Avec l’ouverture de l’étrange procès des assassinats présumés de Rafic Hariri, dont j’avais dénoncé ici même le caractère plus que singulier , il n’est pas inintéressant de feuilleter l’ouvrage de Jean LACOUTURE et Jean-Claude GUILLEBAUD, paru en janvier 2010 chez LE SEUIL – collection L’histoire Immédiate, sous le titre accrocheur : “SONT-ILS MORTS POUR RIEN? – Un demi-siècle d’assassinats politiques”.
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.Pour bien cadrer mon billet, je tiens à évacuer une question qui me semble essentielle : la question posée fort habilement par les auteurs comme sous-titre reste forcément sans réponse! Ils ne pouvaient en apporter de satisfaisante dans le cadre d’une compilation de seize assassinats parmi les plus connus. Les journalistes qu’ils sont se sont contentés de présenter la personnalité des victimes et les circonstances de leur mort, en esquissant un rapide tour d’horizon du climat politique prévalant à l’époque des faits.
Autre réserve que je peux opposer à ce livre : le choix des victimes se semble bien subjectif et il ne pouvait en être autrement, je le comprends!
Pourtant, je comprends mal qu’on puisse passer sous silence l’assassinat de Mehdi BENBARKA dont le régime marocain traîne la culpabilité depuis 1965 mais qui a toutes les chances d’avoiur été commendité et exécuté par les services secrets américains ou israliens, peut-être même soviétiques, car la victime, leader de la Conférence Tricontinentale, était bien plus dangereux pour les grandes puissances de l’époque que pour la monarchie marocaine.
Je comprends aussi mal le voile jeté sur l’assassinat de Malcom X, sur celui de certains militants palestiniens comme Abou Youssef ou celui de plusieurs leaders de la guerre de libération algérienne, victimes de sombres règlements de compte, tels Krim Belgacem ou Mohamed Khidder!
Deux assassinats politiques typiquement français méritaient de figurer dans cette compilation : celui du préfet Claude Erignac et celui de la députée du Var Yann Piat.
Mais Lacouture et Guillebaud ont fait un autre choix, plus consensuel!
Les frères John et Robert Kennedy ne pouvaient échapper à la sélection! Tout comme l’indienne Indhira Ghandi et la pakistanaise Benazir Bhutto, et bien sûr l’israélien Itshak Rabbin!
Par contre, la tragique disparition de Louis Montbatten n’a pas laissé, même en Grande-Bretagne l’impact que les auteurs lui imputent!
Il en va de même pour Alexeandre Men, qui tenta de réhabiliter le christianisme orthodoxe en URSS.
Certains assassinats, comme celui d’Aldo MORO, le chef de la démocratie Chrétienne italienne, trouvent par contre parfaitement leur place dans le choix des auteurs : cet acte criminel posait le problème de la négociation des autorités politiques d’un pays démocratique avec les groupes extrémistes.
Mais on peut se poser la question de savoir pourquoi le Liban a eu droit de voir deux de ses ressortissants figurer dans cette liste : Rafic Hariri et Bechir Gemayel. Mais alors pourquoi ne pas avoir choisi Riad El Solh, premier ministre en exercice, ou René Mouawad, président élu quelques jours auparavant, ou encore Nassib Metni, le directeur du quotidien de gauche « Télégraphe » dont la mort déclencha une guerre civile en 1958. Question de choix personnel ou de prise de position politique délibérée des auteurs?
L’identité des quelques autres victimes d’assassinats politiques retenues par Jean Lacouture et Jean-Claude Guillebaud est assez inattendue, comme celle de Thomas Sankara. On croirait que les auteurs voulaient absolument faire figurer une personnalité africaine dans leur liste et ils ont choisi la plus consensuelle. Pourtant, les noms ne manquent pas!
Finalement, ce livre ne nous aborde rien de bien nouveau mais il nous permet de resituer certaines personnalités politiques disparues tragiquement dans un moment historique déterminé.
A feuilleter, sans illusions!