[guest : Guillaume]
Quand j’y repense c’est bizarre que j’ai pu faire ça de manière si froide et détachée pendant toutes ces années. C’est comme si ce n’était pas moi.
En général on peut sans trop de problèmes répondre à la question : Quel est ton 1er disque acheté ?
Dans mon cas ça devait être une compile pourrie, genre TOP DES HITS.
En revanche je ne me rappelle plus du tout de mon 1er disque volé, sans doute ai-je fini par l’occulter.
Depuis début 2000 n’importe qui peut écouter ou télécharger n’importe quoi sur internet. C’est comme si c’était gratos et il y a tellement peu de risques de se faire gauler que le vol est devenu courant, banalisé, on n’a même pas conscience d’enfreindre la loi.
J’ai braqué des dizaines d’albums entre le milieu et la fin des années 90… et il n’y avait aucun des avantages du mp3.
C’est pendant ces années que j’ai pu me faire ma culture musicale sans rien payer ou presque. Alors qu’aujourd’hui il faudrait peut-être quelques mois avec internet… ou quelques semaines à peine ? Je ne sais pas trop.
ENGRENAGE & BÉMOL
Je débute des études de graphisme au début des 90's.
À cette période je commence aussi à découvrir beaucoup de musique que je sélectionne grâce à la presse, notamment les Inrocks à leur âge d’or, et Magic Mushoom qui commence à peine (et raccourcira plus tard son nom en Magic!). J’écoute alors Wish des Cure qui vient de sortir, leur K7 tourne en boucle dans mon walkman pendant tout l’été. Ce même été j’entends pour la 1ere fois les Smiths à la télé dans une rétrospective sur les Enfants du Rock. Oui ça parait fou mais on pouvait vraiment voir ce genre de truc à la télé dans les 90’s !… C’était même sur la 2 pour être exact.
Les arpèges de Johnny Marr et la voix de Morrissey s’incrustent dans ma tête pour l’éternité. J’ai le sentiment de tenir quelque chose de crucial et de beaucoup plus important que tout ce que je connaissais auparavant. J’achète tous leurs albums, c’est la pierre fondatrice de ce qui va suivre : Les Smiths m’amènent à New Order à cause d’Electronic (le chanteur de New Order + le guitariste des Smiths), New Order m’amène à son tour à Joy Division et au label Factory. En parallèle la britpop arrive en France et beaucoup de groupes, comme Suede, se réclament des Smiths et de David Bowie. En me mettant à Bowie je découvre le glam, Roxy Music, les New York Dolls… Justement la scène punk, post punk et new wave de la fin des 70’s (Joy Division en tête) se réclament aussi de tous ces groupes, tout est lié, les connections, les références, les influences, tout cela me fait passer d’un groupe à l’autre. La source est intarissable. En même temps que la britpop, le grunge et le rock alternatif déferlent des USA et Kurt Cobain rend hommage dès qu’il le peut à ses héros : Sonic Youth, Stooges, Velvet, Dinosaur Jr… autant de noms sur lesquels je ne vais pas tarder à me pencher.
Ce grand plongeon dans le rock indé à 19 ans a marqué mes jeunes années et la suite aussi. D’autant que beaucoup de groupes majeurs des 90’s m’ont fait le plaisir de venir jouer près de chez moi : Hole, Pavement, Chokebore, Suede, Boo Radleys, Fugazi, Blur, Supergrass, PJ Harvey, les Thugs, L7, Girls vs Boys, etc etc… je n’en perds pas une miette.
C’est l’engrenage sans fin qui se met en place, il m’en faut toujours plus, pas question de me fixer de limite, bien au contraire.
Un seul bémol : ce n’est pas avec mon pauvre argent de poche d’étudiant que je vais arriver à acheter tous les albums qui alimentent mes fantasmes de fan… Je me retrouve vite limité par mes finances.
UNE PARKA AVEC DES GRANDES POCHES
En traînant dans les rayons d’une grande surface, une petite idée me trotte dans la tête… Si mon plan fonctionne, ça peut m’ouvrir de nouvelles perspectives.
Je me dirige vers le rayon disquaire. Je porte une parka avec de larges poches dans lesquelles on peut facilement glisser un CD. J’attends qu’il n’y ait plus personne à côté de moi parce que je suis quasiment sûr que des vigiles se mêlent incognito aux clients pour ne pas se faire remarquer. Il y a un CD qui me tente depuis un moment (le fameux dont je ne me rappelle plus). Je le porte de l’étalage à la poche de ma parka, avec ma main gauche, et le laisse tomber dedans. Ensuite je déchire l’enveloppe en plastique avec mes ongles. Le seul moyen de se débarrasser d’une étiquette magnétique est de jeter entièrement l’enveloppe car elle ne se décolle pas bien et il reste toujours des morceaux qui peuvent déclencher l'alarme à l’entrée. Je roule ensuite le plastique dans ma poche pour en sortir une petite boule et la coincer dans l’étalage entre deux CD. Le tour est joué, avec discrétion et rapidité. Je me dirige vers la sortie. Je traverse les barrières magnétiques sans regarder les vigiles qui ne bronchent pas, et l’alarme non plus. Personne ne me suit. Je suis dehors.
Difficile de faire plus simple. À aucun moment je n’ai ressenti de stress ou d’inquiétude. Mon sang-froid (ou mon inconscience ?) m’a surpris moi-même. En attendant mon bus je me dit que j’ai trouvé ça aussi facile à faire qu’une promenade de santé. Voila la recette miracle pour continuer à découvrir et écouter autant de musique que je veux. Dans les mois qui suivent ma collection de disques va rapidement doubler puis tripler puis quadrupler…
JAMIROQUAI C’EST COOL
Le gros problème quand ça a l’air facile, c’est qu’on fini par être moins prudent, voire même assez négligent.
Ce jour-là dans un énième supermarché de banlieue, j’ai effectivement dû me sentir un peu trop sûr de moi. Je me dirige tranquillement vers la sortie avec un CD préalablement défait de son plastique dans ma poche droite.
Gaëtan, un mec de ma classe m’a passé commande d’un album de Jamiroquai que je lui propose pour moitié-prix. Comme cette activité est « facile » pourquoi ne pas me faire un peu d’argent au passage ?… La tendance à ce moment-là est à l’acid jazz et Jamiroquai explose grâce à son concept écolo-toc et sa collection de chapeaux ridicules. Gaëtan a les mêmes goûts transparents que ses potes. Ses potes aiment l’acid jazz, ils trouvent ça « cool » donc Gaëtan aime aussi cette merde d’acid jazz parce qu’il veut être cool. Jamiroquaï a du me porter la poisse, ou sentir que je ne l'aimais pas, car au passage des barrières l’alarme se met à gueuler. Comme si ça ne suffisait pas à attirer l’attention, des gyrophares oranges se mettent en marche en tournoyant et en clignotant. Pourtant les vigiles ne sont pas à leur poste à ce moment précis mais j’imagine déjà une horde de CRS arrivant sur moi matraques à la main. Je continue à marcher calmement avec l’alarme qui retentit derrière. Je respire profondément… surtout ne pas courir. Je vois la sortie au loin, les secondes ressemblent à des jours. Je sais qu’une fois dehors je n’aurai plus rien à craindre car les vigiles ne peuvent rien faire dès lors qu’on a franchi la porte du magasin. L’alarme gueule toujours dans mon dos.
Ça y est je suis dehors. Fou ! Personne ne m’a vu, j’ai vraiment le cul bordé de nouilles. Mais pourquoi les portiques ont-ils sonné ?? L’explication tombe du boitier : J’ai bien défait l’emballage mais ce que je n’ai pas vu c’est qu’il y avait aussi une tige de plastique magnétique à l’intérieur. Cet incident, certes mineur, ne fait qu’annoncer le début de la série noire.
TU PAYES TON CD ET ADIOS
Tous les week-ends je rentre chez mes parents avec un gros sac à dos rempli de fringues. Qu’est-ce qui m’a pris de faire un détour par ce gros magasin du centre-ville avant de prendre mon bus ?? Avec cet énorme sac je suis aussi repérable que si on m’avait collé une étiquette SUSPECT en gros dans le dos.
Néanmoins très zen et sûr de mon coup, je vais tranquillement m’occuper de Vauxhall and I de Morrissey que j’avais repéré quelques jours auparavant.
Au moment de rejoindre la sortie une voix derrière moi me stoppe dans mon élan :
- Veuillez nous suivre s’il vous plait.
Deux vigiles en costard m’emmènent dans leur bureau au fond du magasin. À l’intérieur il y a des écrans de vidéosurveillance. Peut-être m’ont-ils repéré grâce à ça ? Je ne ressens rien, pas de peur, pas d’inquiétude, rien. Je suis décidé à être coopératif.
- Vous avez un CD dans la poche.
Je le sors et lui remets, inutile de jouer au con.
- Est-ce que vous avez pris autre chose ?
- Non je n’ai rien d’autre.
- Y a quoi dans le sac ?
- Heu des vêtements, je rentre chez moi.
- Bon on va regarder ce qu’il y a dedans. Y a que des vêtements ?
En fait non, pas tout à fait, je ramène aussi quelques disques chez moi, non volés ceux-là. Je commence à ressentir une légère inquiétude… Le ton des vigiles reste calme. Ils prennent leur temps pour vérifier tout les CD un à un mais heureusement pour moi, on voit très bien que les boîtiers ne sont pas neufs. Un des 2 types est même plutôt sympathique. Il trouve un album des Stooges au fond du sac :
- Tiens c’est bien Iggy Pop !
Tout le contenu est maintenant sur la table.
- Bon on va prendre ton nom et tes coordonnées. Après tu iras payer le CD à la caisse. On ne veut pas te rechopper en train de voler. Sinon ce sera les flics direct. Maintenant on a tes coordonnées, ok ?
- ok.
Ah bon c’est tout ? Je rentre chez moi avec mon CD payé et je me dit évidemment que je n’irai plus rien voler chez eux… Par contre je peux continuer à braquer joyeusement tout ce que je veux chez les autres disquaires, car maintenant je sais que le risque est très mesuré : Si tu te fais chopper on prends juste tes coordonnées, tu payes ton CD et adios.
VESTE À FRANGE
J’ai mes petites habitudes depuis pas mal de temps chez un disquaire arborant de grosses moustaches à la Lemmy de Motörhead (les verrues en moins). Sa boutique est une mine d’or en raretés et bootlegs en tout genres. Le problème, c’est que je le soupçonne de m’avoir repéré depuis un moment car il ne me lâche pas du regard à chaque fois que je débarque chez lui. Il me paraît donc compromis de pouvoir y retourner vu que l’individu a l’air peu commode (vous iriez faire chier Lemmy Kilmister chez lui franchement ?)
J’ai cependant une idée géniale pour continuer à m’approvisionner là-bas gratos et sans risque. Il suffit que j’envoie mon ami Jacques à ma place ! Je lui ai déjà pris quelques albums pour moitié prix comme à Gaëtan. Je lui propose donc de me rendre un petit service en retour. Jacques aime bien ZZ Top et porte une veste à frange comme on en croise qu’au festival country de Mirande. Il déteste Bowie et toute la New Wave qu’il qualifie de musique de chiotte. Mais je lui pardonne ses fautes de goûts tant qu’il me récupère ce précieux bootleg de Cure que j’ai repéré depuis quelques jours !
On se retrouve chez celui qu’on a surnommé sans grande originalité Lemmy. Jacques a donc pour mission de me prendre ce rare bootleg en superbe boitier métallique. Mais il est nerveux et transpire à grosses gouttes. Le problème avec Jacques c’est que son malaise se voit sur sa tête et Lemmy l’a repéré depuis un bon moment. Partout où Jacques se déplace, Lemmy vérifie scrupuleusement qu’il ne manque pas un CD derrière lui. Il finit par être occupé avec un client et Jacques se décide enfin à passer à l’action. Lemmy constate peu après que Jacques vient de sortir du magasin… et sur l’étagère à la place du bootleg de Cure : un grand vide. "Oh le con !!!" fait-il. Il se précipite dans la rue à la poursuite de Jacques qui n’a pas eu le temps d’aller bien loin. Il lui enfourne les deux mains dans les poches et reprend son bien.
- Toi tu refous plus jamais les pieds dans mon magasin enfoiré.
Jacques est très vexé. Et moi très déçu que mon précieux bootleg ne soit sorti que 20 secondes du magasin… pour y retourner illico. Un 2e magasin à rayer de la liste.
UN PEU MOU
Pas très loin de chez Lemmy il y a un autre disquaire orienté rock indé où je trouve régulièrement des petits trésors. En plus j’aime bien les 2 vendeurs car ils partent souvent discuter dans l’arrière-boutique. Une fois je me suis retrouvé seul et j’ai carrément réussi à glisser un vinyle de My Bloody Valentine dans mon carton à dessin. Ce jour-là on se dirige là-bas en mob avec un pote. J’ai un disque de Guns’N’Roses à lui récupérer et un superbe collector de l’album Republic de New Order pour moi-même. Le boitier est tout en mousse orange flashy, conçu par Peter Saville, le graphiste de Factory. Mon pote a plutôt des goût de hardos. En plus des Guns il apprécie les crinières de lions de Def Leppard et les slips en cuir cloutés de Manowar. Mes groupes, il les trouve « un peu mous ». Heureusement on se retrouve tous les deux sur la scène grunge, on a même eu la chance d’aller voir Nirvana 3 mois avant que Kurt se tire une balle dans la tête.
Je rentre dans la boutique. Il préfère m’attendre dehors car dans ce genre de circonstance il commence à trembler comme une feuille. Au bout de 10 minutes je ressors avec les deux albums. Au moment de remonter sur la mob un des vendeurs sort et me fait :
- Toi on veut plus te revoir ici, tu nous vole des CD.
Je m’attends à ce qu’il veuille me fouiller mais il ajoute juste :
- Les caméras de surveillance ça existe !
Rien de plus. Démarrage en trombe. Encore un magasin à rayer de la liste
C’EST NOUS LES PLUS MALINS
En sortant des cours, je me dis que j’irais bien faire un tour dans une grande librairie du centre. Cette librairie possède un rayon disque bien fourni où je m’approvisionne depuis quelques temps. Après quelques minutes dans les rayons, je glisse deux K7 dans ma poche, Slanted & Enchanted de Pavement et Outside de Bowie. Une fois débarrassé des emballages, je sors sans m’attarder. L’alarme se déclenche au passage des barrières. Le vendeur me fait revenir dans le magasin puis repasser les barrières. Inexplicablement celles-ci ne ressonnent pas. "Bizarre" fait-il !… il me laisse repartir. Le cul bordé de nouilles, encore une fois.
Quelques semaines plus tard sort le nouvel album de Morrissey. Impossible de rater ça. Il aurait mieux fallut que j’attende plus longtemps avant de retourner là-bas… au minimum quelques années. Je m’assure cette fois-ci qu’il n’y ait pas un deuxième détecteur dans le boitier. Une fois fait, je repars tranquille, l’esprit léger. Un vigile me fait des yeux méchants et m’arrête avant même d’avoir atteint les barrières.
- Vous avez quelque chose à nous.
- ah ? heu
Bon inutile de nier puisque c’est vrai… Il m’empoigne par le haut du col et m’emmène jusqu’à son bureau. Une fois tous les deux dans la pièce il me dit qu’il va appeler les flics. J’en mène pas large.
- Heu sinon je peux aussi la payer la K7, j’ai l’argent sur moi.
- Je vais prendre ton identité.
Un des vendeurs nous a rejoint.
- C’est toi le mec qui nous tire des CD depuis des semaines ?
Le vigile méchant devient encore plus méchant.
- Tu vas nous faire la liste de tout ce que t’as tiré qu’on vérifie si ça correspond !
Pour la 1ere fois je commence à me sentir vraiment dans le caca. De mémoire je cite les 3 derniers albums, Lush, House of Love et Elastica, sachant qu’il y en a en fait une bonne vingtaine avec tout ce que je leur tire depuis des mois… Je croise les doigts pour que ça passe comme ça.
- ok bin tu vas les chercher chez toi et tu nous les ramènes avant qu’on ferme, sinon c’est les flics.
- ah bon mais il me faut 1h de bus pour rentrer et autant pour revenir… et il est 16h30 !
- Rien à foutre, si t’es pas là avant 19h c’est les flics. C’est tout.
- bon ok, je pars tout de suite alors.
Je cours jusqu’à l’arrêt du bus. Heureusement je n’attends pas trop longtemps mais c’est loin d’être gagné parce qu’on est en pleine heure de pointe. J’arrive à 17h30 et il me reste 15 mn à pied jusqu’à chez moi. Sur le chemin je croise des potes qui font tourner un p’tit oinj. J’explique ma situation. L’un d’eux est venu en mob, il me propose de monter derrière pour m’avancer. Démarrage en trombe, je suis chez moi en 5 minutes. Je récupère les trois albums en question et on fonce à l’arrêt le plus proche. Finalement je suis à la librairie 15 minutes avant la fermeture.
Me revoilà à nouveau dans le même bureau avec les mêmes personnes. Le vigile me lance nerveusement :
- Tu te crois le plus malin mais c’est nous les plus malins tu vois !!!
Je ne réponds pas mais je pense très fort "Pauvre connard si tu savais tout ce que je me suis mis dans les poches." Encore un magasin à rayer de la liste.
COUP DE GRÂCE
Une grosse (et ultime) frayeur met un terme définitif à ma carrière de braqueur de CD. Après ça je suis revenu dans le rang des gentils consommateurs modèles qui payent leurs achats à la caisse. Ça procure nettement moins d’émotions fortes, il faut bien le dire.
Pour l’heure me voilà dans un autre grand magasin d’une grande rue piétonne du centre. Je m’apprête à en ressortir avec Teenager of the year de Franck Black. Avant d’avoir pu arriver à la porte un vigile m’arrête. Ça finirait presque par devenir banal. Une fois de plus je ne vois pas quelle erreur j’ai pu commettre. Un truc cloche … j’ai vraiment été discret et j’ai tout fait dans les règles de l’art. Le cirque habituel, il m’amène dans son bureau. Il me regarde attentivement.
- Je vous connais. Je vous ai déjà pris dans un autre magasin.
Je me décompose. Merde c’est vrai, je le reconnais aussi, c’est le même gars qui m’a coincé la 1ere fois. Du coup c’est la 2e fois qu’il me voit et ça c’est l’erreur fatale à ne pas commettre car la 2e fois c’est les flics. Comment est-ce qu’il s’est retrouvé là ? Il a changé d’employeur ?
Il n’a pas l’air content de me revoir. Il est même assez furax, il me fait vider entièrement mon sac. Il a l’air surpris de voir que je sors des boulots d’étudiant d’art. Il s’attendait peut-être à trouver des seringues ou de quoi fabriquer une bombe artisanale ?
- C’est quoi ça ?
- C’est mes cours…
Il y a des croquis d’analyse, du dessin de nu, des illustrations.
- Vous devriez vraiment arrêter de voler des disques, vous savez.
Il me laisse repartir. Je me dis que j’ai encore eu un sacré pot… Et aussi que le vent pourrait bien finir par tourner un jour ou l’autre. Est-ce que ce n’est pas le bon moment pour arrêter mes conneries avant de me retrouver avec un casier judiciaire pour vol à l’étalage ? Est-ce qu’une grosse tuile ne va pas finir par me tomber sur le coin de la gueule ?
Je décide de suivre sagement son conseil et d’en rester là. Le même vigile m’a choppé la 1ere fois et aussi la dernière. La boucle est bouclée.
BONNE JOURNÉE
Si je ne me souviens pas du 1er disque volé, en revanche je me rappelle très bien du dernier truc que j’ai tiré, ce n’était pas un disque, c’était beaucoup plus gros. Les fournitures scolaires coûtaient assez chères et j’avais besoin d’un carton à dessin neuf, le mien étant complètement HS. Je me suis dis : il y a plein d’étudiants qui rentrent et sortent des magasins d’art avec leur carton sous le bras… j’ai donc pris moi aussi un carton à dessin au fond du magasin et je suis simplement passé devant la caissière en lui disant "au revoir, bonne journée". "Bonne journée" m’a-t-elle répondu. Pas plus compliqué que ça.
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Guillaume est graphiste/illustrateur au service de l'amour et de l'eau fraiche, il fait jaillir des pochettes pour des cd et/ou 33T, il dessine des monstres radioactifs pour des affiches de concerts, il les expose aussi parfois, il enregistre de la musique d'église chez lui avec une fervente amie qui écrit des paroles d'espoir et de vie éternelle.