Décoller la rétine, injecter la thérapie génique dans l’interstice ainsi créé, l’intervention reste extrêmement délicate mais elle démontre avec ce petit essai de phase I et II, sa sécurité mais aussi son efficacité chez certains patients atteints d’un trouble de la vision entraînant la cécité. Avec cette étude, présentée dans l’édition du 16 janvier du Lancet, l’espoir apporté par la thérapie génique pour traiter la perte de vision est confirmé. L’essai apporte en effet, à partir de cas de choroïdérémie, un trouble rare de la vision, une preuve de concept qui pourrait valoir, de la même manière, pour d’autres troubles plus fréquents, comme la DMLA.
La choroïdérémie est une dystrophie liée au chromosome X caractérisée par la dégénérescence progressive de la choroïde, de l’épithélium pigmentaire et de la rétine. Cette maladie rare touche environ 1 personne sur 50 à 100.000 au cours de ses 20 premières années. Elle entraîne une perte d’acuité visuelle à l’âge adulte. Les femmes atteintes n’ont pas d’atteinte visuelle grave mais elles peuvent avoir des anomalies pigmentaires au fond d’œil. La mutation d’un gène, CHM, lié à l’X, qui code pour la protéine REP-1 (Rab escort protein) provoque la mort cellulaire dans les zones atteintes de l’œil. Il n’existe actuellement aucun traitement efficace.
Cette petite étude est le fruit d’une collaboration entre de nombreux établissements, l’Oxford Eye Hospital, le Moorfields Eye Hospital (Londres), les universités de Manchester, Southampton, l’Imperial College London and University College London (UCL), l’Ohio State (US), et l’Université Radboud (Pays Bas). L’essai de phase I et II, mené sur 6 hommes, âgés de 35 à 63 ans, atteints de choroïdérémie, a utilisé une nouvelle technique pour injecter une version saine du gène CHM dans des parties de la rétine encore viables. L’acuité visuelle des participants a été évaluée à partir d’une échelle ETDRS (visuel ci-contre). Des technique HiTech ont été utilisées pour apprécier les zones de la rétine encore fonctionnelles et la sensibilité de la rétine à la lumière. Tous les hommes avaient des zones d’activité très réduites de la rétine ce qui entraînait une vision « de tunnel »mais 4 d’entre eux pouvaient voir encore très précisément à l’intérieur de ce petit champ de vision.L’intervention s’est effectuée en 2 étapes, créer un espace derrière une petite partie de la rétine par injection d’une solution saline pour la décoller puis injecter le fluide contenant la thérapie génique dans cet interstice. Chez 5 des patients, les chercheurs ont injecté 0,1 ml de liquide mais, chez le 6è, moins, en raison de la difficulté à décoller la rétine.
L’objectif de l’essai était d’évaluer l’efficacité de la thérapie sur la progression de la maladie et ses éventuels effets secondaires à l’œil.
L’étude montre la sécurité de la technique chez les 6 participants à l’étude mais aussi une amélioration considérable de la précision visuelle pour 2 des participants, même si les chercheurs ne parlent pas ici de « guérison » :
· 1er patient : vision de 6/96 améliorée à 6/36 soit une amélioration de « 21 lettres » ou « 4 lignes »,
· 2d patient : vision de 6/24 améliorée à 6 /15 soit une amélioration de « 11 lettres » ou « 2 lignes » Les 4 autres patients ont récupéré 1 ou 2 lettres.
· L’intervention n’a pas pu corriger la vision de tunnel mais améliore la sensibilité à la lumière dans la rétine de manière proportionnelle à la dose de la thérapie génique.
· Même si très positive, l’intervention n’a pas permis d’inverser la perte progressive de la rétine.
Cependant les chercheurs jugent ces résultats très prometteurs et suggèrent que c’est une voie ouverte à l’amélioration ou voire l’inversion d’autres troubles progressifs de la vision, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge, une cause majeure de déficience visuelle. Notons que plusieurs recherches ont déjà démontré l’efficacité de la thérapie génique pour les troubles de la vision, comme cette étude de la Penn qui décrit la restauration de la vision chez 3 patientes atteintes de cécité héréditaire et cette autre étude de la Duke qui identifie un gène majeur de la myopie et ouvre ainsi la voie à la thérapie génique sur l’œil.
Source:The Lancet Published January 16 2014 doi:10.1016/S0140-6736(13)62117-0 Retinal gene therapy in patients with choroideremia: initial findings from a phase 1/2 clinical trial (Vignette Penn)
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