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Le mois de janvier

Par Richard Le Menn

ZelisAuBainChant1-2-200lm Photographies du dessus : Frontispice d'après Charles Eisen (1720-1778) du chant premier de Zélis au bain du marquis de Pezay (1741-1777).

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Photographie de gauche : On dirait une Mercuriale vivace (Mercurialis perennis). Cependant normalement cette plante ne fleurit pas avant le mois de février, et cette image a été prise le 12 janvier. Son nom vient du dieu Mercure.

La nature est une corne d'abondance. Les médecins y trouvent des remèdes, les sorciers des potions magiques, les artisans des matériaux, les cuisiniers de la nourriture, les artistes des muses et de l'inspiration, les scientifiques des modèles etc.

Elle est belle aussi en hiver. C’est le moment d’essayer de reconnaître les arbres à leurs formes, leurs écorces..., de déceler tous les signes d’une vie qui sommeil. Pour les plantes vivaces dont on connaît les fleurs, on reconnaît les feuilles, telles celles des Violettes, Chélidoines… Certaines sont particulièrement visibles, la fraîcheur de leur verdeur tranchant avec les teintes hivernales. On peut commencer à voir les fruits du Lierre dont les grappes foncées sur le feuillage toujours vert contrastent joliment avec la nature souvent dénudée à cette époque. Certaines plantes continuent de fleurir. Pâquerettes, Sénéçon commun, Capselle bourse-à-pasteur (qui fleurit toute l’année, même après maturation des fruits). Quand elles ne sont pas recouvertes de neige, les mousses et lichens offrent des tons variés de verts souvent tendres qui tranchent avec le doré du sol ou le gris des écorces.

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Photographie de droite : Fruits en formation du Lierre.

Tel le moment des premières lueurs du matin, la chaleur se fait attendre ; et même l’apparition du soleil ne lève en rien le voile de la froidure de la nuit, si ce n’est doucement en réchauffant les corps endoloris par une longue absence. Les derniers moments de l’année sont moins durs que les premiers : les jours s’allongeant lentement rendant plus froid encore la lumière qui pourtant s’ensoleille, abreuvant sans brusquerie.

À raison de pouvoir faire des bouquets de fleurs sauvages, pourquoi ne pas en faire avec leurs noms ? En voici quelques exemples : Dans un champ de Pensées sauvages avec Patience élégante les Immortelles blanches, ces Naïades fléxibles, présentent au grand soleil le Miroir de Vénus : la Dame-d’onze-heures. La Reine des prés Berce toutes Impatientes ne-me-touchez-pas, de même que la Reine des bois. Coucou Doucette Angélique. Pour la Minette pas de Patte d’ours ni de Grand muflier mais un Compagnon blanc ou rouge ou un Narcisse jaune avec des Lilas d’Espagne et une Corbeille d’or avec des herbes aux perles.

Le Miroir de Vénus n’est pas la seule plante consacrée à Aphrodite : Il y a aussi les Sabot de Vénus, Scandix peigne de Vénus et Nombril de Vénus. Comme autres personnages mythologiques ayant donner leur nom à des plantes, j'ai cité Narcisse et Naïade fléxible, mais il y a aussi Naïade marine, Dryade à huit pétales, Narcisse à deux fleurs, Narcisse des poètes, les différentes sortes de Silènes, Daphné lauréole, et puis des noms qui font résonner les mythes comme Ambroisie élevée, Étoile de Bethléem, Sceau de Salomon...

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Photographie de gauche : Herbe bleue.

D’autres rappellent par leur nom ce que l’on en dit dans la mythologie. Par exemple la Petite centaurée serait utilisée par le centaure Chiron qui est aussi le précepteur de héros comme Achille, celui de la guerre de Troie, qui se sert de l’Achillée millefeuille pour guérir la plaie d’un roi. D’autres plantes cultivées et sauvages ont leur dieux. Le Laurier d’Apollon, en grec Daphné, est le nom d’une nymphe qui poursuite par les assiduités du dieu du soleil se change en cet arbuste pour lui échapper ; et puis Narcisse, amoureux de sa propre image et que les dieux changent en plante. Du sang d’Adonis, mêlé de nectar, Vénus fait naître l’Anémone, et de celui d’Ajax surgit le Pied d’alouette sur les pétales de laquelle on peut lire “ AI ” qui sont les deux premières lettres de son nom. De celui de Hyacinthos, Apollon fait apparaître la Jacinthe. Un tableau de Nicolas Poussin intitulé L’Empire de Flore (vers 1631) représente certains de ces épisodes, des fleurs et les personnages auxquels elles sont associées. Des noms de saintes sont aussi des noms de fleurs : Marguerite, Véronique…

La plupart des poètes ont parlé de fleurs. Chez les auteurs antiques, il s’agit surtout de plantes méditerranéennes comme le Laurier, la Vigne, le Myrte, la Violette, l’Olivier. L’Encens et les parfums ont aussi leur importance. Le Phénix, cet oiseau mythique qui naît aux sources du Nil, est réputé se nourrir uniquement d’Encens. Voici ce qu’en dit Dante dans La Divine comédie :

« Ni Blé ni herbe il ne mange en sa vie,
Mais seulement pleurs d’Encens et d’Amone,
Et la Myrrhe et le Nard lui sont ses derniers langes. »

Certaines parties de plantes peuvent se ramasser de janvier à décembre. Il faut être habitué à elles afin d'être sûr de leur identification.

La plante fraîche sans la racine de Capselle bourse-à-pasteur s’utilise toute l’année. D'autres ont des propriétés médicinales et peuvent être ramassées en janvier. Certains bois brûlés pourraient servir à désinfecter une pièce. Les feuilles jeunes et charnues de la Joubarbe se récoltent tout le temps.

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Photographie de droite : Arbres.

En plein hiver on passe à coté de plantes, qui retiennent le regard. Pourquoi, ce ne sont que des fleurs ? Et on passe comme si on était quelques mois avant ou après. Un moment on est en plein printemps, comme par cadeau enchanté. Le Lamier rouge fleurit pendant toute l’année, mais en particulier au printemps semble-t-il. L’application directe de feuilles fraîches arrêterait l’effusion du sang sur les blessures. Le Lichen d’Islande se ramasse aussi sans arrêt de même que l'Ortie. Les fleurs de Pâquerette s’utilisent toute l’année, mais en particulier à partir du mois de mars. La racine de Plantain peut être ramassée tous les mois. Le Sénéçon commun fleurit tout le temps, la Stellaire (Morgeline) aussi.

Certaines de ces plantes se mangent comme les parties aériennes de Morgeline ou les fleurs et les feuilles de Lamier rouge, les feuilles d'Achillée millefeuille ; la racine de Benoîte, la racine de Circe potager (jusqu’en mars) crue ou cuite. Les feuilles et les fleurs de Pâquerette peuvent être ajoutées crues à des salades avec d’autres plantes de même que les feuilles de Violette.

Comme je ne me m'intéresse ici qu'à des plantes sauvages de la région parisienne, je ne parle pas de celles du sud ou du littoral. Près de nos côtes ou dans la mer on trouve des plantes merveilleuses aussi.

Poème :
Chant provenant de Huexotzinco, ms. de la Bibliothèque nationale de Mexico. Garibay, Poesia Indigena, p. 165 in Lambert, Jean-Clarence, Les Poésies méxicaines : Anthologie des origines à nos jours, Paris, Seghers, 1961, p. 84.
« Nous sommes venus pour le sommeil,
nous sommes venus pour le songe.
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai que nous soyons venus
Sur la terre pour vivre.
Nous ne serons bientôt qu’herbe de reverdie :
Nos cœurs reverdiront, ouvriront leurs corolles ;
Oh notre corps est une fleur, et fleurit et se fane. »

Photographies du dessous : Lichens et mousses photographiés en janvier.

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© Article et photographies LM


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