Quand j’étais plus jeune, je n’étais pas fan de cantines. En veillissant, je ne le suis pas devenu, et je suis agacé par les restaurants qui se la jouent cantines.
Souvenirs d’enfance
Le pire souvenir est surement l’horrible version collège, où l’on nous apportait un gros plat par table, où l’on devait se servir soi-même et faire passer. Une formule en théorie conviviale, en réalité inadaptée et aliénante. Les plus âgés, hélas pas plus sages, abusaient de leur pouvoir sur les plus jeunes. Et surtout, je pense que c’est là que j’ai découvert qu’on pouvait servir des choses aussi mauvaises. J’ai notamment découvert la purée mousseline. Heureusement que je n’ai eu droit qu’à quelques mois de mauvaise cantine.
Au Liban, c’était totalement différent, un genre de cafétéria avec certes, peu d’offre variée, et surement pas de quoi faire un repas équilibré, mais quand même la possibilité de choisir. Pendant des années, j’ai donc déjeuné vers 16-17h, à la maison.
Retour en France, en prépa, dans un lycée niçois. Self service : illusion du choix. On prend son plateau, ses couverts, du pain. On choisit une entrée, le plat est très souvent imposé, mais on peut décider de la garniture, et puis fromage et ou dessert. Au bout de quelques semaines, on a fait le tour des plats du cuistot. J’évitais quasi-systématiquement le déjeuner du vendredi avec ses poissons déprimants. Je préférais aller déjeuner seul à l’Hippopotamus de la place Masséna, tout à fait correct à l’époque. Mc Do si j’avais moins de temps.
Selfs-service pour les grands
Après, j’ai connu les selfs de la Cité Universitaire Internationale de Paris, de Supélec à Rennes et à Gif sur Yvette, les restaurants d’entreprise Renault, Thalès, quelques restaurants inter-entreprises à Clamart, Nanterre et autres lieux de restauration collective. Non seulement j’avais plus de temps et de moyens, mais en plus ce mode de restauration n’était plus la seule proposition. Le choix, c’est important pour moi.
Qualité souvent discutable, même si je garde de bons souvenirs de quelques restaurants de ce genre : Sodexho à Boston, Sodexho puis Avenance au Technocentre de Renault. Le site comptait plus de 6 restaurants, dont certains à thèmes, ce qui offrait une grande variété.
Pendant un séjour récent sur le campus de l’INSEAD à Fontainebleau, j’ai pu constater que, si la qualité n’était pas souvent là, il y a des efforts de présentation et de renouvellement des plats. Et surtout une possibilité de choisir!
Un restaurant, c’est pouvoir choisir
Depuis 2007, j’échappe aux restaurants d’entreprise, car j’ai la chance de travailler dans des quartiers où restaurants, boulangeries, sandwicheries et saladeries pullulent. Certes, le budget est plus élevé, mais avec des tickets restaurants, il est possible de le maitriser.
Beaucoup de restaurants proposent une formule ou menu déjeuner, qui consiste, lorsque l’endroit est de qualité en : une entrée à choisir entre 2-3 propositions, un plat (une poignée de possibilités) et fromage ou dessert. Parfois les propositions changent tous les jours, parfois toutes les semaines, ce sont généralement des plats de saison. On peut donc y retourner sans problème, retrouver quelques classiques et découvrir des nouveautés, bref, un bon équilibre, mais toujours du choix.
Cantines gastro bobo snobs
C’est pour cela que j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi certains s’extasient autant devant des adresses où le chef est très doué, mais où l’on ne peut pas choisir grand chose. Que ce soit à l’excellent Passage 53, à l’Astrance, ou dans des adresses plus bobo-snob comme le Chateaubriand, le Roseval… L’intérêt économique, logistique et organisationnel est évident.
Dans le Spring v1.0 de la rue de La Tour d’Auvergne, l’exiguïté des lieux ne laissait pas beaucoup de choix. Dans la version beaucoup plus ambitieuse de la Rue Bailleul, le menu dégustation unique (aux allergies près) a moins de légitimité à mes yeux.
Surtout quand on fait 3-4 services et qu’on impose aux clients d’arriver à heure fixe. En cuisine, c’est du travail à la chaine, on débite toujours le même nombre de plats, dans le même enchainement, pour tout le monde. Tout le monde a envie d’une Ford T noire, n’est-ce pas?
Ces économies d’échelle permettent de réduire les coûts. Le client en bénéficie-t-il toujours? Pour l’Astrance et le Passage 53, j’ai l’impression que oui, mais peut être pas totalement : certains produits utilisés sont plus originaux, cependant ils sont peut-être aussi moins chers que dans des restaurants du même niveau, mais plus classiques. Pour les cantines gastro-bobo style Roseval je ne suis pas complètement sur.
Dernier point sur les menus dégustation imposés. C’est parfois une excellent façon de découvrir un chef et ses talents. Pour une première c’est très bien. Parfois, il y a une vraie histoire, une vraie progression dans la succession de mini portions servies. Souvent, je n’entre pas dans toute l’histoire, et je ne retiens que quelques plats que j’aimerais bien retrouver une autre fois, en portion maxi. Hélas, c’est trop rarement possible. Je trouve cela frustrant, au point de ne pas être enthousiaste à l’idée d’y retourner.
Vivent les vrais restaurants, où l’on peut choisir
Je préfère largement un Rossi qui se démène pour proposer un menu déjeuner, la carte et une formule dégustation en parallèle. Un Pirouette, un Bistrot Urbain, un Hédoniste ou un Paradis qui proposent du choix. Car oui, j’ai la prétention que c’est moi, le client qui paie et qui choisit ce qu’il veut manger. Donner carte blanche à un chef nécessite de lui faire confiance, or la confiance se gagne, je ne la donne pas comme ça.
Qui partage ce point de vue sur la différence entre cantine (dictature du menu unique imposé) et restaurant (où le client choisit ce qu’il mange)?
Rédigé par chrisos