Un Conseil de Simplification, un Observatoire des Contreparties et un Conseil stratégique de la dépense : voilà donc ce avec quoi les Français ont été enfumés mardi par un président de la République englué dans des affaires frivoles aux frais du contribuable. Heureusement, ce fut une avalanche de questions pertinentes et poussées par des journalistes qui n’ont rien lâché et ont vraiment mis le chef de l’exécutif dans l’embarras : courbe du chômage qui refuse de s’inverser, économie française qui tousse, entreprises qui calanchent par milliers, rien ne lui aura été épargné.
Ah tiens, si. Comme il était parfaitement prévisible, la conférence de presse fut un pénible exercice de communication servi d’un côté par un président délicieusement décalé des réalités et de l’autre par un parterre de journalistes dont la servilité, enrobée d’une couche d’obséquiosité gluante, aura éclaboussé les médias (étrangers notamment) comme rarement dans l’Histoire du pays.
Au passage, je mettrai l’absence de réaction vraiment virulente à l’installation d’un Observatoire des Contreparties sur le compte de la mithridatisation déjà bien avancée du peuple français, passablement habitué à ces idioties avec toute la kyrielle roborative de Commissions Théodules débiles et de ministères dont les noms (Redressement Productif, hein, mes petits amis, ‘ fallait le trouver !) constituent quasiment des moquages de visage érigés en méthode de gouvernement.
La réalité reste toujours la même et elle ne doit d’être cachée au public qu’aux limaces rampantes qui officient comme journalistes en cour actuellement : la France est en faillite, et son salut actuel ne tient que par l’emprunt, lui-même basé sur la croyance toujours fragile de nos créanciers qu’il y a encore de quoi faire dans la tonte des moutontribuables.
Et en coulisse, cependant, certains ont bien compris que des coupes devaient absolument être faites. Et bien évidemment, lorsqu’on doit couper et que cela va faire mal, on choisira par défaut les endroits où la douleur sera la plus facile à réprimer. Et puis, comme on dit que les grandes douleurs sont muettes, c’est précisément la plus Grande d’entre les muettes qui va prendre en premier : sabrer dans les dotations aux armées s’impose donc logiquement.
Oh, on savait déjà que les moyens dont disposait l’Armée française n’étaient plus que l’ombre de ce qu’ils furent jadis, du temps où la France pouvait encore prétendre à son rôle de puissance nucléaire. De nos jours, la vétusté moyenne de l’équipement, les déboires informatiques (au niveau des soldes, par exemple) ou la gabegie tranquille des moyens dans une haute hiérarchie composée d’un nombre pléthorique de généraux lourdement payés aboutit, on le sait, aux résultats médiocres de nos troupes sur les sols où ils sont envoyés à la faveur d’une lubie présidentielle.
Mais à cette détérioration continue des corps armés français, on va bientôt devoir ajouter des coupes drastiques encore jamais vues. C’est au détour d’un récent article du Point qu’on découvre l’ampleur de la catastrophe : on y apprend ainsi que même le scénario le moins douloureux reste particulièrement dévastateur puisqu’il envisage la perte de 30.000 emplois dans les armées et 15.000 dans l’industrie de défense (rassurez-vous : ces pertes seront probablement compensées par ces emplois d’avenir vitaminés, pertinents et durables que la Socialie magnanime nous a concoctés). Et dans ce cadre, le maintien de la composante aérienne de la dissuasion nucléaire est même remis en question.
Et l’hypothèse retenue du côté de Bercy est encore plus acide puisque les crânes d’œuf en charge du budget préconisent d’y aller encore plus fort et envisagent de faire sauter trois milliards d’euros de budget en deux ans, soit 10% d’une enveloppe annuelle ; cela conduirait notamment à la disparition du programme Rafale, celui de l’A400M, l’extinction de sociétés entières développant du matériel militaire. La vente du porte-avion Charles De Gaulle est même envisagée sérieusement… Le commentaire effaré d’un interlocuteur du ministère de la Défense est d’ailleurs très éclairant :
« On prend le mur en pleine gueule. On a bien tenté de faire comme d’habitude, de repousser les problèmes après 2017 ! Mais ça n’a pas marché… »
Il est nécessaire d’insister un peu sur la formule utilisée : oui, l’armée aura été pendant des décennies le premier poste dans lequel on aura coupé, précisément parce que les militaires ne se plaignent pas. Et maintenant que les coupes devraient toucher tous les autres ministères, l’armée, encore une fois appelée à trinquer en premier, n’en peut plus et fait la grimace, du reste compréhensible alors que les budgets de la Culture ou de l’Éducation Nationale n’ont pas arrêté d’augmenter, avec les résultats mirifiques que l’on constate.
Pour certains, naïfs, une telle réduction tient enfin de l’action concrète et libéralo-compatible : l’état réduit son périmètre, youpi. Moui. Mais si l’on peut se réjouir d’une réduction de budget en général, j’avoue cependant que réduire celui de l’armée me laisse perplexe : si le pays court, comme je le pense, à la catastrophe, les politiciens ne sont probablement pas très avisés de réduire les moyens des seuls capables de les protéger lorsque le vent tournera. Et parallèlement, au lieu de réduire le périmètre d’action des militaires à un cadre adapté à leur budget, ils sont encore plus idiots d’envoyer régulièrement ces derniers en opérations coûteuses qui ne leur rapportent rien politiquement, qui tournent lentement au fiasco, et qui grèvent encore plus des budgets déjà miséreux. Heureusement qu’on va avoir un Observatoire des Contreparties et un Conseil de la dépense pour y mettre bon ordre !
En tout cas, même sans les précieux avis de ce formidable Conseil, certains, en haut lieu, n’ont pas perdu le nord : il n’y a plus un rond, certes, l’armée est en déliquescence avancée, en effet, mais ne nous laissons pas abattre ! Il y a encore des moyens insoupçonnés pour ponctionner encore un peu : si, jusqu’à présent, l’assurance-vie n’était pas saisissable pour le recouvrement des impôts, ceci est en train de changer.
Et tout comme les coupes claires et abrasives dans la Défense, ceci, bien que fort discret, n’est pas un petit changement fortuit. En effet, jusqu’à présent, dans le cadre de l’assurance-vie, c’est la compagnie d’assurances qui est propriétaire des fonds, et non l’épargnant qui ne dispose que d’un droit de résiliation. Cependant, la dernière loi votée et publiée au JO du 7 décembre dernier permet maintenant au fisc de mettre la main sur les sommes placées dans ces contrats ; pour le moment, cette disposition est encore limitée à ceux qui sont rachetables, dans lequel l’épargnant peut retirer l’épargne constituée, mais c’est déjà un joli début qui, on le comprend, met en appétit les agents de Bercy.
Ce mardi après-midi, François aura fait un fort joli numéro de clown. Amusant la galerie, il aura occupé les esprits avec ses bourdes (quelques unes étant même involontaires) pendant qu’en coulisse, les événements continuent leur course folle vers ce proverbial mur que la Défense semble avoir déjà percuté. Ne vous y trompez pas : lorsqu’un État brade son armée, lorsqu’il commence à redéfinir la liberté d’expression, et qu’il s’attaque goulûment à celui de propriété privée, c’est qu’il ne va pas, subitement, devenir meilleur.
Ce pays est foutu. Fuyez.
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