Et puis un jour, c’est au tour de Blandine d’être menacée de licenciement: elle a récupéré des fruits consommables dans les poubelles du supermarché. Tout bascule dans le chaos programmé d’une injustice de la classe. Xenia cesse de se montrer distante – à l’égard de Blandine et du monde environnant – et la bagarre collective commence, entre rires et larmes, amours et luttes, espoirs et détresses. Face à l’iniquité, les amis d’abord puis la population de la cité se soulèvent. Xenia joue les détonateurs, avec courage et volonté. Dans ce récit de la précarité et du combat, nous croisons les trajectoires de ceux qui restent debout, pas seulement fiers de ce qu’ils sont – des êtres profondément humains malgré leur condition modeste – mais bel et bien conscients que les violences du monde du travail réclament, plus que jamais, des contre-pouvoirs et des rapports de forces sans concession. Le décor se dévoile: c’est la France d’ici-et-maintenant, dans sa réalité trop souvent tenue à l’écart, dépeinte dans un récit beau et sidérant en tant qu’objet irremplaçable de la vie telle qu’elle est. L’écriture du présent et au présent devient ici un art d’être-en-littérature, une sorte d’examen de conscience collective d’autant plus intime qu’il invite à l’urgence de nos réflexions. Oh ! miracle des écrivains: nous sortons de cette lecture sonnés et heureux. Imaginez le mélange des larmes et de la rage communicative. Avec la conviction d’avoir épousé le roman d’une génération de femmes ; le roman d’une époque ; notre roman, en somme.
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 17 janvier 2014.] A VOIR : Denis Belloc chez Ardisson, en 1989