Le désert des miroirs
Frederic Peeters
Gallimard
Octobre 2013
Voyez-vous ça : déjà une dizaine d’années que Lupus a paru : superbe triptyque de science-fiction d’un suisse talentueux remarqué quelques années plus tôt avec « Pillules bleues » chez Atrabile, et.. pas une chronique sur Nebular, ni Hectorvadair’s ?
J’avoue que moi-même je n’y comprends rien. J’avais pourtant apprécié « Pachydermes », (2009), one shot très bizarre, qui surfait sur l’étrange bien que ne pouvant être rangé dans le genre SF... et adoré le lancement de cette dernière série « Aama », science-fiction « intellectuelle » (*) de grand cru, dans laquelle j’avais pourtant vu dés le premier tome un classique » immédiat.
Mais le temps.. des occasions manquées.. des oublis..
Bref, rattrapons ce retard honteux :
Frederik Peeters nous a emmené depuis deux tomes déjà dans un voyage aux confins de la galaxie, sur Ona(Ji) planète sauvage ressemblant aux premières aubes de la terre. Verloc, personnage présenté en début de récit, a en effet du fuir Radiant et sa justice, à bord du vaisseau de son frère Conrad, chargé de mission de sauvetage sur Ona(ji), où d’étranges expériences ont été menées. Churchill, un robot à apparence de gorille, l’un des plus sophistiqué aujourd’hui, les accompagne.
...C’est en tous cas ce que nous raconte Verloc, depuis le début du premier tome, en lisant ses propres notes, car il a perdu toute mémoire récente, et, désorienté, seul avec Churchill sur Ona(ji), il doit retisser le fil de leur voyage.
Nous retrouvons donc dans ce tome la troupe, complétée par les colons sur place abandonnés, en « randonnée » sur Ona(ji), en train de lutter de plus en plus durement avec les pico robots, sorte de réseau électronique puissant, s’étant répandu et intégré à la vie grouillante de la planète, et détruisant/ingérant toute matière étrangère intruisive.
Rappel : Entre temps, Varloc avait aussi retrouvé sa fille, laissée pourtant sur Radiant auprès de son ex compagne.. Mais est-ce bien sa propre fille ?
Avançant difficilement dans la jungle sauvage exubérante et électro-organique d’Ona(ji), la troupe va subir à la fois d’étranges expériences personnelles ainsi que de lourdes pertes.
L’issue du récit semble à la fois fatale et proche.
Un essai sur le blog de Frederic Peeters
(*) Fredric Peeters maîtrise pleinement son récit, et nous ravit d’une science-fiction porteuse d’influences littéraires issues de récits d’auteurs comme Ray Bradbury (Farenheit 451), ou Stanislas Lem (Solaris), récits où l’étrange et les dialogues priment sur l’action et le sensationnel.
Des films comme Enemy mine, les Maîtres du temps (Moebius), ou des séries telles les Naufragés du temps (Gillon), ou Aldébaran (Léo), pour leurs luxuriances animales et végétales et leurs réflexions philosophiques peuvent aussi donner une idée approximative de l’ambiance que l’on peut trouver dans Aama.
L’auteur nous immerge ceci-dit dans un monde original et personnel, où l’exubérance et l’étrangeté des décors illustre la sensation d’oppression et de danger que les aventuriers ressentent.
Dans cette longue quête (86 pages dans ce tome), Peeters ne perd cependant à aucun moment son lecteur; et c’est bien là que réside sa grande force, au delà de sa maîtrise graphique, au style très agréable, proche de la ligne claire. Car le scénario est relativement complexe et construit sur un principe de flash-back intéressant (la lecture par un héros devenu amnésique de ses propres notes.)
On notera à ce propos la rare scène d'action particulièrement remarquable située entre les pages 72 à 79, qui marque les esprits par sa violence sauvage.
Aâma : sauvage et sans pitié p.76
©Peeters F/Gallimard
Introspection, relations familiales, peur du « vide », peur de l’autre, confiance en soit et capacité à se dépasser, recherches biologique et expériences bio électroniques… tels sont les quelques thèmes abordés dans Aâma, qui ouvrent grand les possibilités de lecture et d’interprétations.
Une série, comme on l’a dit, dores et déjà culte, avant-même son quatrième (et dernier) tome.
Frederic Peeters recherche quelques uns de (ses) planches/dessins originaux. En avez-vous ?
http://projet-aama.blogspot.fr/2013/11/les-miettes.html