I. Les faits et la procédure
Dans cette affaire, M. X, à l'occasion de travaux de réfection de la toiture de son habitation, avait été démarché par la société X et lui avait confié "le soin d'installer des panneaux photovoltaïques en considération des avantages financiers attachés à ce type d'installation (crédit d'impôt et tarif d'achat)".
M. X a ainsi commandé l'installation et la mise en service de deux installations identiques d'une production de 2 996 Wc chacune. Les devis signés précisaient que la société en charge du développement de ces installations ne pouvait garantir le montant exact du crédit d'impôt.
Or, entre la signature du contrat et la mise en service de l'installation, tant le crédit d'impôt que le tarif d'achat d'électricité ont sensiblement baissé.
M. X a alors reproché à la société X d'avoir manqué à son obligation de conseil et l'a assignée devant le tribunal de commerce de Brive afin, principalement, d'obtenir réparation :
- de son préjudice lié à la perte de crédit d'impôt ;
- de son préjudice consécutif à la réduction du prix d'achat des Kw ;
- de son préjudice moral.
Par jugement du 3 octobre 2012, le tribunal de commerce a débouté M. X... de son action. M. X... a relevé appel de ce jugement.
II. Sur le devoir de s'informer et d'informer sur l'évolution de la législation fiscale
La Cour d'appel de Limoges va tout d'abord s'attacher à fixer la date à laquelle la société de développement des installations devait avoir connaissance de la réforme tendant à la baisse du crédit d'impôt valable pour l'achat d'équipement solaires photovoltaïque :
"Attendu que le crédit d'impôt applicable aux installations photovoltaïques, qui était de 50 % à la date des devis, a été réduit à 25 % à compter du 29 septembre 2010 en vertu de nouvelles dispositions de la loi de finances 2011.
Attendu que M. X... ne produit aucune pièce démontrant avec certitude que la société X. aurait, en sa qualité de professionnelle, disposé d'informations sur l'évolution prochaine de la législation fiscale à la date d'établissement des devis, les sites internet auxquels il se réfère faisant seulement état en août 2010 d'une baisse du tarif de rachat de l'électricité ; que cette société justifie pour sa part que l'information sur la réduction de l'avantage fiscal n'a été publiée dans le quotidien de l'économie " Les échos " que le 20 septembre 2010."
C'est donc ici la date de publication d'un article de presse, celui du quotidien Les Echos en date du 20 septembre 2010, qui constitue la date à laquelle la société X., professionnelle, devait avoir connaissance de la réforme en cours du crédit d'impôt.
Soulignons qu'à la date du 20 septembre 2010, la loi de finances pour 2011 n'était pas encore votée mais seulement en cours d'élaboration. Et encore : la discussion parlementaire du projet de loi n'avait pas commencé dés lors que ce dernier est généralement présenté au conseil des ministres du mois de septembre.
La Cour d'appel impose donc à la société de développement du projet solaire photovoltaïque de M. X un devoir de s'informer qui suppose une veille constante et large, au moyen notamment de la lecture attentive de la presse économique, en amont du vote d'une nouvelle mesure fiscale. Ici, la société X. devait déceler cette réforme du crédit d'impôt avant même que celui-ci ne soit voté. Ce qui signifie que la société X. avait le devoir d'alerter son client et ce même si la mesure fiscale en cause aurait trés bien pu ne pas être votée.
La Cour d'appel de Limoges va ensuite tirer les conséquences du défaut d'information de son client par la société X. quant à la réforme du crédit d'impôt :
"Attendu, cependant, que la modification de l'avantage fiscal s'accompagnait d'une mesure transitoire au profit des acquéreurs d'équipements de production d'électricité à partir de l'énergie solaire pouvant justifier, au plus tard au 28 septembre 2010, de l'acceptation d'un devis et du versement d'un acompte ou d'arrhes, ceux-ci pouvant continuer à bénéficier d'un crédit d'impôt de 50 %, même si le règlement définitif de la facture est effectué en 2011 ; que la société X., dont il est certain qu'elle avait eu connaissance de la modification du régime fiscal au plus tard le 20 septembre 2010, ne justifie pas avoir informé M. X... de la teneur de la mesure transitoire qui lui aurait permis, en versant immédiatement l'acompte de 30 % à la commande stipulé dans les deux devis, de bénéficier d'un crédit d'impôt maintenu à 50 % ; que la société X a donc manqué aux obligations d'information et de conseil qui lui incombaient en sa qualité de professionnelle et que cette faute a causé un préjudice à M. X... qui a bénéficié d'un crédit d'impôt réduit à 4 000 euros au lieu des 8 000 euros auquel il aurait pu prétendre ; que la société X. sera condamnée à lui payer la différence, soit 4 000 euros, M. X... ne démontrant pas avoir subi un préjudice supérieur à cette somme ; que la proposition d'indemnisation offerte par la société X dans le cadre de pourparlers transactionnels, ne sauraient engager cette personne morale."
Aux termes de cet arrêt, la Cour d'appel de Limoges a jugé
- que la société X. ne rapportait pas la preuve d'une information de M. X quant à la réforme du crédit d'impôt, au plus tard le 20 septembre 2010 ;
- a privé M. X de la possibilité de bénéficier d'une mesure transitoire qui lui aurait permis de bénéficier de l'ancien crédit d'impôt, avant intervention de la baisse ;
- doit être condamnée à verser à M. X la différence entre le crédit d'impôt espéré et celui finalement obtenu après une division par deux.
III. Sur le remboursement des frais de raccordement d'une installation à la suite d'une baisse de tarif d'achat
Au cas présent, M. X reprochait également à la société X. d'être responsable de la baisse du tarif d'achat d'électricité, à la suite de retards dans le raccordement de ses installations solaires.
En premier lieu, la Cour d'appel examine la rédaction du mandat donné par M. X à la société X. pour la conduite de la procédure de raccordement auprès d'ErDF :
"Mais attendu que le mandat donné le 22 novembre 2010 par M. X... à la société X. pour effectuer, en son nom et pour son compte, les démarches nécessaires auprès d'ERDF en vue du raccordement de son site stipule que cette société " ne peut être tenue pour responsable des délais des réponses faites par ERDF ou l'un de ses prestataires, ni des délais de réalisation des travaux de raccordement qui sont de la stricte compétence d'ERDF "."
Le mandat précise bien que la société en charge du développement du projet ne peut être tenue responsable des retards du gestionnaire de réseau dans la réalisation du raccordement des installations de M.X. L'obligation de la société X. est une obligation de moyen, pas de résultat.
En deuxième lieu, la Cour d'appel de Limoges juge que la société X. a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que le raccordement des installations soit réalisé dans les meilleurs délais :
"Et attendu qu'il résulte de la lecture des courriers échangés entre ERDF et la société X. que, cette dernière s'étant aperçue que ERDF ne lui avait transmis qu'une seule proposition de raccordement au réseau électrique correspondant à l'installation no1 (référencée no 336597) à l'exclusion de l'installation no 2 (référencée no 336595), alors même que le dossier correspondant à cette seconde installation était complet au 7 décembre 2010 (courrier ERDF du 15 décembre 2010), elle lui a demandé de débloquer la situation dans les meilleurs délais par courrier du 18 avril 2011 ; qu'après avoir dans un premier temps refusé le raccordement de la seconde installation en opposant les dispositions du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 (courrier ERDF du 18 mai 2011), ERDF a finalement donné une suite favorable à la demande par courrier du 21 juin 2011 ; que M. X... a ensuite reproché à la société X, par courrier du 9 septembre 2011, de lui avoir fait subir la baisse du rachat de l'électricité décidée par ERDF du fait du retard dans le raccordement de la seconde installation."
Ce projet a manifestement été soumis, dans un premier temps, aux dispositions du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat. Il semble que l'intervention de la société X. ait permis de soustraire en partie le projet de M. X à ce "moratoire". Ce qui n'aurait cependant pas permis une baisse du tarif d'achat applicable.
La société X. ne peut donc être tenue au remboursement des frais de raccordement d'une installation bénéficiant d'un tarif moindre que celui espéré par le producteur :
"Mais attendu que la société X. ne peut être tenue pour responsable des délais de réponse de ERDF ni des délais de réalisation des travaux de raccordement, cette exclusion de responsabilité résultant des termes même du mandat du 22 novembre 2010 ; que confrontée au refus initialement opposé par ERDF de raccorder au réseau d'électricité la seconde installation de M. X..., la société X a fait le nécessaire pour trouver une solution à cette difficulté ; qu'elle a répondu favorablement à une demande d'annulation du contrat de M. X... sur laquelle ce dernier est ensuite revenu par courrier du 10 juin 2011 ; que la responsabilité de la société X., qui a exécuté ses obligations de mandataire, ne peut être engagée ni à raison du délai de raccordement de la seconde installation ni à raison de la baisse du prix de rachat de l'électricité unilatéralement décidée par ERDF.
Et attendu que M. X... ne peut prétendre au remboursement par la société Ecosolis du coût du raccordement de la seconde installation qui correspond à une prestation effective d'ERDF."
Dés l'instant où le mandataire a exécuté ses obligations au titre du mandat signé avec le producteur, il ne peut être tenu responsable du retard de raccordement par le gestionnaire de réseau et par la baisse du tarif d'achat. Dans le sens inverse, a fortiori si le mandat est mal rédigé, il ne peut être exclu que le mandataire responsable de retards de raccordement soit tenu responsable, en tout ou partie de la baisse d'un avantage type tarif d'achat.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats