Voilà. De retour en Gaule après cette grande virée à Dubai où se tenait le 11ème Symposium d'Acome (voir les posts précédents), suivie la semaine suivante, d'une ballade en Iran. On (Madame Billaut notamment..) m'avait vivement déconseillé d'y aller... L'Iran, depuis le 11 septembre 2001, a en effet mauvaise presse en Occident...
J'ai néanmoins décidé de passer outre, pour me rendre compte sur place ce qu'était devenu les descendants des Etres Humains qui avaient fait la 1ère grande révolution de l'Humanité. A savoir la Révolution Agricole...
J'avais écrit quelques posts en Iran, mais pas moyen de les uploader sur le site de Typepad. La bande passante iranienne m'a l'air des plus réduites. Donc, plutôt que de vous ennuyer avec moults détails touristiques que vous trouverez sans problèmes sur l'Internet, je vous livre dans ce billet un bref résumé de notre escapade persane.
Un peu d'histoire (à ma sauce)...
Selon la théorie admise actuellement par la majorité des scientifiques, Homo Sapiens (c'est nous..), serait apparu en Afrique de l'Est il y a environ 150.000 ans. Quelques milliers de spécimens au départ, qui pendant 100.000 ans environ sont restés cloîtrés sur leur continent d'origine. Nomades, vivant de cueillette et de chasse, certains ont ensuite gagné le Moyen-Orient pedibus-gambus par l'Ethiopie et l'Egypte, il y a 40 à 50.000 ans. Et à partir de ce "hub", les générations suivantes se sont répandus sur toute la Terre : l'Asie jusqu'à l'Australie par la Malaisie, les Amériques par le détroit de Behring, à l'époque presque à sec. Et naturellement l'Europe. Le tout en quelques dizaines de milliers d'années...
Mais revenons à notre Moyen-Orient. Par une conjonction extraordinaire, les Humains de la région ont inventé quelques technologies (poterie, outils en fer...) qui ont permis la révolution agricole et l'élevage. Le Croissant Fertile (de la Syrie jusqu'à l'Irak et l'Iran) s'y prêtait admirablement bien (climat, terres fertiles entre le Tigre et l'Euphrate, céréales sauvages, etc..). Du coup, nos ancêtres, de nomades qu'ils étaient, se sont sédentarisés (mais il y a encore aux environs de Shiraz en Iran plus de 1 million de nomades). Les ressources alimentaires augmentant, la population a commencé à croître fortement. Des villages se sont formés au milieu des cultures, le travail s'est spécialisé avec l'artisanat, et pour protéger les récoltes et les agriculteurs, des castes soldatesques ont pris le pouvoir. Naissance de villes-états, de royaumes. De plus, pour la gestion du système économique embryonnaire, il a fallu inventer des signes... Création de l'écriture notamment il y a 5.000 ans environ à Suse probablement, en Iran.... Et comme Homo Sapiens avec ses 100 milliards de neurones n'est pas insensible à son environnement, il s'est posé la question sur ce qu'il faisait sur cette Terre. Il lui a fallu trouver des réponses... D'où les mythes, d'où les diverses religions nées dans ce "hub", et l'apparition de castes de prêtres et autres religieux... En attendant des explications plus scientifiques qui arrivent seulement de nos jours...
Bref, ce hub a généré diverses civilisations. Avec un mélange incroyable. Les Perses par exemple (l'Iran d'aujourd'hui) ont subi 3 grandes invasions de peuplades qui avaient créé leurs propres civilisations ailleurs : d'abord les Grecs avec Alexandre, puis les Arabes vers les 700 après Jésus (on ne dit pas Jésus-Christ semble-t-il en Iran), et enfin les Mongols, qui, eux, n'y sont pas allés par 4 chemins...
Et par un beau Dimanche de Mai 2008 (an 1386 pour les Iraniens), une horde de Gaulois irréductibles débarqua à l'aéroport de Shiraz...
Quelques problèmes...
Il a d'abord fallu voiler nos femmes (9 dames sur 22), dés la passerelle de l'avion d'Iran-Air en partance à Dubai. Elles sont restées voilées jusqu'à la passerelle de l'avion d'Air France le vendredi suivant à Téhéran. On ne badine pas avec ces choses en Iran... Toutes les femmes sont au minimum voilées et cela dés leur plus jeune âge. Quand elles ne portent pas le tchador tout noir avec une houpelande, suivant leur mari à 3 pas derrière... (j'ose à peine imaginer ce que cela donnerait avec Madame Billaut)...
Autre problème : la monnaie... Flottement dans le groupe sur ce point... La carte Visa ne fonctionne pas (embargo américain). Fallait-il prendre de la monnaie locale (le rial) à Dubai ? Ne sachant que faire, j'ai changé par précaution une centaine d'euros... et je me suis retrouvé avec une brouette de billets et à la tête d'une fortune de plus de 2 millions de rials ! (1 euro égal 14.000 rials). En fait l'euro et le dollar sont monnaie courante si je puis dire là-bas. Vous pouvez tout régler avec, à part les petites dépenses... Et certains magasins de tapis et autres tissus imprimés prennent quand même la carte Visa (j'ai acheté avec ma carte Visa un magnifique tapis nomade Ghashghais pour Madame Billaut)...
De plus en arrivant à l'aéroport de Shiraz, j'ai failli me faire refouler... Figurez-vous que la photo sur mon passeport était légèrement décollée ! Personne ne l'avait vu, pas même l'émigration US pourtant réputée tatillonne.. Et bien eux l'ont vu. Ils se sont mis à plusieurs pour ausculter mon passeport... Et finalement ils m'ont laissé passer... Mais j'ai eu chaud... Je me suis vu en prison, Madame Billaut vendant les meubles pour payer ma rançon...
Shirine, Kamran et les autres...
Acome avait bien fait les choses avec une organisation des plus professionnelles à notre disposition. 2 guides sont restés avec nous toute la semaine avec en plus des guides locaux à Shiraz et Esfahan... Et un bus haut de gamme, conduit par Ismael (un descendant de l'Armée des 10.000), flanqué de son aide-chauffeur, qui nous préparait le thé, nous faisait passer quelques sucreries doucereuses... (en photo Ismael et son fils)..
Shirine était la représentante du tour operator parisien qui a assuré tout le back office (elle est d'origine iranienne par son père). Et Kamran a été notre mentor local pour la semaine. Un type brillant notre Kamran (Camille en français).
Parlant à merveille la langue de Molière(ainsi que d'autres langues), aussi à l'aise pour nous expliquer pourquoi il y a des tulipes stylisées sur le fronton de la Mosquée de l'Iman de Shiraz, tout aussi capable de vous faire un cours que les tapis nomade et les tapis de ville, etc.. Kameran nous a non seulement initié aux divers aspects des sites touristiques iraniens, il nous a aussi dressé un portrait saisissant de la vie iranienne d'aujourd'hui : l'échelle des salaires (de l'ouvrier au mollah), le prix des logements (aussi cher dans les villes voir plus qu'à Paris), l'inflation , le taux de chômage, le système éducatif, l'éducation, les 4 armées (dont l'armée des soldats perdus, etc...), le système religieux... Bref, un wikipedia iranien à lui tout seul. Sans compter qu'il avait le choc pour houspiller les aubergistes iraniens là où nous arrêtions pour manger...
Deux mots sur nos gentilles guides à Shiraz (Madame Sahar) et à Esfahan (Madame Sherazad)... Très bien naturellement, mais je pense qu'elles ont été choquées (sans le montrer) par - comment dire - le manque de rigueur du Gaulois à rester "groupir" pour écouter leurs explications... Effectivement, dés la descente du bus, d'aucuns partaient, tel mon chien, renifler un paysage à photographier, d'autres évoquaient la stratégie de FT en matière de fibre optique pendant la présentation de la mosquée des femmes à Esfahan, etc...etc... Enfin, je ne vous fais pas de dessin... A chacune j'ai présenté mes excuses, en leur disant que nous aussi nous avions du génie (le TGV, l'ENA, la fibre monode d'Acome et son RMS, etc... ), mais que notre génie était - comment dire - un peu dissipatif et pas très poli... Cela étant, de Persépolis au Palais des 40 colonnes, etc... nous avons eu une de très bonnes explications. Merci donc à elles pour leur patience et leur érudition... (le lendemain, l'une d'elle prenait en charge un groupe d'Allemand. Cela a dû la changer et probablement la reposer..)
Les Iraniens : des gens sympas...
Les Iraniens sont gentils, affables, courtois, venant souvent à votre rencontre, et ne détestant pas un brin de causette... En tout cas, pour ceux que j'ai rencontré dans la rue.. Les jeunes filles sont généralement très réservées sous leur voile, mais certaines sont des plus affables et vous jettent des oeillades de leurs yeux noirs et brillants, qui donnent froid dans le dos du Gaulois... Je me suis ainsi fait "agresser" par 2 donzelles à la sortie du Jardin Botanique d'Eram à Shiraz...
Elles m'ont demandé d'où je venais, ce que je faisais, et la permission de m'accompagner à mon bus en discutant pour parfaire leur anglais... Du coup, tout notre groupe s'y est mis... Elles ont refusé de se faire prendre en photo... Mais ont accepté par la suite... Même topo plus tard à la citadelle de Shiraz où nous nous étions arrêté pour déguster une somptueuse glace à ... l'amidon. Une classe de jeunes filles avec leur professeur a accepté de se faire prendre en photo...Il faut dire qu'ici, la liberté au sens où on l'entend en France, est un peu différente. Femmes voilées, pas d'alcool (ce qui a été difficile pour nous gaulois, qui aimons un verre de vin au repas et une vraie bière fraîche de temps à autres), pas de musique moderne, pas de discothèques, pas de paraboles satellitaires (mais il y en a), un Internet muselé, ... etc...
L'Iran a une population jeune (le quart a moins de 25 ans). Je me demande combien de temps le régime religieux va pouvoir contenir cette jeunesse, qui probablement voudrait elle aussi vivre comme les jeunes des pays développés.. Mais qui pour l'instant vit semble-t-il derrière des grilles...
Mon iphone contre un tapis persan...
Je baguenaudais benoîtement dans le bazar d'Esfahan (nous avions quartier libre) et j'ai sorti mon iPhone pour regarder l'heure. Aussitôt, un grand escrogriffe, probablement adept des "maisons de force" (nous avons participé à l'une de leurs réunions) m'a aussitôt abordé : "iPhone m'a-t-il demandé ? Et sans attendre ma réponse "Je te donne un beau tapis persan contre ton iPhone"... Et il m'a invité avec grande conviction à visiter sa boutique de vente de tapis. J'ai naturellement gardé mon matos... Tous les jeunes iraniens des villes se baladent avec leur téléphone mobile, et leur appareil photo numérique.
Et les Iraniens sont les rois du commerce. Ainsi toujours dans le bazar j'avais repéré un habit persan pour jeunes garçons : pantalon et veste... (je pensais en acheter un pour Billaut 2.0 qui va sur ses 2 ans). Le boutiquier s'approche et me fait l'article. Je lui demande pour quel âge est l'ensemble. Il me répond "Pour quel âge tu veux" ? Je lui réponds 3 ans (Billaut 2.0 est en avance sur son âge). "Et bien c'est du 3 ans"... J'ai recommencé plus loin en précisant 5 ans... "C'est du 5 ans" m'a-t-on répondu. C'était exactement le même ensemble...
L'Iranien au volant : un danger public...
Et bé... Le Gaulois est battu... Au volant l'Iranien disjoncte. Impressionnant. Vaut mieux éviter de traverser la rue, si nous n'y êtes pas obligé... Même dans les passages cloutés, votre vie est en danger. L'Iranien passe. Il faut qu'il passe et il force le passage. Et sur les autoroutes, le conducteur iranien louvoye entre la bande de droite et celle du milieu pour les autoroutes à 3 voies. Curieux..
Les motards iraniens, qui roulent sur des trucs entre la mobylette et la petite cyclindrée, sont des casse-cous inconscients (les nôtres ne sont pas mal aussi, mais les Iraniens pourraient leur donner quelques leçons). De plus, il n'est pas rare de voir une famille entière sur une mobylette gonflée... Homme, femme et un ou deux enfants. La priorité à droite ? Un truc du temps de Darius... Les feux rouges ? Cela fait bien dans le paysage... Un jeune rencontré sur la Place Royale à Espahan (la 2ème plus grande place du monde) m'a affirmé qu'il n'y avait pas plus d'accidents qu'ailleurs... "Peut-être 2 ou 3% de plus ?"...(le jeune a loupé l'équivalent du bac.. il part donc à l'armée). A part cela, notre bus a dû s'arrêter plusieurs fois pour présenter aux différents postes de police qui émaillent les grands axes routiers du pays, carnet de route et disque horodateur. Si la vitesse a été dépassée, 3 jours de retraits de permis illico. C'est le principe du radar iranien. Et l'on s'est aussi fait arrêter plusieurs fois en plein désert sur le haut plateau iranien... Ismaël a d'ailleurs pris une prune de 100.000 rials parce qu'il n'avait pas endossé sa veste officielle de chauffeur, qui ressemble à s'y méprendre à celle de nos Amiraux de la Flotte... Tout cela contraste avec l'Iran d'en bas comme dirait Raffarin qui n'est pas iranien... Le photo ci-dessous a été prise dans un village sur le haut plateau..
La cuisine iranienne : brochettes/riz le midi et riz/brochettes le soir...
J'exagère un tantinet... Par exemple le Lundi soir nous avons dîné au restaurant du grand bazar de Shiraz. Où l'on nous a servi un dizi.. C'est le pot au feu local. On vous apporte un pot contenant bouillon, viande et quelques légumes. Ainsi qu'une écuelle en fer blanc avec une cuillère et un truc qui ressemble à une soupape de gros camion Mercedes. Vous versez la moitié du bouillon dans votre écuelle pour le boire. Puis, avec la soupape vous écrasez consciensement le reste dans pot. Cela devient une bouilli que vous étalez sur une tranche de nan (le pain local)... Pas mal. Epicé. L'intestin gaulois y résiste assez bien (pas de cas déclaré de tourista dans notre groupe)...
Voilà. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur le pays des Mille et une Nuits... Peuplés, non pas d'Arabes, mais de Persans... On nous l'a répété plusieurs fois...
J'y ai passé une semaine magnifique... Et je remercie vivement mes amis d'Acome, de Gallic Aviation, et nos guides pour ce voyage...
Les ancêtres de ces gens ont fait la 1ère grande révolution de l'Humanité. La 2ème, la Révolution Industrielle, c'est faite en Europe. La 3ème est en cours... (voir mon 2ème blog).. Où se fera-t-elle ?