17 janvier Paule, ma seule amie, J'espère que tu vas bien, moi ça va. Enfin, ça pourrait aller mieux, je dirais même que ça va de mal en pis. Il n'y a qu'à toi que je puisse me confier : le grand écart entre N. et Eve est de plus en plus périlleux. Hier c'était un long cheveu blond, sauvé par Azor notre chien ; il y a trois jours c'était un papier griffonné d'un numéro de téléphone au fond de la poche d'un pantalon mis au sale. Elle fait mes poches, l'arme absolue la lessive, rien de plus désastreux dans une machine qu'un bout de papier oublié dans une poche. Tu comprends, j'ai cinquante ans et le corps d' N. je le connais par cœur et je commence à avoir le pic à glace qui fond quand elle pénètre dans le lit avec sa robe de chambre rapiécée. Mais tu comprends, j'ai cinquante ans, Eve en a vingt-six, un jour où l'autre elle va me jeter comme un kleenex, sans prendre la peine de viser une poubelle, même si elle me jure qu'elle adore mes cheveux poivre et sel. Je me demande si toutes les deux ne sont pas un peu égoïstes... Je t'aime.
© Black-out