Carl Spitzweg (Unterpfaffenhofen, 1808-Munich, 1885),
Sur les hauteurs, c.1870
Huile sur panneau, 31,1 x 53,5 cm, Collection privée
Ne nous trompons cependant pas, l'intérêt pour le compositeur lorrain n'est pas récent et il est bon de rappeler que l'on doit au label K617 et à l'Institut Théodore Gouvy d'avoir suscité, dès le mitan des années 1990, un premier frémissement d'intérêt à son endroit qu'il faut souhaiter voir se poursuivre jusqu'à ce que ses œuvres retrouvent, au disque et à l'affiche, la place que leurs qualités devraient leur valoir.
Cette postérité en demi-teintes correspond assez à la situation qui fut celle de Gouvy durant une large partie de son
existence. Né Prussien par le caprice de frontières malmenées par les traités, il n'obtint la nationalité française qu'en 1851, à l'âge de 32 ans, l'année même où l'une de ses symphonies avait
eu l'honneur d'être louée par Berlioz, dont on connaît l'exigence. Parti faire des études de droit à Paris où il était arrivé en 1836, il opta finalement, devant l'échec de ces dernières, pour
la musique et suivit, dès 1839, les cours d'Antoine Elwart pour la théorie, de Carl Eckert pour le violon et de Pierre-Joseph Zimmermann pour le piano, avant de partir parfaire ses
connaissances en Allemagne. A partir de 1873, un héritage mit définitivement ce fils d'industriels aisés à l'abri de la nécessité de devoir compter sur son art pour vivre. Il ne fait aucun
doute que l'indépendance financière dont, à l'instar d'un Onslow ou d'un Reber, Gouvy jouit durant toute son existence n'est pas étrangère au fait qu'il ait pu cultiver les domaines
De fait, les trois Trios avec piano que nous propose Voces Intimæ sont bien les fruits savoureux de cette double ascendance. L'influence germanique y est clairement perceptible, en particulier celle du romantisme tempéré de Mendelssohn, qui innerve tout le Trio n°2 (1847), lequel n'est également pas exempt d'une fougue toute beethovénienne (Allegro vivace liminaire), mais aussi celle de Schubert dans certaines échappées lyriques et rêveuses (Adagio du Trio n°3, 1855). Les traits français les plus immédiatement perceptibles se trouveront sans doute dans les finales des Trios n° 2 et 4 (1858) dont le caractère détendu regarde vers les divertissements mousseux et souriants des salons et des théâtres parisiens — une musique faite pour l'agrément, certes, mais, comme toujours chez Gouvy, impeccablement construite et jamais déboutonnée. Le musicien possède indubitablement un don pour tisser des mélodies qui, par le charme qu'elles dégagent, restent en mémoire (premier thème de l'Allegro moderato du Trio n°3) mais aussi pour créer des atmosphères d'une grande subtilité qui, par instants, anticipent curieusement celles du premier Fauré. Tour à tour espiègles, flamboyants, passionnés ou graves, ces Trios se révèlent rapidement, outre leurs qualités intrinsèques d'écriture, évidentes dans le soin apporté à l'animation du discours et aux équilibres entre les trois parties, des œuvres extrêmement attachantes.
Le mérite en revient également au trio italien Voces Intimæ, composé du violoniste Luigi De Filippi, du violoncelliste Sandro
Meo et du pianiste Riccardo Cecchetti qui joue ici un superbe Pleyel de 1848, cet enregistrement faisant appel à des instruments anciens. Les trois compères ont exploré le répertoire
germanique, en particulier Hummel, Schubert, Mendelssohn et Schumann,
Trio Voces Intimæ
2 CD [durée totale : 59'36" et 29'46"] Challenge Classics CC72571. Incontournable de Passée des arts. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Trio n°2 op.18 : [I] Allegro vivace
2. Trio n°3 op. 19 : [III] Adagio
3. Trio n°4 op.22 : [IV] Finale
Un extrait de chaque plage du disque peut être écouté ci-dessous grâce à Qobuz.com :
Gouvy: Piano Trios | Louis Théodore Gouvy par Voces IntimaeIllustrations complémentaires :
Théodore Gouvy vers 1860. Photographie © Institut Théodore Gouvy, que je remercie pour son aide précieuse.
La photographie de Voces Intimæ est de Georg Thum : wildundleise.de