Max de Sarah Cohen-Scali est un livre au concept original. En effet, le personnage principal s’adresse dès le début à nous et nous nous rendons vite compte que c’est un livre étrange :
«19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Fürher. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer. Heil Hitler!»
Cet enfant qui va donc naître pour le bien du nazisme vient du projet Lebensborn qui signifie « fontaine de vie », une association nationale-socialiste. Cette association avait pour but d’augmenter les naissances aryennes (des enfants-types SS) : yeux bleus, cheveux blonds, nez pas trop long (qui était selon cette politique un signe distinctif des juifs et des tziganes. Du sang tzigane dans la race aryenne, impossible!). Si je ne vous donnais que ces informations, le projet vous paraîtrait certes un peu spécial mais pas si mauvais que ça.
Ce sont les conditions de la reproduction très bien expliquées par Max qui font que le livre ne peut être lu par des enfants. Et oui, même la création de jolis petits bouts était horrible :
« Je crois que maman a eu mal, lorsqu’elle s’est unie à mon père.
Je crois qu’elle a failli renoncer et s’enfuir, elle aussi. Mais mon futur père et moi, nous avons encouragé. Mon père, en lui faisant boire une bonne rasade de schnaps, pour la réchauffer, pour qu’elle se détende et se prête à son devoir. Quant à moi, moi qui n’étais alors qu’une vague idée dans l’esprit de maman, juste une voix intérieure, je n’ai cessé aussi de la stimuler en lui répétant : « Il faut le faire, maman ! Il le faut ! Pour le mouvement national-socialiste ! Pour le Reich ! Pour ses mille ans de règne ! Pour le futur ! » Alors elle a gardé les yeux rivés sur le portrait du Führer, accroché au mur dans la chambre claire et froide. Elle a serré les dents et elle a tenu bon.
Elle l’a fait. »
Max est le premier pur aryen: le aryen de tout les aryens, marchant au pas avant même de marcher à quatre pattes, ordonnant avant de parler, il montre donc l’exemple à tout ses « camarades ».
Mais bien vite, la mère de ce petit Max devient l’Allemagne et son père devient Hitler. Son jolie prénom est transformé en Konrad von Kebnersel et il devient un SS avant même de devenir adulte. Max, est donc un fœtus, un bébé, puis un enfant qui nous raconte son histoire avec l’intelligence d’un adulte et la naïveté d’un enfant. Il voit dans toutes les missions qu’on lui attribut une façon de rencontrer de nouveaux amis et surtout de faire plaisir à son père alors qu’il aide les soldats à trouver des enfants polonais aryens pour augmenter (encore) la population aryenne. Sans repère parental, il évolue dans un environnement inadapté, en temps de guerre cela semble évident. Mais la façon dont tout est raconté est bouleversante, c’est un livre qui nous prend aux tripes, qui nous provoque, nous choque, qui nous incite à tourner les pages encore et encore jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à lire. Et c’est lorsque c’est fini qu’on se rend compte que tout cela a vraiment existé qu’il y a eu plus d’une vingtaine de centres Lebensborn et plus de 20 000 enfants comme Max.
Et on se demande : Mais que s’est-il passé pour eux quand la guerre a été fini ? Que s’est-il passé pour ces fœtus conçu sans amour ? Pour ces bébés endoctrinés ? Pour ces enfants élevés comme des militaires ?