Magazine Culture
Christophe Carlier a
beaucoup écrit sur la littérature avant d’arriver au roman. Le changement de
cap lui réussit : son arrivée sur le terrain de la fiction lui a valu, le Prix du Premier roman. L’assassinà la pomme verte le méritait bien, bourré de qualités auxquelles s’ajoute
un clin d’œil à Magritte. Sébastien, réceptionniste de nuit à l’hôtel parisien Paradise, a dû voir passer le meurtrier
du locataire de la chambre 205. Mais « il
devait être aussi anonyme que l’homme à chapeau melon dont Magritte dissimule
le visage derrière une pomme verte. »
Le lecteur en sait plus
que Sébastien. Il connaît mieux que lui, grâce à un récit mené par différents
narrateurs, les principaux personnages. Craig, d’abord, un universitaire
britannique qui enseigne aux Etats-Unis, de passage pour un colloque. Et Elena,
une Italienne qui fait des allers-retours entre Florence et Paris pour une
maison de couture. Chacun d’eux cède progressivement, au cours de la semaine
pendant laquelle se déroule le roman, au charme de l’autre. Seule leur première
soirée a été gâchée par la présence d’un importun, un séducteur partagé entre
trois femmes, et qui s’en vante. Elena fulminait, Craig la regardait fulminer.
Le lendemain, le séducteur importun de la chambre 205 avait été assassiné…
Le romancier joue finement des regards
entrecroisés, chacun d’entre eux observant surtout les attitudes et les
réactions des autres. Dans le ballet sentimental de Craig et Elena, les
parasites doivent être gommés, d’une manière ou d’une autre – serait-elle la
plus brutale des manières. L’assassin n’est pas anonyme seulement pour
Sébastien (et Amélie, une femme de chambre qui est la quatrième voix). Il l’est
presque pour lui-même, son geste n’ayant répondu qu’à une nécessité soudaine,
sans longue réflexion. Le meurtre est léger pour celui qui n’en éprouve pas le
remords. Et le livre est tout aussi léger, qui ne bascule jamais dans la morale
mais reste fidèle au Marivaux cité en épigraphe.