Titre original : Out Of The Furnace
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Scott Cooper
Distribution : Christian Bale, Woody Harrelson, Casey Affleck, Forest Whitaker, Willem Dafoe, Zoe Saldana, Sam Shepard, Tom Bower, Charles David Richards, Carl Clemons…
Genre : Drame
Date de sortie : 15 janvier 2014
Le Pitch :
À Braddock, une banlieue ouvrière de Pennsylvanie, Russell Baze travaille à l’usine, tandis que son jeune frère Rodney, s’est engagé dans l’armée. Après un séjour en prison à la suite d’un tragique accident, Russell retrouve Rodney, salement amoché psychologiquement après quatre missions difficiles en Irak. La vie reprend son cours, tant bien que mal. Russell retourne à l’usine et Rodney subsiste en participant à des combats de boxe clandestins. Des combats qui vont d’ailleurs l’amener à rencontrer Harlan DeGroat, un truand psychotique local…
La Critique :
La Rust Belt (ceinture de la rouille) part de Chicago et file jusqu’à la côte Atlantique. Autrefois appelée Manufacturing Belt (ceinture des usines), cette grande bande désigne une région qui réunit une large partie des industries lourdes du pays. Longtemps florissante, cette zone a pris la crise économique de plein fouet, ce qui explique le changement de surnom. De nombreuses villes se sont dépeuplées et beaucoup de bourgades ressemblent désormais à des villes fantômes, où les carcasses en briques des usines autrefois si actives, font office de monuments délabrés, érigés par le temps à la gloire d’un passé qui voyait le soleil briller plus souvent.
C’est précisément au cœur de cette Rust Belt que Scott Cooper a décidé de poser ses caméras pour tourner son deuxième film. On peut traduire littéralement Out Of The Furnace, le titre américain des Brasiers de la Colère, par Hors de la Fournaise. Une fournaise qui renvoie aux Brasiers du titre français. Une référence aux fournaises de l’usine de métallurgie dans laquelle bosse le personnage de Christian Bale et du même coup, une métaphore de l’enfer duquel les protagonistes tentent de s’extraire jour après jour.
Après son premier long-métrage, l’excellent Crazy Heart (qui valut un Oscar à Jeff Bridges qui y incarnait une ex-gloire de la country music en pleine errance alcoolisée), Scott Cooper continue sa plongée dans l’Amérique d’en bas. Celle des laissés pour compte et des forçats. Celle des bandits, des cogneurs, des drogués, des alcooliques et surtout celle des braves qui, pris en tenaille, font tout pour sortir la tête hors de l’eau et ainsi tenter d’entrevoir un avenir meilleur.
La chanson de Pearl Jam, réinterprétée ici par Eddie Vedder (et tirée du premier album du groupe), intitulée Release, ouvre et clôt le long-métrage. Vedder y prie qu’on le libère. Il évoque aussi l’héritage de son père qui a fait de lui ce qu’il est. Des paroles qui trouvent sans cesse un écho dans l’histoire des deux frères des Brasiers de la Colère. Dans le récit de Rodney, le soldat revenu d’Irak traumatisé et du sage Russell, responsable malgré lui et contraint de composer avec une existence qui semble le condamner à subir encore et toujours. La complainte d’Eddie Vedder pourrait ainsi suffire à résumer ce mélange complexe de ressentiments, de courage et d’espoir qui habite le cœur de Russell et de Rodney et force est d’admettre que le choix de ce titre en particulier s’avère plus que pertinent. Il donne le ton. Même quand on entrave rien aux paroles, on comprend bien qu’on ne nous cause pas ici de gentils oursons se baladant main dans la main dans de vertes prairies fleuries.
Les Brasiers de la Colère est un film dur. Difficile. Réaliste et âpre.
Il nous raconte la crise à travers les yeux de ceux qui la vivent en première ligne. Il nous conte deux façons de faire face. Deux destins amenés à se rejoindre.
Drame aux accents choral, Les Brasiers de la Colère se démarque de Crazy Heart, qui au fond, ne suivait la trajectoire que d’un seul personnage. Ici, deux protagonistes dominent un scénario (co-écrit par Scott Cooper) qui voit l’intervention de nombreux autres personnages. Deux hommes qui représentent deux faces d’une même pièce. Ce pile ou face rappelle un peu le Indian Runner de Sean Penn, mais s’en éloigne rapidement. Tragédie familiale pure et dure, le film de Cooper met en avant un amour fraternel à toute épreuve. Un amour vrai et sincère qui surpasse tous les autres et qui s’avère être la seule défense des deux frangins contre un monde cruel. Russell tout particulièrement, le plus âgé, compte là-dessus. Il n’a plus que ça. Sa femme s’est barrée, il a fait de la taule, l’usine dans laquelle il travaille menace de fermer et globalement, tout part en couille. Mais lui, il a son frère. Son amour le pousse à rénover la maison familiale et à aller de l’avant. Christian Bale a d’ailleurs tout pigé au rôle et se refuse à insuffler trop de misérabilisme à son épatante performance. Même au fond de trou, devant Casey Affleck, il sourit et tente de détendre l’atmosphère. Les nuances sont de mise. Casey Affleck, qui incarne pourtant le rebelle de la fratrie évite lui aussi les écueils d’un tel rôle. Idem pour Willem Dafoe qui campe avec douceur un caïd local au grand cœur. Finalement, seul Woody Harrelson fait vraiment ce que l’on attend de lui dans un tel rôle, à savoir celui du gros salopard de service. Une bonne chose vue qu’il en connait un rayon dans ce domaine et arrive à construire un personnage vraiment flippant et pour le moins anxiogène.
Les Brasiers de la Colère est un grand film d’acteurs. Tous sont là pour une raison précise et personne n’est laissé sur le bas côté. Même Zoe Saldana, seul rôle féminin, arrive à exister et à sublimer ses interventions. Rien que pour cela, le long-métrage vaut largement le déplacement. Pour voir tous ces comédiens unis par un réalisateur/scénariste consciencieux et respectueux de ses personnages et plus généralement de la classe sociale qu’il dépeint.
Il serait vraiment regrettable de ne voir dans ces Brasiers qu’un énième vigilante movie (qui verra le film comprendra). Regrettable car le film n’est jamais manichéen. Pas une seule fois il ne se laisse aller à un discours virulent non canalisé. La tragédie est là depuis le début et enfle au fur et à mesure jusqu’à acculer ses âmes combattantes dans les cordes pour les pousser à réagir. Ce qui rend les choses très authentiques. La métaphore est dense et le film qui en découle passionnant, même si parfois le rythme s’enlise un peu, justement ralenti par ce refus de trop laisser la machine monter dans les tours. En privilégiant les pauses, les silences et les regards, au détriment du côté plus « thriller » de son script, Scott Cooper se range définitivement du côté de la réalité. Ce qui n’empêche pas sa mise en scène de briller par ses mouvements amples, et ses cadrages toujours pertinents. Il se range du côté des ceux qui luttent tous les jours pour survivre. Il parle avec intelligence et sensibilité d’une Amérique qui souffre. Il parle d’une société qui cherche un échappatoire. Ses héros sont comme ceux de Voyage au bout de l’enfer, de Michael Cimino. Les deux films se déroulent d’ailleurs au même endroit. Dans les deux cas, l’industrie métallurgique est visée, sauf que depuis, la crise est passée par là et menace cet encrage économique. Tous ces personnages se ressemblent (la scène de la chasse au cerf fait également le lien). Changés par les événements, ils prennent des routes différentes et reviennent parfois pour nous raconter. Parfois, ils ne reviennent pas, après s’être enfoncés trop loin dans la fournaise. Un voyage au bout de l’enfer… où le retour n’est pas assuré.
@ Gilles Rolland
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