Dans une (magnifique) biographie de l'écrivain Garcia Marquez, l'anglais Gerald Martin, dans un rappel de l'histoire de la Colombie à la fin du XIX siècle et au début du XX, dit, en parlant de la dévastatrice « guerre des mille jours » et ses suites : .. « pendant près de deux siècles, les deux partis majoritaires ont entretenu une amère inimitié (l'un pour l'autre) sans l'occulter, mais ils se sont tacitement uni afin de garantir que le peuple ne parvienne jamais à une véritable représentation »Je ne fais ici allusion, avec cette citation, à aucun parti actuel en particulier, mais à une réalité sociologique moins « incarnée » institutionnellement, mais pas moins forte : les « élites » de nos démocraties occidentales, transmutées avec le temps -et le goût du pouvoir- en oligarchies, en viennent tout naturellement à cette sorte « d'union tacite » que mentionne Gerald Martin.La liberté, oui, mais sous contrôle...; c'est une bonne chose qu'elle permette une forme de vie riche, à condition d'éviter qu'elle conduise vers un changement dans les règles non écrites, mais ô combien contraignantes, du partage du pouvoir.Dans notre temps, internet est un cheval sauvage, non harnaché, « potentiellement dangereux » pour tout pouvoir établi (comme d'ailleurs toute « liberté d'expression » non « canalisée »)
Et très tôt après sa naissance, des gouvernements ici ou là ont tenté et tentent encore de trouver la manière de le contrôler.Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) termine un nouveau rapport sur Internet (Rapport du CESE consultable ici) que sa rapporteuse, Madame Nathalie Chiche présente avec cette mise en garde : "Plusieurs États envisagent de nationaliser et fragmenter internet. Mais le réseau doit rester ouvert, libre et neutre"Cet espace de liberté qu'est Internet, cette possibilité de communication sans limites, ouverte à tous, est la plus universelle jamais atteinte dans l'histoire.
Oui, elle permet l'expression du pire comme du meilleur. Elle nous met dans l'obligation d'agir chacun avec responsabilité. C'est le prix pour que l'espace en question soit réellement libre. Si nous, citoyens ordinaires, lambdas, ayant la chance de vivre dans des pays où la parole est (censée) être et rester libre ; si nous ne défendons pas cet incroyable et universel espace de liberté, qui le fera ?© Jorge