Hollande accélère sa réforme économique. Et la nôtre ?

Publié le 14 janvier 2014 par Juan
La cravate est droite, bleue roi comme le costume. François Hollande débute son intervention comme convenue vers 16h30, dans le salon Murat du Palais de l'Elysée. Les journalistes sont nombreux, près de 600, pour cette troisième conférence de presse. Il nous était difficile d'oublier le contexte exécrable, les voeux du 31 décembre, le divorce bientôt consommé.
Et pourtant, après la "surprise du 31 décembre", voici le coup d'accélérateur du 14 janvier.
Un plan massif d'économies. 
Hollande le reconnaît, et le minore en même temps. Sur trois exercices, quelque "4% des dépenses collectives". On est très loin de l'austérité grecque (plus de 100 milliards d'euros en 8 plans sur 3 ans) ou espagnole (150 milliards d'euros en 4 ans). Mais tout de même... "Nous devrons dégager 50 milliards d'euros entre 2015 et 2017". Nous ? Mais qui ?
Hollande minore la fraude sociale - 600 millions d'euros, à moitié répartie entre usagers et entreprises. Il cible plutôt les gâchis, les "redondances", les exemples sont connus, rabâchés depuis des lustres. Il dit qu'il faut "revoir nos mécanismes de redistribution".
"Le pacte de responsabilité, c'est une chance. Chacun doit la saisir. (...) Toutes les organisations professionnelles, toutes les familles politiques, tous les territoires sont concernés."

Une nouvelle méthode
Pour y parvenir, il créé un Conseil Stratégique de la Dépense, mensuel, pour "évaluer les politiques publiques"; le calendrier de la procédure budgétaire commence dès aujourd'hui. Ce machin, qui importe finalement peu pour les braves gens, sera censé "piloter" la définition du plan d'économies. Second "machin", la création d'un Observatoire des Contreparties pour surveiller le bon respect des contreparties accordés.
"Elles porteront sur des objectifs chiffrés d'embauche, de travail des jeunes ou des seniors, la formation, les salaires et la modernisation du dialogue social. Un observatoire sera mis en place et le Parlement y sera associé. Un document formalisera les engagements et les modalités de suivi des contreparties. Le gouvernement engagera sa responsabilité devant l'Assemblée sur ce texte, une loi sera votée à l'automne."
 Plus intéressant, Hollande promet une simplification des strates territoriales, avec, ce qui est inédit, des "incitations puissantes", via des dotations de l'Etat, pour stimuler la réduction du nombre de collectivités territoriales. Hollande veut réduire le nombre de régions, revoir celui des départements.
Un pacte de responsabilité devant l'Assemblée.
Certains le réclamaient, notamment pour tester la solidité de la majorité actuelle. Le gouvernement engagera sa responsabilité à l'Assemblée nationale sur le Pacte de Responsabilité. Ce dernier ne visera pas à transférer de nouvelles charges des entreprises vers les ménages. A-t-il retenu la leçon de la TVA sociale ?
La fin des cotisations familiales
D'ici 2017, quelque 30 milliards d'euros de cotisations sociales seront supprimées. Un journaliste étranger comprend que les prestations familiales en seront d'autant réduites. C'est faux, répond Hollande. Il précise aussi qu'elle ne seront pas transférées sur les ménages.
"Je fixe un nouvel objectif : que d'ici 2017, pour les entreprises et les travailleurs indépendants, ce soit la fin des cotisations familiales, ce qui représente 30 milliards d'euros de charges. (...) C'est la condition pour que les entreprises retrouvent de la marge – non pas pour leur faire plaisir, pour leur faire quelque cadeau."
La baisse des prestations sociales et des services publics ?
Plus globalement, Hollande réitère: "il n'y a aucun risque pour les droits sociaux." A un autre journaliste, il complète: "Ce n'est pas à un moment où il y a un taux de chômage élevé qu'il faut réduire les droits des chômeurs."
Pour les enseignants, il promet des "mesures d'une ampleur inédite" pour rendre "plus attractifs les postes d'enseignants" en éducation prioritaire.
Une recomposition politique ?
Hollande l'accélère-t-elle ? A droite, on est pris de court. Les premiers commentaires des sous-ténors de l'UMP présents à proximité des micros de radio-télévision sont là pour en témoigner. On bafouille que c'est encore "flou" (Valérie Rosso-Debord), qu'il s'agit d'un "choc de confusion" (Franck Riester), "la mystification se précise" (Copé).
Borloo prévient au contraire que l'UDI soutiendra le pacte de responsabilité s'il est "concret". A gauche, le Front de Gauche hurle sur le choc de 50 milliards et le "cadeau" de 30 milliards. Sur Twitter, Jean-Luc Mélenchon s'énerve: "Tromperie assumée : #Hollande et #Gattaz, c'est du sérieux. Que les élus #PS et #Verts rompent les rangs !" Qui est surpris ?
Un horizon, 2017
Fini les promesses d'agenda, n'attendez rien avant l'échéance... présidentielle. Hollande laisse ses ouailles avec leurs propres échéances intermédiaires.
Transition énergétique
Elle sera "franco-allemande" ou ne sera pas. C'est une autre surprise. Corinne Lepage applaudit sur Twitter: "#ConfPR le rapprochement franco-allemand dans le domaine de la transition énergétique, s'il est réel, pourrait être une vraie révolution."
Chômage
"C'est pas gagné", pourrions-nous dire. Hollande l'avoue. Il s'est trompé en fixant un cap à la fin de l'année ... 2013, même si "depuis six mois le chômage des jeunes a reculé".
Satisfecit à Valls dans l'affaire Dieudonné
La liberté d'expression est totale... sauf quand elle bafoue celle des autres. Ces circonstances exceptionnelles - menaces dignité des personnes en cause, troubles à l'ordre public
L'affaire Gayet
Certains journalistes sont si prévisibles. Alain Barluet, journaliste du Figaro spécialiste des questions internationales mais président de l'Association de la presse présidentielle, ouvre le bal des questions. Il débute son propos par une allusion aux otages français... avant de dériver sur la question du jour de la presse people : Valérie Trierweiler est-elle toujours la Première Dame ? Hollande précise d'une réponse courte : il clarifiera sa situation d'ici le 11 février, date d'un déplacement aux Etats-Unis.
"Les affaires privées se traitent en privé, dans une intimité respectueuse de chacun. Ce n'est donc ni le lieu ni le moment de le faire."

La conférence se termine, la salle se vide. Les journalistes filent écrire leurs compte-rendus. Seuls Jean-Marc Ayrault puis Najat Vallaud-Belkacem sont autorisés à commenter du perron de l'Elysée. Copé aboie déjà depuis son pupitre au siège de l'UMP.
Bref, Hollande accélère sa réforme économique... au risque de provoquer une recomposition politique.