Conférence de presse de François Hollande : des enjeux d’images partiellement atteints
Publié Par Florian Silnicki, le 19 janvier 2014 dans Médias, PolitiqueQuelque 4,282 millions de téléspectateurs ont suivi mardi la conférence de presse de François Hollande, mardi 14 janvier. C’est bien plus du double que pour celle du 16 mai 2013, à en croire les chiffres de Médiamétrie. Revenons sur ce qu’ils ont pu voir pour tenter de le décrypter.
Par Florian Silnicki.
Ce qui saute immédiatement aux yeux, c’est que François Hollande se fige instantanément lorsque la question lui est posée.
Il apparaît alors à l’écran avec un air grave surjoué. Cela est étonnant. Chacun s’attendait à ce qu’il apparaisse grave. Il est pourtant contreproductif d’adopter une posture aussi figée seulement après que la question lui soit posée. Le téléspectateur désormais sensibilisé aux astuces des préparations médiatiques et aux secrets des « médiatraining » peut facilement imaginer ce que le Président de la République semble se dire: « la question m’est posée, je dois me mettre en mode « GRAVE ».
Quel est le résultat de cette posture surjouée? Cela aboutit d’abord à une réponse qui n’est pas efficace parce que l’aspect théâtral prend le dessus sur le fond de sa réponse. Cette impression est renforcée par le long moment de silence qu’il s’impose avant de répondre.
N’est pas Mitterrand ou Chirac qui veut en la matière. François Hollande, lui, est manifestement mal à l’aise face à ce silence travaillé. On le voit non seulement à ses mouvements de bouche étonnants… mais surtout, il finit par regarder ses propres chaussures !
La nictation (ou clignement d’œil) du Président de la République apparaît en adéquation avec son sentiment intérieur. Plus il semble mal à l’aise, plus il cligne des yeux. Un mouvement de tête est très intéressant après le mot « chacun… ». Ce mouvement, comme pour asseoir ou renforcer son propos n’est vraiment pas naturel.
La main du Président de la République qui vient appuyer la formule « j’ai un principe » est un classique, toujours efficace chez lui. Le geste change d’ailleurs à l’annonce du fait qu’il ne répondra à « aucune question ». La main vient alors former comme un bec. Il n’a que deux gestes essentiels pour répondre à cette question. Il y a eu un travail.
Les mots sont trop communs. Ils ne sont pas assez bien choisis. Actons qu’il est toujours difficile d’être naturel et efficace quand il s’agit d’un évènement aussi intime.
Réflexe de quelqu’un qui veut se protéger
Un autre détail mérite d’être relevé ici. C’est le recul qu’il prend en disant « je suis sûr que vous comprendrez ma réponse ». Chacun mesure alors que le Président de la République n’est, à cet instant, pas du tout sûr de lui. C’est habituellement le réflexe de quelqu’un qui veut se protéger d’un danger.
Adoptons un point de vue plus global pour tenter de faire apparaitre la stratégie de communication du Président de la République. Ses équipes ont pensé prendre l’avantage en renvoyant à plus tard les explications sur cette situation intime, qui explique l’affluence inédite de la conférence (600 journalistes accrédités, dont 200 venus de 46 pays étrangers).
C’est une erreur stratégique importante. C’était pourtant attendu, parce que c’est la stratégie la plus évidente sans être pourtant la plus efficace. Les conseillers de la Présidence de la République cherchaient à éteindre l’incendie. Ne rien dire comme il l’a fait, c’est tout simplement alimenter le foyer du feu tel un pompier pyromane. C’est à coup sûr ne pas réussir à clore une séquence médiatique négative.
On verra d’ailleurs naître un feuilleton Gayet. Ségolène Royal a-t-elle ou non rendu visite à Valérie Trierweiler ? François Hollande est-il ou non interdit de lui rendre visite par le corps médical ? Julie Gayet est-elle ou non enceinte ? Bénéficie-t-elle d’un agent de protection du GSPR, etc.
C’est d’ailleurs cette erreur tactique et stratégique de communication qui contraindra l’Elysée à devoir faire une annonce officielle à l’AFP pour confirmer que le président François Hollande s’est rendu jeudi soir au chevet de Valérie Trierweiler… symptomatique d’ailleurs de la non pro-activité trop systématique de la communication de l’institution.
La règle essentielle de gestion de crise dont aurait pu s’inspirer François Hollande, est inspirée d’une déclaration d’amour: je « TEM ». Synthèse des principes suivants: Transparence, Empathie et Mobilisation.
La réponse de François Hollande fait naitre une situation délicate. Elle aurait d’ailleurs fait un méga-scandale dans la plupart des démocraties occidentales, jamais personne n’aurait accepté une telle réponse sous forme de non réponse.
A l’heure où c’est jusqu’à 10.000 tweets par jours qui se sont échangés sur le sujet, il était difficile de passer à côté d’explications, même simples. Il fallait des explications minimalistes, mais millimétrées.
Sur l’Empathie, c’est le pire aspect de la stratégie mise en oeuvre. Le Président en manque terriblement. C’est choquant. Il n’a pas un mot pour Valérie Trierweiler. Un mot pour elle était incontournable pour apaiser la situation et prendre en compte le fait qu’elle est quand même à l’hôpital… Sur la Mobilisation, c’est vraiment étonnant. Au lieu de montrer sa détermination à clore le sujet pour ouvrir une nouvelle séquence, à ce que cette situation ne se reproduise plus ou même d’ailleurs à être transparent, il montre sa détermination à ne pas traiter le sujet pour mieux le reporter.
Le Président de la République, à travers de cette conférence, se livre à un exercice qui révèle qu’il n’a pas compris que la communication d’un homme d’Etat ne répond pas aux mêmes codes de la communication électorale.
Pourquoi cet aspect est crucial ? Parce qu’il excellait en tant que candidat, il n’arrive manifestement pas à se détacher de cette communication.
Les paroles ne suffisent pas dans ces occasions
Sans empathie, le Président de la République n’arrive pas à créer le lien nécessaire malgré le « nous traversons une période douloureuse » qui n’est pas efficace. Il manque aussi une gestuelle adaptée et appuyée. Les paroles ne suffisent pas dans ces occasions. Les gestes comme l’émotion sont essentiels en ce qu’ils forment un tout pour avoir le bon ton, qu’il ne réussira d’ailleurs pas à adopter.
Une chose intéressante enfin à relever, c’est qu’il s’agit bien de la première question posée comme l’avaient laissé entendre plusieurs conseillers de l’Elysée tentant ainsi de sauver cette conférence. C’est la 3e grande conférence du Président de la République. Il faut s’imaginer être son spin doctor. Il faut clore cette séquence vite et efficacement. Mettre en place la stratégique choisie, c’est être assuré d’un échec.
Non seulement, il convenait de clore le sujet mais en plus, il fallait mettre en oeuvre un registre de discours qui soit bien plus efficace que celui choisi à travers la phrase « les affaires privées se règlent en privé ». Il n’y a aucun mot choc, aucune image, aucune formule… et cela manque cruellement.
Le manque d’efforts de transparence est par ailleurs très clair. La mise en scène de sa réponse est donc inefficace. La mise en scène de la transparence sur laquelle l’opinion est de plus en plus intransigeante va permettre l’ancrage de cette séquence médiatique négative dans la durée. Cela pose évidemment un problème et comporte un double risque: un risque d’occultation de son action pourtant susceptible d’être valorisée lors de cette conférence, mais surtout un risque durable d’image.
Il y avait au moins trois enjeux de stratégie d’image: comment marquer son image comme Président de la République d’une empreinte positive, comment renforcer son image et comment clore la séquence désastreuse. Ils ont choisi de ne retenir que les deux premiers. C’est une erreur.
Trois solutions y répondent: faire face aux enjeux immédiats d’image, renforcer la lisibilité et la visibilité de son action à travers les mesures annoncées et mener une « communication utile » pour faire oublier cette épisode.
Les annonces formulées lors de cette conférence, sont-elles suffisamment choc pour être utiles ? Cela n’est pas certain.
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