Depuis sa fondation, le Bloc Québécois, parti politique canadien, a toujours représenté exclusivement à la Chambre des Communes canadienne les opinions politiques des séparatistes québécois. Même si je n’ai jamais été un partisan de ce parti, je reconnais d’emblée que maintes fois ses prises de positions reflétaient l’intérêt de tous les Québécois.
Le Bloc fut créé en 1991 par le ministre progressiste-conservateur démissionnaire Lucien Bouchard, suite à une mésentente de ce dernier avec le premier ministre (PM) canadien Brian Mulroney en rapport avec l’accord du Lac Meech sur le rapatriement de la constitution canadienne de Londres.
Ce n’était pas la première fois qu’était proposée l’idée d’un parti national composé exclusivement de Québécois à Ottawa, pour défendre les intérêts du Québec. Dès 1926, l’Action française avait propagé une telle proposition sans succès. Plus tard, en 1942, en pleine guerre mondiale, lors du débat sur la conscription obligatoire de jeunes Canadiens dans l’armée canadienne pour aller au front en Europe, le Bloc Populaire fut créé au Québec pour s’opposer à cette mesure. Son chef était Maxime Raymond. Il ne gagna aucun siège à l’élection fédérale.
Par contre, son aile provinciale dirigée par André Laurendeau présenta, en 1944, des candidats dans tous les comtés contre le gouvernement libéral d’Adélard Godbout. Elle accusa ce dernier de marcher, main dans la main, avec le gouvernement fédéral libéral de Mackenzie King qui, disait-elle, favorisait la conscription. La popularité de Laurendeau et de son parti connut un bond de popularité dans les milieux nationalistes, au point que quelques curés n’hésitèrent pas à dire en chaire à leurs paroissiens : « Je ne peux vous dire pour qui voter, mais votez en bloc ». C’est l’Union Nationale de Maurice Duplessis, défait en 1939, qui gagna finalement l’élection. Le Bloc Populaire ne remporta que 4 sièges et le parti disparut, quelques années plus tard, suite à la démission de Laurendeau.
Dans les années ’60, le « Ralliement des Créditistes », parti du Québec résolument fédéraliste et de droite, de Réal Caouette, gagna plusieurs sièges au Québec dans les régions rurales et devint jusqu’au début des années ’80 le porte-parole, à la Chambre des Communes, du mécontentement et du nationalisme des Québécois.
Après plusieurs décennies de déceptions et d'échecs, le Bloc Québécois fit élire 54 députés à l’élection fédérale de 1993. De plus, à la surprise générale, le parti se classa deuxième avec le plus de sièges à la Chambre des Communes et devint, par la force des choses, l’Opposition officielle du gouvernement du Canada. Ce fut grâce à l’intelligence, les convictions profondes, l’éloquence et le charisme de Lucien Bouchard qui charmèrent les Québécois.
En fin de janvier 1996, Bouchard démissionna pour remplacer Jacques Parizeau au poste de PM du Québec et le Bloc choisit Michel Gauthier comme son deuxième chef. Ce dernier ne dura qu’un an et fut remplacé par Jean Duceppe. Habile, intelligent et bon politicien, Duceppe maintint le Bloc fort et majoritaire au Québec jusqu’à l’élection fédérale de 2011 où il connut une débandade spectaculaire et perdit tous ses députés, sauf quatre. Duceppe démissionna. Son successeur, Daniel Paillé, vient de démissionner à son tour, après un an à la barre du parti et le Bloc est redevenu orphelin.
Depuis, un débat sur la pertinence du Bloc Québécois sur la scène politique canadienne fait rage au Québec : « Un parti de séparatistes québécois est-il utile et nécessaire à Ottawa ? ». Ces derniers jours, l’ex-PM québécois Bernard Landry et l’ex-député péquiste Yves Michaud ont dit publiquement NON et ont demandé la mort officielle du Bloc Québécois. D’autres s’y opposent et prétendent que la place qu’occupe le parti doit être comblée parce qu’elle est une tribune pour ceux et celles qui veulent vanter les mérites de la séparation du Québec du Canada.
Je ne suis pas séparatiste. Je ne peux me résoudre à laisser le Canada aux autres. Mon pays est si vaste, si riche, si beau et si plein d’opportunités pour mes descendants que je me dois de tout faire pour leur conserver.
Par contre, l’idée que le Bloc demeure à Ottawa ne me déplait pas. Pas fort, mais avec un représentation minimum. Je ne crois pas, dorénavant possible, qu’il obtienne des victoires aussi éclatantes que celles obtenues par Bouchard et Duceppe et c'est une bonne chose. De plus, je crois important que plusieurs députés québécois issus de partis fédéraux traditionnels soient élus et qu'un bon nombre deviennent ministres du gouvernement. Ce que le Bloc ne peut faire. Mais qu’une dizaine de députés bloquistes soient élus à la prochaine élection me semble positif. Un tel résultat aura l'avantage de maintenir sur la scène nationale le débat sur les idées d’une bonne partie de la population québécoise. De plus, il servira à renseigner les députés des autres provinces des demandes du Québec. La démocratie ne peut qu’en gagner.
Avec le temps, j’ai remarqué que le débat de politique fédérale fait partie de nos discussions lorsqu’il y a au pouvoir à Ottawa un gouvernement avec un PM québécois (comme ceux de Trudeau, Chrétien et Mulroney) ou un gouvernement composé de plusieurs ministres québécois compétents (comme celui de Joe Clark) ou encore une opposition comme celle du Bloc qui défend ardemment des positions qui sont au cœur de plusieurs de nos débats locaux. Depuis l’élection du gouvernement du Parti Conservateur de Stephen Harper, dans lequel le Québec est peu représenté, je regrette que les Québécoises et Québécois n’entendent moins parlé de la politique fédérale et n’y apportent, par conséquent, moins d’attention que par le passé.
Le Nouveau Parti Démocratique a connu une grande victoire en 2011 et a balayé le Québec. Il est devenu l’opposition officielle. Malheureusement, l’inexpérience de ses nombreux députés québécois ne l’a pas vraiment aidé avec le résultat que les échos des débats de la colline parlementaire à Ottawa nous parviennent à peine. Et cela, même si son chef, Thomas Mulcair, fait un job du tonnerre comme chef de l’opposition, selon tous les observateurs avertis.
Face au nouveau, jeune et charismatique chef libéral, Justin Trudeau, qui a redynamisé le parti libéral; face à la force politique que conserve le NPD; face au potentiel des 850 000 votes qu’a remportés le Bloc à la dernière élection et face au 12% de votes qu’obtiendront les Conservateurs, j’en conclus qu’il est probable que le vote au Québec, à la prochaine élection fédérale, sera réparti entre tous les partis si aucun ne prend un élan hors de l’ordinaire. Une telle situation pourra aider les candidats du Bloc à se faufiler, à plusieurs endroits, entre les autres candidats et à regagner ainsi une dizaine de comtés dans les régions où le parti a toujours été populaire.
Le Bloc a besoin d’un nouveau chef avec une expérience politique et de bons candidats. Il y a quelques jours, Richard LeHir, ex-ministre de Parizeau, a annoncé être prêt à devenir candidat du Bloc à la prochaine élection. Il a affirmé son désir de se présenter contre Justin Trudeau dans le comté de Papineau, à Montréal. Le Hir est un bon candidat mais il perdra sa chemise contre Trudeau dans ce comté cosmopolite où un séparatiste n’a aucune chance de l’emporter surtout contre le chef du parti libéral. S’il ne vise qu’à faire du bruit et attirer l’attention, il y a des possibilités que ce soit bon, mais ce n’est pas certain. Mais s’il est vraiment sérieux et veut être élu pour aider le Bloc, qu’il choisisse un comté aux caractéristiques favorables pour un candidat de sa trempe et de sa couleur politique. Ce ne sera pas facile mais, comme je l’ai expliqué précédemment, un bon candidat avec une bonne organisation peut gagner de justesse un comté pour son parti à la prochaine campagne électorale, même s’il s’agit du Bloc Québécois.
Claude Dupras