Stephen Harper est le premier, des premiers ministres canadiens, invité à donner un discours au Knesset, le parlement d’Israël, devant les 120 députés israéliens assemblés à Jérusalem. C’est tout un honneur. Il inaugurera aussi un sanctuaire d’oiseaux portant son nom et recevra un doctorat honoraire de l’université de Tel Aviv.
Il sera reçu en héros.
Ce geste particulier est pour marquer l’appui indéfectible d’Harper à l’état d’Israël dans le conflit palestino-israélien. Ses dirigeants apprécient la constance des prises de « positions morales » qu’il prend sur les sujets politiques qui touchent leur pays, que ce soit à l’ONU, aux sommets du G8 et ailleurs.
Israël n’oublie pas le boycottage par Stephen Harper des conférences antiracismes de Durban, sa défense des opérations menées au Liban lors du conflit de 2006, son opposition aux critiques d’Israël lors des rencontres de la Francophonie, son appui aux représailles militaires de l’armée israélienne suite à l’agression du Hamas, son opposition aux discussions du G8 touchant la paix avec la Palestine afin qu’elles tiennent compte des frontières d’avant la guerre de 1967, de son vote positif à l’ONU pour modifier le statut d’Israël d’ « entité non-votante » à « État non-votant », etc… Ces actions démontrent qu’Israël ait raison ou non, Harper l’a toujours appuyé fortement et publiquement, nonobstant le fait que les mandarins d’Ottawa l’aient avisé que la crédibilité du Canada serait minée et que ses positions risquaient de contribuer à la croissance du terrorisme islamique.
À ses dénonciateurs, Harper souligne l’aide financière du Canada qu’il a donnée aux régions de Gaza et de la Jordanie. Il évite de dire que notre pays l’a toujours fait et il n’avoue pas que l’ensemble de ses actions démontre que sa sympathie première au Moyen-Orient est acquise à Israël.
Les discours d’Harper ne sont pas alignés avec la politique officielle du ministère des Affaires extérieurs du Canada, défini avec le temps par ses prédécesseurs. Il agit comme si elle n’existait pas. Que ce soit en rapport avec l’annexion de Jérusalem-est, du contrôle permanent des territoires occupés depuis 1967 et autres. Pour lui, « ce que je dis, est la politique extérieure du Canada ».
Même l’ex-PM Louis Saint-Laurent n’a pas reçu un hommage comme celui réservé à Harper. Pourtant, le 29 novembre 1947, il a décidé que le Canada prenne position en faveur d’Israël, lors du vote à l’ONU sur le « plan de partage de la Palestine » en trois entités : « l’État Juif », « l’État arabe » et « Jérusalem sous contrôle international ». Le vote fut de 33 pays « pour », treize « contre » et dix « abstentions ». Deux jours avant, dans un premier vote, Israël n’obtint que 28 votes, un de moins que la majorité requise. Ce fut très serré.
À ce moment-là, la Palestine était sous mandat britannique, conformément au statut politique établi par la Société des Nations en Palestine et en Transjordanie à partir de 1920. La population était de 65% arabe et 35% juive. Les arabes palestiniens rejetèrent le « plan de partage » et revendiquèrent l’ensemble du territoire puisque, disaient-ils, « la majorité est arabe ». Les États de la Ligue arabe les endossèrent.
Le 14 mai 1948, la communauté juive d’Israël proclama son indépendance et la création de l’État d’Israël qui devint une république parlementaire multipartite et une démocratie libérale avec suffrage universel. Les arabes insatisfaits, se sentant brimés, déclenchèrent la guerre d’Israël. Ce dernier rétorqua et le conflit dure encore avec la conséquence qu’Israël s’est approprié de plus en plus de terres arabes. En 1967, en plus de la Cisjordanie, Israël, qui occupait la partie ouest de Jérusalem, conquit la partie est et fit sa capitale de l’ensemble. Cet état de fait n’est pas reconnu par l’ONU.
Le peuple juif qui venait de subir l’horrible génocide perpétré par les nazis durant la 2ième guère mondiale, travailla dur pour bâtir son nouveau pays et le peupler de leurs contemporains de tous les coins du monde. Plus de 850 000 répondirent. De leur côté, des millions de Palestiniens, qui vivaient dans les secteurs attribués à Israël, 4,9 millions se réfugièrent du côté arabe. Aujourd’hui, Israël compte plus de 75% de juifs, le reste étant partagé entre arabes, chrétiens et autres. Sur la question des réfugiés palestiniens, plus de 72 résolutions ont été votées par les Nations-Unie, sans succès. Aucune ne s’adressait aux droits des nouveaux venus juifs, tel que le voulait Israël.
Tous les premiers ministres du Canada depuis St-Laurent ont été amis avec Israël mais leurs actions ont toujours tenu compte de la part des choses et de la situation internationale afin qu’une vraie solution soit trouvée et acceptée par les deux partis de ce conflit important. Ils ont cherché, avec les dirigeants de pays alliés, à trouver des compromis afin de mettre fin, une fois pour toutes, à cette querelle meurtrière entre les deux factions.
Seul l’ex-PM Joe Clark a agi unilatéralement en voulant déménager l’ambassade du Canada de Tel Aviv à Jérusalem, nonobstant la résolution de 1947 de l’ONU. Il fut vite rabroué par tous les pays du Moyen-Orient et revint vite à la politique sensée de ses prédécesseurs qui œuvraient autant pour les droits des Israéliens que pour ceux des Palestiniens. Harper, à chaque situation difficile entre Israéliens et Palestiniens ou entre Israël et un autre pays de la région du Moyen-Orient, prend inévitablement position pour Israël. Et cela même si ses alliés, USA ou autres, cherchent à engager des négociations entre les parties. C’est ainsi qu’il a gagné son titre de « meilleur ami politique d’Israël dans le monde ».
Pendant ce temps-là, Stephen Harper ne prend jamais parti pour le Québec. Je ne l’ai pas entendu dire : « Le Québec a raison sur ce sujet et je vais tout faire pour convaincre les autres provinces du bien-fondé de sa position ». Le registre des armes, est un exemple. C’est à l’École Polytechnique de Montréal que Marc Lépine a tiré à bout portant sur de jeunes polytechniciennes, en tuant 14 et blessant 14 autres. Nous, Québécoises et Québécois, avons tous été très marqués par ce massacre. Et, ce sont les mamans et les papas de ces victimes qui ont lancé le mouvement d’enregistrement des armes. Sa justification a été reconnue par tous, le gouvernement du Canada a agi et trois milliards de $ ont été dépensés pour le réaliser. Au moment où il fut mis en opération, Harper, devenu PM, l’annula parce que certains fermiers de l’ouest canadien s’y opposaient. Et pour ajouter à l’injure, il refuse de transmettre au gouvernement du Québec, la partie du registre qui le concerne.
L’Accord de Kyoto est un autre exemple. Il a renié cet accord international important sur l’environnement qui fut signé un de ses prédécesseurs, l’ex-PM Jean Chrétien. Il n’a pas dit que cet accord était surtout voulu par le Québec et qu’il allait tout faire pour le respecter.
De même, en rapport avec sa proposition d’invalider la loi fédérale sur l’exercice des droits fondamentaux et prérogatives du peuple Québécois et de l’État du Québec, qui stipule le droit du Québec de se séparer sans l'accord d'Ottawa, Harper refuse d’expliquer la justification de la loi aux anglophones canadiens, de défendre le droit du Québec d’agir ainsi et qu’il faut le reconnaître.
Et il y a des dizaines d’autres exemples de sujets sérieux touchant l’ensemble des Canadiens.
Enfin, le Canada profitera peut être du prestige d’Harper envers Israël en rapport avec les revenus émanant du pétrole. Il semble qu’il veuille l'utiliser pour obtenir l’appui du « lobby juif » américain, très puissant à Washington et normalement démocrate, pour faire pression sur le président Barack Obama afin qu’il approuve, dans les plus brefs délais, la construction de l’oléoduc XL Keystone devant transporter le pétrole des sables bitumineux du nord de l’Alberta à l’État d’Alabama. Au moins sur ce point, le Canada gagnera économiquement, mais, en fait, ce sera aux dépends de la bonne entente entre les Israéliens et lesa Palestiniens.
Claude Dupras