Le jeu indépendant, cet espace de liberté créative aux mille promesses ! Cet eldorado des petits studios qui transforme du pixel en or ! Nul doute que vous entendrez ces louanges dans la bouche des développeurs de Minecraft et de Hotline Miami. Néanmoins, parallèlement à ces réussites insolentes (et méritées), se jouent les drames quotidiens des studios en voie de disparition. La concurrence rude étouffe nombre de créateurs dans une lutte où la seule qualité du travail n’est plus l’assurance de la survie. De la chance, il en faut aussi. Est-ce ce soupçon de chance qui fait défaut au studio français Swing Swing Submarine ?
La dernière création de Swing Swing Submarine est une réussite d’un point de vue ludique. Tetrobot & Co est un excellent jeu de réflexion sur PC, Mac et Linux, qui propose un challenge à la fois relevé et accessible. Aux commandes d’un petit robot, le joueur a des préoccupations toutes simples : trouver la sortie du niveau et récupérer des objets précieux. Évidemment, le chemin à suivre est aussi praticable qu’une autoroute belge en plein hiver. Des trous partout ou plutôt des emplacements à combler par des blocs pour déclencher un dispositif, relier un tuyau cassé, actionner un téléporteur, etc. Chaque niveau constitue un nouveau défi à résoudre par des mécanismes simples, mais extensibles à l’infini. La palette de blocs à votre disposition ouvre aussi de nombreuses possibilités grâce à leur comportement différent. Les ingrédients de base sont donc présents pour un succès, critique du moins.
Tetrobot &Co est pourtant un échec commercial. Cuisant. À tel point que ses créateurs craignent la fin de leur rêve. En un seul ratage, le studio a mis sa survie en péril. En effet, même pour des indépendants, le développement d’un jeu coûte de l’argent s’il doit remplir l’assiette des créateurs. Ainsi, pour atteindre la rentabilité, le studio avait calculé des rentrées d’argent minimales. Problème, les ventes n’ont rapporté que 10 % de cette somme critique, comme nous l’apprend cet article.
Pourtant, le jeu a été diffusé sur la plus grande plateforme actuelle : Steam. Une quantité énorme d’acheteurs potentiels, d’autant plus que la faible gourmandise technique du titre le rend compatible avec les toutes petites configurations. Son prix de 10 euros n’est pas non plus un obstacle. Malheureusement, quelle que soit sa qualité, le jeu va tomber rapidement dans l’oubli de Steam, noyé dans les innombrables sorties. Le studio le reconnaît lui-même, la sortie au mois d’octobre n’a pas aidé Tetrobot &Co. Allez vendre un jeu de réflexion parmi les colosses de la fin de l’année. Et gare à vous si les soldes arrivent !
Le précédent jeu de Swing Swing Submarine, Blocks that matter, s’est plutôt bien débrouillé commercialement. Bizarre, puisque ce jeu est très similaire à Tetrobot. Il en constitue même un brouillon, certes déjà très sympathique. Moins beau, plus modeste dans son habillage, plus court et plus hésitant dans son objectif de réflexion (par la présence d’une jouabilité de plateformes), il est objectivement inférieur à sa suite. Alors, comme dit auparavant, sa période de sortie serait la seule explication de sa meilleure réussite ? Oui. Blocks that matter est sorti au mois d’août… et surtout en 2011. Deux ans, une éternité à l’échelle de Steam. 2011, c’était l’époque où la qualité d’un jeu était déterminante pour assurer son succès, le bouche-à-oreille pouvant même rattraper l’amateurisme dans la communication. Aujourd’hui, la place au soleil est de plus en plus difficile à atteindre, même pour les développeurs doués. Sans le coup de bol ou le buzz, le succès est incertain.
Pour la ruée vers l’or ou simplement la volonté de vivre de sa passion, l’avenir s’annonce compliqué pour les indépendants. Paradoxalement, c’est au moment où il atteint le summum de sa reconnaissance que le jeu vidéo indépendant risque de boire la tasse, comme le montre l’exemple de Swing Swing Submarine. En attendant, l’équipe française panse ses plaies et annonce la sortie en 2015 de son probable dernier jeu : Seasons after fall. Il s’agit, à vue de nez, d’un jeu d’action-aventure qui mettra en scène un renard capable d’influencer le cours des saisons à sa guise. Un projet intrigant d’un studio talentueux qui a besoin de fric tout simplement. Alors, si vous avez dix euros à dépenser à bon escient, placez-le dans ce Tetrobot & Co, un titre très intéressant… dont le seul tort est de cohabiter avec des tonnes de bons jeux de son calibre. L’année 2014 du jeu vidéo promet d’être paradoxale pour les indépendants.
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