S'il y a une particularité dans la vie récréative de Shanghai qui me fascine c'est bien de regarder les gens danser, des dizaines, parfois des centaines de papillons qui virevoltent entre les arbres sur des musiques criardes ou chevrotantes, crachées par des appareils de fortune. Les amis qui nous ont rendu visite ont été touchés par la grâce des danseurs, leur aisance, leur élégance. Peu ont été tentés de se lancer dans une valse tournoyante, certains l'ont fait sous l’œil approbateur des danseurs locaux. Les Chinois apprécient que des étrangers partagent leurs coutumes.
Comme je suis une très mauvaise danseuse (on m'a même collé le handicap d'avoir 2 pieds gauches dès mon enfance), je me suis toujours contentée de regarder et d’échafauder des projets pour mettre un peu de vie dans les parcs de ma petite ville suisse à mon retour. Mes pensées tourbillonnent en même temps que les papillons, sans écraser de pieds, c'est mieux.
Un exercice de jour en petit comité
Or, c'est avec stupéfaction que je lis que cette activité "bonne pour la santé" - selon les affirmations des danseurs - dérange. Ce n'est pas tant le tango (ou autres danses très chinoises, très sautillantes) qui importunent les habitants, voisins des parcs, non, c'est la musique tonitruante. A Guangzhou (Canton), on envisage même d'interdire cette pratique. A Shanghai, la loi est moins stricte, pas de danse, pas de karaoké entre 22.00 heures et 6.00 heures du mat dans les endroits publics. Et pas d'appareils audio toute au long de la journée, pour autant que cela dérange quelqu'un. La nouvelle loi est en vigueur depuis le 1er mars 2013 et, pour l'instant, aucune amende n'a été distribuée. Il faut dire que le service mis en place récolte 20 à 30 appels par jour, mais, après, les feuilles de réclamation se baladent entre le service des parcs et la police et le bureau de la protection environnementale et certainement d'autres bureaux et d'autres services.
De nuit pour les choses sérieuses, mais pas très éclairé... forcément
Pourtant, certains voisins maudissent cette pratique, "le bruit me rend fou", "je dois mettre la télévision à plein tube", "je suis obligée de dormir avec des bouchons d'oreille et un bonnet", "mon fils doit étudier, comment peut-il le faire dans ce vacarme ?", "les parcs ne leur appartiennent pas !" Certains sont tellement fâchés qu'ils essaient de former un groupe de voisins pour avoir plus de poids auprès des autorités, ils ont envie d'arroser les danseurs d'eau glacée, de leur envoyer des mastiffs du Tibet...
On ne doit pas valser lorsqu’un mastiff tibétain attaque
Le bureau de la protection environnementale annonce qu'ils sont en train de réfléchir à une procédure pour déterminer qui est responsable de quoi. Du coup, pour l'instant, on continue à danser, on profite encore de se rassembler, de se détendre et de s'amuser dans la cacophonie. J'espère qu'ils pourront le faire encore longtemps, peut-être moins tard, moins fort. Ils donnent une âme à cette mégalopole et lui permet de conserver une apparence humaine.Un dimanche à Zhongshan Gongyuan