La Fugue, de Bastien Fournier, est un roman sur lequel, tout d'abord, j'ai pensé que je n'écrirais pas, tant il me semblait difficile d'en dire quoi que ce soit de concret.
On y suit une femme, puis un homme. Est-ce que ce sont toujours les mêmes personnages à travers les différentes scènes ? Elle se trouve en Italie. Son voisin et logeur, Peter, est Allemand. Elle panique quand elle lit le désir sur le visage d'un inconnu court, trapu, musclé. Plus loin, un viol est évoqué.
L'homme, lui, voyage en voiture, fréquente des hôtels, enquête, cherche quelque chose, probablement la femme qui a fugué. Il n'y a pas d'histoire proprement dite. La suite de scènes est discontinue et a des airs de rébus.
La fin arrivée, j'étais plutôt désarçonné. C'est ce genre de livre, me semblait-il, dont on est fondé à dire avec une satisfaction de Philistin : « Je n'y ai rien compris. »
Mais petit à petit, il m'est arrivé de repenser à ces scènes, à ce petit roman, dont les tableaux se sont imposés peu à peu comme un énigme obsédante. La tension dramatique qui l'habite a fini par susciter des images et des significations.
La dernière phrase du récit laisse penser qu'un inceste est le centre caché du récit. Cette chose indicible prend rétrospectivement de la densité à travers la suite de scènes et justifie la méthode choisie par Bastien Fournier, qui consiste à tourner autour du secret sans jamais y entrer, sans jamais le citer.En somme, La Fugue est un livre épuré, dramatique. Une tentative tout à fait intéressante, et extrême, oui, d'évoquer en pointillé quelque chose qui peut difficilement être proclamé ou affronté. Peu importe, finalement, ce qui échappe au lecteur : le texte, malgré ou à cause de ses lacunes, a des aspects fulgurants.
Bastien Fournier, La Fugue, L'Aire