Les palpitantes aventures de Jean-Michel Krugman
Publié Par h16, le 20 janvier 2014 dans ÉditoAujourd’hui, je vais vous parler, un peu, de Paul Krugman. Ce n’est pas que le personnage soit particulièrement intéressant, mais de temps en temps, je fais preuve de générosité et je décide de consacrer un peu de mon temps à une œuvre de charité. Cette fois-ci, je vais donc essayer d’apporter quelques éléments de réflexion au sujet de celui qui fut prix Nobel d’Économie avant de sombrer corps et âme.
Je vous rassure tout de suite : ces éléments ne sont pas destinés à ce brave Paul, qui est maintenant dans une autre galaxie, très très lointaine, et donc inaccessible à toute remarque de bon sens. En réalité, ils s’adressent en priorité aux journalistes, notamment français, qui continuent de voir dans l’ancien nobélisé une espèce de gourou sur lequel on peut appuyer toute analyse imbibée de keynésianisme bien moisi.
À la décharge de Krugman, la France a toujours été un paradis pour ses saillies, même les plus ridicules. Avec ses théories consternantes, avec son penchant à gauche parfaitement assumé et totalement irrationnel, et avec ses petits éditos qui tentent régulièrement de camoufler son militantisme socialiste quasi-rabique derrière une fine couche d’économisme de bazar, s’il n’était déjà américain, il aurait été Français et se prénommerait sans doute Paul-Édouard ou Jean-Michel.
Et le brave Jean-Michel Krugman aurait eu toute l’écoute des médias « importants » de France qui lui ouvrent déjà leurs colonnes. Le dernier exemple en date illustre à merveille l’obséquiosité dégoulinante qu’ils ont déjà à l’encontre du bonhomme et qui serait sans nul doute décuplée fut-il né Français et baptisé Jean-Michel. En effet, on apprend, de différentes sources aussi sûres que peut l’être la presse française ultra-subventionnée, que l’économiste a flingué (pour reprendre les termes toujours finement choisis de Libération) la « nouvelle politique de François Hollande » dans une récente tribune du New-York Times, le pauvre organe qui lui laisse faire son trampoline militant sur base pluri-hebdomadaire.
Notez au passage qu’à chaque fois qu’un article français paraît sur l’éditorialiste, la titraille s’emballe et insère presque systématiquement le « prix Nobel d’économie » qui va bien (chose que se refuseraient à faire les mêmes journalistes s’il s’agissait d’un Hayek ou d’un Mises, ces derniers, provenant du Camp du Mal, ne méritant pas qu’on rappelle leurs titres).
Sociologiquement, il est fort intéressant de constater l’aura quasi-christique dont dispose le gars Krugman en France : ce dernier étant ouvertement keynésien, ouvertement démocrate, ouvertement socialiste pour tout dire, ouvertement pro-Obama (le terme groupie n’est pas trop fort en l’occurrence), et officiellement nobélisé, il était impossible à tout l’establishment journalistico-politique français, très majoritairement keynésien, démocrate, socialiste en diable, et parfaitement pro-Obama, de passer à côté. On comprend dès lors pourquoi les plus beaux morceaux de bravoure du Jean-Michel d’Outre-Atlantique semblent ignorés de ce côté-ci de l’océan.
Pourtant, difficile d’oublier que si Krugman a bien reçu un Nobel, ce n’était pas pour la pertinence de ses visions politiques ou son keynésianisme, loin s’en faut. Difficile pour quelqu’un qui se renseigne un peu d’oublier que Krugman fut bruyamment en faveur d’un gonflement musclé de la bulle immobilière aux États-Unis, bulle qui explosera ensuite avec les dégâts qu’on connaît. Difficile pour quelqu’un qui suit un peu le personnage de passer à côté de ses prédictions humoristiques sur l’Internet, dont il était sûr que l’impact en 2005 ne dépasserait pas celui du fax. Difficile aussi de passer sans pouffer sur les déclarations proprement ahurissantes du même Krugman qui estime qu’une menace extra-terrestre pourrait se transformer en boom économique (un peu comme la Seconde Guerre Mondiale qui fut, par la reconstruction afférente, un véritable coup de booster économique, si l’on omet les millions de morts et les années*hommes perdues dans l’affaire).
Mais pour un journaliste français, tout ça passe comme une lettre à la poste, précisément parce que c’est n’importe quoi mais que c’est estampillé « Nobel ». Le sophisme de la vitre cassée, dénoncé par Bastiat et ici mis en application avec tendresse par le Jean-Michel Krugman d’Amérique, tout le monde, en France, s’en contrefiche. Bastiat aurait dû s’appeler Jean-Paul ou Jean-Michel, et pas Frédéric, c’est tout.
Malgré tout, et comme on ne peut pas se contenter de rappeler le parcours médiatique un tantinet chaotique d’un économiste pour juger de ses prouesses dans son domaine d’expertise, regardons plus avant ce qui a déclenché la vague de petits articles pétillants d’une presse française acquise aux discours du Jean-Michel américain ; dans son petit billet daté du 16 janvier, Krugman se lâche complètement à la suite de la conférence de presse de François Hollande, dont les annonces constituent selon l’économiste un véritable scandale : le président français serait en train de réaliser un virage libéral, et il remettrait le couvert pour une bonne louchée d’austérité en France.
Pourtant, Krugman le dit et le répète en se mâchouillant la barbe : « scrogneugneu, l’austérité, ça ne marche pas voyons enfin les enfants ! ». Et il en veut pour preuve les croissances anémiques, les taux de chômage records, les difficultés financières et les tensions économiques palpables dans tous les pays d’Europe pour accréditer sa thèse. Ici, les journalistes boivent du petit lait, leur inculture économique et l’absence réelle de toute volonté de recherche sérieuse leur rendant ici de fiers services.
Car, disons-le clairement, Krugman se trompe sur au moins trois chefs. Vous me direz, c’est normal, il est keynésien, militant politique et socialiste, ce qui le qualifie largement en matière d’échecs. Mais au-delà de ces raisons intrinsèques, les faits, têtus, lui donnent tort.
D’une part, économiquement, Krugman se fourre le doigt dans l’œil et les journalistes, toujours aussi finauds, l’aident grandement à lui pousser jusqu’à l’omoplate : il n’y a pas de virage libéral de la part de Hollande. Une France qui crame 57% de ses richesses produites dans le Tout-à-l’État ne peut pas prétendre, même de loin, à la moindre parcelle de libéralisme. Un pays qui a trouvé comme « solution » à la crise un renforcement de toutes les législations du travail, des corporations, un pays qui a toujours fait la place belle au capitalisme de connivence, aux affaires entre copains et coquins, et qui n’a jamais varié d’un iota sa politique économique placée systématiquement à gauche ne peut pas prétendre au libéralisme.Pire encore, Krugman se plante ici politiquement : Hollande ne fera jamais de virage libéral, social-libéral ou même social-démocrate. Hollande est un animal politique, il émet avec sa bouche les sons qui lui permettront d’obtenir le maximum de suiveurs, de prébendiers et autres thuriféraires pour assurer son propre avenir. Si la conjoncture politique avait dicté qu’il déclare le bleu comme nouvelle couleur tendance, il l’aurait fait, quand bien même il serait venu cravaté de rouge. Ici, Krugman montre toute l’étendue de sa naïveté en imaginant qu’un type comme François Hollande pourrait éventuellement mettre ses actions en face de ses paroles, ce qui serait, proprement, inédit en France depuis plusieurs décennies. Et pardon, mais l’éloignement géographique du Jean-Michel américain n’explique pas tout : Obama est, chez eux, un excellent exemple de ce qu’on peut pipeauter pendant des années tout en conservant le pouvoir (Guantanamo, anyone ?).
Enfin, et c’est tout de même toujours aussi consternant de voir qu’un économiste peut à ce point raconter des balivernes si elles servent son petit agenda personnel, l’austérité en Europe n’a pas été mise en place. Ni en France, ni en Grèce, ni ailleurs. Jamais. Oh, pour sûr, on a pressuré les contribuables, on a écrasé le secteur productif d’impôts, de taxes et de vexations fiscales diverses. Mais les coupes claires dans l’administration, la diminution du poids de l’Etat et de son rôle dans la société, ça, en revanche, c’est … du flan : il n’en a jamais été question. Le poids des prélèvements n’a pas arrêté d’augmenter en France, le poids du secteur non-marchand aussi, l’interventionnisme d’État bat son plein. Krugman, en feignant de croire que la France pourrait prendre un virage libéral ou social-démocrate ou pédalo-flambyste, joue à l’idiot inutile, ou se laisse lui-même berner par ses propres illusions économiques.
Quant aux journalistes, ils relaient, frétillants d’aise à l’idée qu’un Prix Nobel de 2008 puisse ainsi égratigner Hollande qui oserait tenter un truc de fou dont Tout Le Monde Sait (à commencer par le nobélisé en question) Que Ca Va Dégrader La Situation, mais si mais si, puisqu’on vous le dit.
Jean-Michel Paul, faites-vous une raison : vos éditos sont vaguement rigolos lorsqu’ils concernent les États-Unis, mais franchement, pour la France, restez chez vous, vous dites de grosses âneries. Non, Hollande n’a pas pris de virage libéral ou quoi que ce soit. Il continue, têtu, toujours tout droit, bien perpendiculairement au mur de la réalité qu’il va nous faire prendre en pleine tête.
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