Hollande : après le virage, le plus dur reste à faire

Publié le 15 janvier 2014 par Copeau @Contrepoints
Analyse

Hollande : après le virage, le plus dur reste à faire

Publié Par Michel Albouy, le 15 janvier 2014 dans Économie générale

Conférence de presse : que penser des annonces faites par François Hollande ? Le plus dur reste à faire : réduire la dépense publique et passer aux actes.

Par Michel Albouy.

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, le plus dur pour Hollande ne va pas être de clarifier sa situation avec sa compagne officielle mais de mettre en œuvre son « pacte de responsabilité ». Oui, après le virage annoncé de la politique économique, le plus dur reste à faire : réduire la dépense publique et passer aux actes.

La troisième conférence de presse du président prolonge en le détaillant un peu plus son discours de vœux pour 2014. L’idée générale est bien en ligne avec la dénonciation d’un État « trop lourd, trop lent, trop cher ».

François Hollande serait-il devenu libéral, voire social-libéral ? Que nenni : selon ses propres paroles il « n’est pas gagné par le libéralisme ». Pourtant vouloir réduire l’emprise de l’État sur l’économie est bien une direction libérale. Mais non, « s’il suffisait, pour être de gauche, de creuser les déficits, ceux qui m’ont précédé sont d’extrême gauche » a-t-il lancé en visant son prédécesseur. Notre président nous a expliqué que, justement, réduire et mieux cibler la dépense publique pour la rendre plus juste était une politique de gauche, tout au moins sociale-démocrate… Il risque d’avoir du mal à convaincre l’aile gauche du PS et la gauche de la gauche attachée à cette dépense. Continuer à augmenter la dépense publique pour stimuler la demande lui paraît ni souhaitable ni possible. Ce en quoi nous lui donnons raison. À l’appui de sa démonstration, il a cité le niveau particulièrement élevé de la dépense publique qui représente 57% du PIB, un record. Avec un tel chiffre, si la dépense publique devait porter ses fruits en termes de croissance et d’emplois la France devrait être championne toute catégorie ; ce qui est loin d’être le cas avec un taux de chômage élevé (3,2 millions de chômeurs officiels et 4,5 millions si on ajoute les personnes en situation précaire), une croissance atone et une dette publique de 1900 milliards d’euros, soit 94% du PIB. Dont acte.

À noter qu’ayant épuisé les marges de manœuvre fiscales suite au choc fiscal administré aux Français et leur ras-le-bol en la matière, le président avance dos au mur pour réduire ses déficits. De plus, comme la croissance importée d’Amérique ou des autres pays européens risque d’être insuffisante, la seule solution pour réduire les déficits est d’agir sur la dépense : c’est bien une politique de l’offre censée créer la demande. Il s’agit, grâce à cette politique économique de « remettre la France en mouvement » ; celle-ci étant embourbée par le poids de l’État et tétanisée par les impôts.

L’objectif de baisse de la dépense publique annoncé est de 50 milliards d’euros à l’horizon 2017. On notera que ce chiffre représente 50% de la demande du patronat qui chiffrait la baisse des charges pesant sur les entreprises à 100 milliards. La mesure phare annoncée pour les entreprises est la fin des cotisations familiales qui pèsent sur les entreprises. Cette mesure demandée par le MEDEF depuis longtemps devrait permettre d’alléger de 30 milliards d’euros les charges qui pèsent sur les entreprises. À noter que cette baisse ne sera pas cumulable avec le CICE ; l’enveloppe globale pour les entreprises ne devrait pas excéder les 30 milliards. Ce « cadeau » aux entreprises, pour reprendre la terminologie syndicale, devrait être assorti de contreparties à négocier avec les partenaires sociaux en termes de création d’emploi. Pour le moment les contreparties exigées semblent floues, voire insuffisantes, aux yeux des syndicats. Évidemment, la question qui se pose est : qui va payer le cadeau ? Ne pouvant reporter cette charge sur les ménages, le président nous dit qu’il ira chercher les ressources financières dans une réduction de la dépense publique, et c’est là où nous retrouvons l’objectif de réduction d’ici 2017 de 50 milliards de dépenses publiques. Est-ce réaliste ? Oui, mais cela va être très difficile à mettre en œuvre : Hollande n’est pas le premier président à vouloir réduire, voire contenir, la dépense publique. Pour le moment aucun n’a réussi.

Réaliser 50 milliards d’économie sur les dépenses publiques (État, Collectivités locales, etc.) représente une réduction de 4,3% de ces dépenses (1156 milliards d’euros). Cela doit pouvoir se faire, mais ce sera très difficile pour un président élu par la gauche. Pour atteindre cet objectif le président compte sur une redéfinition du périmètre de l’État et des collectivités locales. Au lieu de pratiquer le coup de rabot général, il va s’agir de réviser l’ensemble des politiques publiques afin de mieux cibler la dépense publique. Vaste chantier ! On se souvient de la célèbre RCB (Rationalisation des choix budgétaires) dans les années 1970, et de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) de Nicolas Sarkozy. Malgré ces outils, la dépense publique n’a cessé d’augmenter. On nous annonce la création d’un « conseil stratégique de la dépense » qui se réunira chaque mois à l’Élysée pour évaluer les politiques publiques… Espérons que ça marchera car sinon ce sera franchement catastrophique. Mais, même si la dépense publique baisse de 50 milliards d’euros, celle-ci représentera encore 55% du PIB (2028 milliards d’euros en 2012), un chiffre encore nettement supérieur à celui de l’Allemagne qui est de 44,7% en 2013. L’écart sera encore de 10 points de PIB. Ainsi, malgré cette mesure d’économie présentée comme drastique, la France continuera à traîner un fardeau bien plus lourd que son principal partenaire en Europe. Selon la Commission Européenne, les dépenses publiques françaises sont supérieures à celles des Allemands de 1,8% du PIB pour l’enseignement, de 1,4% pour la santé, de 1,3% pour le logement, de 1% pour la culture. On mesure ici le travail qui attend le président s’il veut rapprocher la France de l’Allemagne.

Si l’objectif de baisse de la dépense publique doit être salué, il ne faudrait pas passer sous silence l’effet récessif à court terme de cette baisse. Avant d’engranger les fruits de cette réduction de la dépense publique sur la croissance, il est possible qu’elle ait un impact négatif sur la croissance à court terme : une difficulté de plus.

Au-delà de la baisse promise des dépenses publiques, François Hollande a montré clairement qu’il demeurait un président social-démocrate. En effet, il croit toujours au rôle primordial de l’État dans l’économie, cela n’est pas pour nous étonner car cette vision est largement partagée par les élites françaises. Ainsi, interrogé sur une éventuelle prise de participation pour sauver Peugeot-Citroën il ne dément pas et annonce même la création d’un futur Airbus de la transition énergétique en partenariat avec l’Allemagne à l’instar d’Airbus dans l’aéronautique. Sur la fiscalité, le flou demeure. La remise à plat est renvoyée dans le vaste chantier de la réforme. On n’en saura rien de plus sur l’éventuelle fusion de la CSG avec l’impôt sur le revenu. De même sur l’organisation administrative de la France et son millefeuille, puisque la suppression du Conseil Général n’est plus à l’ordre du jour, seulement une réflexion sur son avenir et qu’on suggère la possibilité aux régions de fusionner. Pour ce faire, les dotations de l’État devraient varier selon les regroupements qui seront faits. Comme il se doit le président a affirmé qui faudra lutter contre les excès et abus concernant la Sécurité Sociale, prendre des mesures de simplification administrative, avec la réduction des normes et des procédures administratives, etc. La ritournelle est bien connue…

Au total que penser de toutes ces annonces, dont beaucoup restent floues ? Si la direction est bonne, le plus dur reste à faire et c’est surtout dans la réalisation des quelques objectifs chiffrés que l’on pourra juger. Ce faisant, avec ces engagements chiffrés, le président a pris un véritable risque : celui d’être condamné à réussir car immanquablement ils seront à l’ordre du jour en 2017, un rendez-vous essentiel pour lui et sa majorité.


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