Entorse de Philippe Mathieu chez Buchet Chastel

Par A Bride Abattue @abrideabattue
La quatrième de couverture m'avait tentée :
Léo a trente-cinq ans. Désoeuvré, il quitte tout et se laisse porter par les courants - sans réflexion, sans volonté. Il nage, dans des piscines car il ne se verrait pas bien dans des eaux sans limite. Mais s’il était maître de sa vie, et s’il avait du goût pour les voyages, il serait explorateur - ce qu’il n’est pas, mais alors pas du tout ...De toute manière, pour cela, il lui faudrait s’alléger parce qu’il est encombré d’un chat qu’il s’est laissé imposer. Encombré de Florence, de Mathilde, de Pierre, peut-être de Charlotte, de sa mère et de l’absence de son père, de souvenirs qu’il n’a pas ...Ironie et finesse de l'écriture, Entorse, premier roman de Philippe Mathieu, dessine le portrait attachant d’un homme qui ne sait pas choisir.
Le livre m'a, comment dire, ... déçue serait excessif. Disons qu'il n'a pas comblé mes attentes.
Et pourtant je devrais apprécier cette sorte de mise en abîme : je me suis laissée envoyer, non pas un chat (jusqu'à présent je suis toujours parvenue à refuser ce type d'intrusion) mais ce livre ... Et comme le narrateur je ne savais pas si j'allais poursuivre la lecture ou passer à un autre (livre). Palavas est un autre point en commun.
Il y a des passages très réussis, ce qui m'a conduite à poursuivre jusqu'au bout. Mon opinion n'est pas tranchée. Léo aime cuisiner, cela ne peut que me le rendre sympathique. Son questionnement à propos de la couleur de la chair des aubergines dans un tian de légumes (p. 74) n'est pas superflue. La réponse arrivera plus loin. Suspense ...
Il multiplie les réflexions philosophiques désabusées, et laisse à intervalles réguliers le passé envahir le présent sans prévenir. J'aime aussi cette narration de "non-évènements" qui ressemblent tant, en fin de compte, à ce qu'on peut vivre dans nos vies, quand on ne les invente pas.
Ce n'est pas un journal mais çà y ressemble. Dans un tel contexte certains auteurs ont la faculté de nous faire croire que leur personnage évolue positivement en supputant sur notre tendance à nous identifier à cette métamorphose. L'esprit travestit la réalité, Philippe Mathieu nous le rappelle page 101 et il ne faut pas chercher loin pour en trouver des preuves dans nos vies personnelles. Je connais quelqu'un qui, ne supportant pas la mort d'un proche se comporte "tout simplement" comme s'il était toujours vivant. L'auteur se comporte ainsi un bref instant en embrassant le père de son ami comme s'il était le sien (p. 77).
Ce qui est à la fois surprenant et logique c'est que le lecteur ressent son impuissance à aider le narrateur. 
Entorse raconte un moment charnière quand, à la suite d’une rupture amoureuse, le protagoniste va lâcher prise. Le mouvement n'est pas dépressif. Il pourrait l'être car il u a beaucoup de suicides dans ce livre. Il est teinté de mélancolie et ponctué de tentatives positives, comme celle de s'improviser serveur dans un restaurant, ce qui n'est pas une tache facile, ... je l'ai fait moi aussi et ce fut une aventure intéressante (encore un point commun). Ce que j'aimerais maintenant, c'est que Philippe Mathieu nous décrive ce qui va arriver ensuite. Parce qu'on ne peut rester éternellement indécis ... Même Antoine Doinel a fini par grandir.
Entorse de Philippe Mathieu chez Buchet Chastel