Conscient des malheurs qui affligent Kévin, M. Ménard lui propose un pacte de responsabilité. Certaines des contraintes qui empêchent son fils de s’épanouir seront ainsi levées, en échange d’un engagement clair de sa part à ranger sa chambre.
Plus de deux ans après avoir vu leur note dégradée par l’agence Moody’s, les Ménard sortent la tête de l’eau, mais à peine.
Si ces habitants de la Courneuve (Seine-Saint-Denis) sont parvenus à adapter leurs conditions de vie au nouveau paradigme économique découlant de l’ajustement global dans la répartition du capital [1], les conséquences sociales de la crise battent encore leur plein dans le ménage.
« Il s’agit d’une reprise sans croissance, » explique Josette Ménard, 40 ans. « Nous parvenons à épargner des points Jazz avec chaque achat au Lidl de la rue Béria, mais nous souhaitons les conserver dans l’éventualité d’une dépense extraordinaire, comme les cadeaux de Noël du petit. »
Le « petit », c’est Kévin Ménard, 8 ans et demi, qui menace régulièrement de fuguer et d’aller « retrouver [ses] vrais parents en Amérique ». Des propos qui révèlent une grande détresse intérieure et peinent profondément M. et Mme Ménard.
Un transfert de productivité gagnant-gagnant dès 2017
- Si la conjoncture le permet, Kévin Ménard devrait promettre de ranger sa chambre d’ici la fin du mois.">
Si la conjoncture le permet, Kévin Ménard devrait promettre de ranger sa chambre d’ici la fin du mois.
">Si la conjoncture le permet, Kévin Ménard devrait promettre de ranger sa chambre d’ici la fin du mois.
"> Si la conjoncture le permet, Kévin Ménard devrait promettre de ranger sa chambre d’ici la fin du mois.
Les Ménard sont conscients que l’incertitude ressentie par Kévin influence négativement son comportement, qui est devenu franchement capricieux au cours de l’année scolaire 2012-2013.
C’est pourquoi ils ont décidé d’établir avec lui un pacte de responsabilité qui le verra recevoir 15€ d’argent de poche par semaine [2], en contrepartie de quoi il devra s’engager solennellement à ranger sa chambre, une tâche dont sa mère s’acquittait jusqu’à présent.
Le facteur de productivité ainsi transféré permettra à Mme Ménard de trouver un second emploi à temps partiel — « probablement des ménages dans la cité, » précise-t-elle, même si elle reconnaît que le temps libéré ne couvrira la première année que la durée du trajet entre la porte d’entrée de son appartement et celui d’un employeur potentiel.
« C’est un pari sur l’avenir que nous faisons. Et puis ça fait plaisir au petit, c’est l’essentiel. »
« Les conditions pour un choc de confiance ne sont pas réunies. »
L’annonce, faite hier soir dans l’ascenseur, n’a pas manqué de susciter la réaction des voisins des Ménard.
M. Traoré, dont la famille occupe le 7e droite, a aussitôt dénoncé la timidité des mesures annoncées : « ce n’est pas en aidant Kévin au goutte-à-goutte qu’ils vont lui faire plaisir. A quoi ça lui sert de savoir qu’il aura 15 euros la semaine prochaine s’il veut des bonbons maintenant ? Ce qu’il lui faut, c’est un iPad Mini tout de suite. Et là vous verrez s’il va pas promettre de la ranger, sa chambre ! »
Pour les Thammavong, à gauche sur le palier, il s’agit au contraire d’une capitulation face à une situation fantasmée : « Kévin il a besoin de Zean-Pierre et Zosette, pas inverse. C’est lui il travaille pas. Déza il fait la vaisselle, drès bon pour lui. Aussi il nettoie les vécés, il porte les courses de Zosette et il surveille le riz. Zean-Pierre il est mou, il faut respect avant arzent de posse. »
Les résultats mitigés du pacte de compétitivité
- Michel Sapin se félicite de la « grande capacité d’écoute » de l’enfant de 8 ans et demi.">
Michel Sapin se félicite de la « grande capacité d’écoute » de l’enfant de 8 ans et demi.
">Michel Sapin se félicite de la « grande capacité d’écoute » de l’enfant de 8 ans et demi.
"> Michel Sapin se félicite de la « grande capacité d’écoute » de l’enfant de 8 ans et demi.
C’est le second pacte établi entre M. et Mme Ménard et leur fils en un peu plus d’un an.
En novembre 2012, alors que Kévin entamait son second CP, un pacte de compétitivité avait été mis en place. Kévin s’était alors engagé à obtenir de meilleures notes en mathématiques, en français, en géographie et en conduite, en échange de quoi il recevrait 10€ d’argent de poche par semaine.
Selon son instituteur de l’époque, le résultat n’est pas flagrant : « Sa moyenne est passée de 7 à 8,5, mais c’est essentiellement grâce aux activités sportives, et plus particulièrement au rugby. »
François Lenglet, qui montre des Powerpoint dans la télévision, tire une analyse plus optimiste de la situation : « La conjoncture particulièrement difficile ne pouvait pas lui permettre d’obtenir de meilleures notes [3], mais Kévin a arrêté de tirer les cheveux des filles suite à la mise en place de ce pacte de compétitivité. Ce premier résultat n’est pas totalement à la hauteur des attentes des Ménard mais les encourage très clairement à engager un nouveau partenariat avec lui. »
Sollicité par la rédaction de Brave Patrie, Kévin Ménard ne se trouvait apparemment pas entre les piles de vêtements qui jonchaient sa chambre. « Il est pas chez nous, il doit être en bas avec Moussa et Somvang à faire pipi sur des fourmis », nous a expliqué Aminata Traoré, 6 ans, du 7e droite.
Notes
[1] Menacée par une stagnation de ses résultats 2012, la Société Générale avait été contrainte de supprimer la facilité de caisse des Ménard.
[2] Soit une augmentation de 50% par rapport à l’exercice 2013.
[3] Le programme a changé entre le premier et le second CP de Kévin.