Margareth Thatcher, la « Dame de fer », championne du néo-libéralisme. Au début des années
1980, quand elle avait décidé de tailler dans la chair, de fermer les charbonnages britanniques et d’abandonner à la misère des milliers de foyers, poussant des régions entières du pays à la
révolte.
Quand les mineurs descendent dans la rue, « ça rigole pas ! » ; en exagérant à peine, on aurait pu parler
de guerre civile…
Et, hop ! Le miracle ! L’Argentine réclame et envahit l’archipel des Malouines, ces quelques kilomètres carrés de
terre sur lesquels flotte encore l’Union Jack, à trois encablures des rivages sud-américains. Margareth a rassemblé derrière elle la nation outragée et elle a gagné la guerre. Les Anglais ont
oublié leurs gueules noires ; les mineurs eux-mêmes se sont oubliés et ont planté des petits drapeaux dans les jardinets des corons, friches industrielles en devenir. Le tour était
joué.
Ou bien William Clinton (« Bill », pour les intimes), empêtré qu’il était dans le Monicagate. Du nom de cette
stagiaire de la Maison blanche qui lui avait fait le plaisir d’une turlutte dans le Bureau ovale. C’était en 1998. Monica s’en était plainte, toutefois ; le président démocrate avait
affirmé son innocence, sous serment ; la petit avait alors ressorti sa robe, tâchée du sperme présidentielle, qu’elle avait soigneusement mise de côté ; et la majorité républicaine du
Congrès avait exulté et demandé la tête de Bill qui, pour éviter le vote de « l’impeachment », sa destitution, prétexta d’une violation par Saddam Hussein des accords internationaux
pour balancer quelques bombes sur l’Irak. On ne destitue pas le chef du pouvoir exécutif lorsque les États-Unis sont en guerre…
Ainsi, l’occasion a fait le larron : lorsque des islamistes fanatiques encouragés par la chute de Mouammar Kadhafi en
Libye ont fait alliance avec les indépendantistes du désert touareg et que tout ce petit monde a en outre menacé les gisements d’uranium nigériens exploités par le puissant groupe français
Areva, François a remercié le ciel et, devenu chef de guerre, a dépêché l’armée au Mali.
Dans les quotidiens de l’Hexagone, on a écrit les mots « victoire » et « droits de l’homme ». On a
minimisé la résistance d’une guérilla qui s’accroche et frappe quotidiennement. On a très peu évoqué les massacres perpétrés par l’armée malienne contre les populations arabe et touarègue, sous
les yeux, fermés, des forces françaises. La presse a préféré parler de quelques exactions « isolées » ; surtout pas « d’épuration ethnique », ni de
« charniers ».
Je les ai pourtant vus, ces massacres, ces charniers, les fosses communes creusées dans le sable des dunes, tout autour de
Tombouctou… Je les ai vus, les corps décharnés. Celui du vieil Ali. De lui non plus, la presse française n’a pas parlé (lire : MALI - Grand-reportage : L'illusion malienne).
Que du bonheur pour François ? Non ! Il y a eu le gros cassage à propos de la Syrie, une autre guerre...
« Quoi qu’il arrive, je ne change pas de cap au grès des sondages. Les Français sauront reconnaître la stabilité, le
calme, le sérieux », aurait déclaré le président Hollande. En effet, il ne change pas la politique de la France initiée par son prédécesseur : fiscalité à l’avantage des nantis (qui,
sans cela, pourraient « se sauver à l’étranger ») ; soutien inconditionnel à Israël ; et interventionnisme en Syrie pour complaire aux investisseurs qataris.
Du Nicolas Sarkozy tout craché !
Mais, la Syrie, ce n’était pas pour plaire au grand-frère d’outre-Atlantique : à Washington, Obama n’a jamais voulu de
cette guerre inutile. Il a toujours reculé. Et, lorsque la « ligne rouge » a été dépassée, lorsque le régime syrien a été accusé d’avoir utilisé des armes chimiques contre sa propre
population, Barack, pour ne pas devoir frapper, s’est engouffré dans la porte de sortie que lui ouvrait Vladimir depuis Moscou : on mettra l’armement chimique syrien sous tutelle
internationale ! « C’est bien trouvé, ça ! Ouf ! » Et Barack Obama, qui avait oublié de prévenir l’Élysée de son brusque revirement, de laisser le petit François
gesticuler, tout seul, sans plus aucun appui. « Zut, alors ! La Syrie, ç’aurait été pas mal ! On en avait bien pour quelques années ! »
Mais une bonne fée s’est penchée sur le berceau de ce gros bébé joufflu : l’Afrique a toujours été un très vaste terrain
de jeu pour la France. Il y a de l’espace ; on n’y manque pas d’air non plus : « La France vient défendre la dignité humaine ! » ; « Il était temps d’agir,
pour empêcher le carnage ! »
La Centrafrique, c’est moins spectaculaire, mais on fera avec… Ah ! Il est content, le François ! Il fallait
l’entendre, à Bangui, lyrique !
Dis, François ! Et ton électorat socialiste ? La vieille gauche (comme la nouvelle, d’ailleurs, réveillée par la
crise qui s’éternise) ? Ne l’entends-tu pas regimber et grogner ? S’ils t’ont élu, ces gens-là, « la base », c’est pour que tu dames enfin le pion aux chantres du marché à
tout va et pour que tu jugules les velléitaires de la financiarisation de l’économie européenne ! Européenne, oui ! La France ne devait-elle pas montrer l’exemple… et les dents ?
Et, toi, tu vas courtiser les centristes… Tu l’avais dit, pourtant : « Mes promesses, je les tiendrai ! »
Tombés, main dans la main, à moins de 20% de soutien de l’opinion publique, François Hollande et Jean-Marc Ayrault font
désormais figure de polichinelles : les sondages ne valent pas élections, bien sûr ; mais qu’en est-il de leur légitimité à gouverner encore ?
Si la guerre en Centrafrique n’arrange pas un peu les bidons, il faudra changer son fusil d’épaule : à n’en pas douter,
on pourrait bien humer quelques relents de remaniement.
Rue de Solferino, à Paris, deux éléphantes se frottent déjà les mains. Martine ronge son frein et l’ex-petite copine du
président se verrait bien jouer la revanche, dit-on…
« Il est où, l’avion !? »
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