Magazine Cinéma

Camille claudel 1915 - 1/10

Par Aelezig

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Un film de Bruno Dumont (2013 - France) avec Juliette Binoche

Déprimant, pathos et dérangeant.

L'histoire : 1915. Après des amours passionnées avec Rodin, la sculptrice Camille Claudel s'est retirée dans son propre atelier où elle sombre dans la dépression et la folie. Sa famille la fait enfermer dans un asile du sud de la France. Récit de ses journées...

Mon avis : Curieusement, j'étais à peu près sûre que ce film n'allait pas me plaire. D'abord parce qu'il est français (ben oui, je commence à avoir d'affreux préjugés), puis parce que je ne me souvenais pas d'avoir entendu des critiques enthousiastes, ensuite parce que vu le pitch - Camille enfermée dans son asile - je me doutais qu'il n'allait pas se passer grand chose. Mais je voulais le voir, à cause de Juliette, magnifique actrice, l'une des plus grandes selon moi, et à cause de Camille, dont le destin et la personnalité m'ont toujours émue.

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J'ai tenu le coup pendant trois bons quarts d'heure ; j'ai vraiment fait des efforts, pour les arguments cités plus haut ; j'espérais que ça allait raconter une histoire. Mais non rien. Il paraît que c'est mieux avec l'arrivée de Paul Claudel, qui rend visite à sa soeur... Mais franchement, c'était au-dessus de mes forces !

Tranche de vie au quotidien d'une femme enfermée dans une maison pour handicapés mentaux. Le bain, le repas, l'ennui, la solitude, l'abandon. Il ne se passe rien. C'est à peine si on apprend quoi que ce soit sur Camille. Des courriers parfois qu'elle envoie à ses amies, à son frère. Je m'attendais à quelques flash-backs sur son enfance, sur ses amours tumultueuses avec Rodin, pour donner plus d'intensité à cet enfermement arbitraire (dit-on) et épouvantable. Rien. Juste Juliette qui déambule tristement et tombe dans la plus profonde des dépressions, entourée par des femmes complètement à la masse, avec lesquelles la communication n'est donc guère possible, à part quelques signes d'affection, parfois.

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Bruno Dumont a recruté pour son film de VRAIES malades. Il paraît que c'est cool de les faire sortir de l'oubli, de monter que ce sont des personnes comme les autres, que ça leur fait un bien immense de pouvoir partager quelque chose avec les gens dits normaux. L'intention est louable, mais le résultat l'est-il ? Moi j'ai trouvé ça totalement dérangeant et j'étais vraiment gênée. Que déclenche-t-on avec ce type d'expérience ? Voyeurisme, dégoût, pitié... Désolée, mais ces femmes-là sont dans un autre monde et les faire vivre devant nous ne les rend pas plus belles. Que croit Bruno Dumont ? Que cela va soudainement nous donner envie d'aller leur rendre visite dans les asiles ? Qu'on va pouvoir les sortir des maisons spécialisées pour qu'elles vivent parmi nous ? (si on les a enfermées, il y a de bonnes raisons pour ça... hélas). Quel sentiment pouvait bien animer les familles qui ont laissé leur mère, soeur, fille gesticuler devant la caméra ? Je ne dis pas qu'il faut les cacher... mais je pense, pour avoir cotoyé ce genre de personnes, que la plus grande des pudeurs est de circonstance. Ces gens sont en faiblesse totale, désarmées, aussi bien au niveau du mental (impossible de dialoguer) que du physique (bave, grimace, contorsions...). Je trouve cela totalement impudique de les montrer au tout venant...

Rien à voir avec le génial Pascal Duquenne dans Le huitième jour ; trisomique, il n'est pas dans le pathos des "fous". Il a une vie familiale, une vie sociale, il fait du théâtre, il rit lui-même de son handicap ; il peut en parler, il l'assume, comme l'immense majorité des autres trisomiques. La clé est là : ils savent qu'ils sont différents et demandent à être respectés. Ces pauvres folles qu'on nous montre en seraient bien incapables... Leur a-t-on demandé leur avis ? Si elles ont balbutié OUI, ce oui peut-il être pris au premier degré ?

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Par ailleurs, on nous montre une Camille Claudel très soft, tout juste redoute-t-elle qu'on ne l'empoisonne pendant les repas. Par rapport à ses colocataires, elle a un comportement très normal et on se demande vraiment ce qu'elle fait là. Il ne faut pas oublier qu'elle a été internée pour démence paranoïde. Ce n'est pas rien. Le diagnostic était peut-être erroné, la controverse est venue des admirateurs de Camille et personne ne saura jamais la vérité. Par ailleurs, si on nous montre bien que les repas sont assez simples, ils existent en tous cas... alors que les asiles de cette époque n'arrivaient pas à nourrir leurs pensionnaires et que la plupart mouraient de malnutrion ou de dénutrition. A commencer par Camille, souffrant de graves carences.

Bref... je n'ai franchement pas adhéré... Je mets un point (mais je pourrais mettre plus pour ce seul critère) pour la prestation de Juliette, amaigrie, visage totalement nu, sans fard, qui se donne comme jamais à la caméra.

La critique professionnelle se pâme, surtout pour l'interprétation de Juliette ; ils semblent "se garder" de parler du film en lui-même ; étrange... car au final, on n'a pas entendu beaucoup parler du film.


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