tombe de Mano Dayak
L'ÉPITAPHE DE MANO DAYAK
« Les confidences n’ont d’écho
Que pour nos cœur »
Ici repose le corps de Mano Dayak, / A présent, le sable est sa patrie éternelle. / Mais, éminemment immortelle, son âme voyage la nuit / Avec les lentes caravanes des étoiles / D’éternité pure en éternité pure.
Des grêles gouttelettes de rosées viennent à l’aube / Rafraîchir l’ardeur de ses lèvres. / Les larmes de son peuple aimé / Continuent à hanter, de saison en saison, son esprit.
Les guimbardes des jeunes bergers, / Anges hâlés errant entre terre et ciel, / Rendent plus léger le fardeau de son linceul de silex !
Concassant les joyeux grains de mil, / Faisant danser au vent, Avec une élégance saisissante, le fonio, /Attisant les bûches du foyer, / Les femmes antilopes habillent de soie transparente / Son nom, cher aux hommes et aux dieux !
Le soir, à travers le désert sentant la fraîcheur, / Djembés, balafous, koras et ngoni / Ressuscitent dans la chair des splendides Touareg / La robuste, la coriace soif de liberté.
Puisse-t-elle la bure blanche de ma poésie, / Celle que j’ai endossée depuis ma trébuchante enfance, / Protéger de son ombre hymnique / Sa tombe du feu charnel du soleil !
Alioune Badara Coulibaly
CHANT FUNÈBRE POUR MANO DAYAK
Tu n'es plus / Et mes larmes ne tariront plus / Ton sang, ton corps et tes os / Sont à jamais mêlés à ces sables que tu as / Tant aimés. / Es-tu mort au-dessus de CHIRIET aux dunes / dorées / Ou en amont de TAMGAK qui rime avec ta / lutte ? / Sont-ce les terres maternelles de TEMET qui / te retiennent / Qui te réclament pour l' ÉTERNITÉ ? / Le désert est FIDÈLE / Comme tu l'as porté à bout de bras, au / bout du monde / Le TENERE te porte désormais en son sein / Pour toujours ton ÂME aura la clarté de ses / dunes / Et ta MÉMOIRE la grandeur de ses montagnes / Ta mère est en deuil, et tu es le Fils de / toutes les mères / Ton père est en deuil, et tu es le Fils de tous / les pères / Ton frère est en deuil, et tu es le Frère de / TOUS les HOMMES,
GRAND GUIDE
Rhissa Rhossey
Mano Dayak aux côtes des combattants Tamasheq du Nigeé
Mano Dayak s’en est allé
Sur notre ciel, les étoiles-reines se sont éteintes / Les rides qui balisaient les secrets du désert se sont effacées / Se sont tus les chants mythiques des caravaniers tirant la longe de la targuité / les campements éventrés et les oueds ronronnent des motopompes, / Regarde ô sœur ces quiètes oasis d’antan parcellées par des barbelés, / Où ne blatère ni l’Amali en rut , ni l’awara demandeur, / Entends ô frère les lugubres chants des choucas qui thésaurisent / Et tu sauras que l’appétit du gain viole l’intimité de nos cœurs endeuillés
Ibrahim Manzo DIALLO
ADIEU MANO !
Dans le fatras déroutant / De ce 15 décembre / Un souvenir macabre / Éperonne le peuple errant
Bruit assourdissant d’une ferraille qui s’abîme / Complainte lancinante d’un feu qui crame / Mano Dayak est mort, victime du crime /Et avec lui l’espoir de la paix partit en flammes
Debout sur la stèle de la nostalgie / Hébété par la douleur de la colère assagie / Je pleure ce père et ce fils de Tidène parti sitôt / Je pleure ce frère et fils guerrier désarmé très tôt
Je pleure ce berger et guide à la science sans égal / Je pleure le départ de Mano le rebelle / Les plus belles voix de femmes t’ont chanté / Les plus grands peintres t’ont immortalisé
Les plus viles bouches t’ont insulté / Les plus grands écrivains t’ont galvanisé
Ô Mano, poète nomade repu de miel / Élu des prêtresses, béni de Dieu et des vieux ! / Tu étais la plume gorgée de fiel / Qui dénonçait nos droits précieux / dissous dans le marais de l’exclusion / érigée en système de gestion
Ô Mano, fils de la vallée de Tidène / Dans la majesté de ta tombe sans balise / Prie pour que s’arrête ce vertige qui déraisonne / Prie pour qu’arrive ce jour qui grise / Prie pour qu’enfin souffle l’espoir / qui réunira les fils et filles d’Imuhar / Riant autour du feu de la solidarité / Et buvant le thé de la fraternité ! / Adieu Mano !
Ibrahim Manzo DIALLO
Poèmes dédiés à la mémoire de Mano Dayak