Publié le 14 janvier 2014 | par pixfan
A l’occasion de la nomination de Bernard Pivot à la présidence de l’Académie Goncourt, le photographe David Ken raconte les coulisses du portrait de l’homme de lettres, un extrait du livre « Trait pour traits » en préparation avec Nicolas Gouzy.
Qui ? : Bernard Pivot
Où ? : Station désaffectée du Métro, porte Maillot
Quand ? : 1994
Pourquoi ? : Une Histoire de la Télé
Comment ? : Un pull noir et « De l’audace, encore de l’audace »
Monsieur Bernard Pivot arrive, accompagné de son attachée de presse crépitante de certitudes crispées. L’homme est difficile, pressé, un brin rétif, un brin rugueux, dit-on. Comme toujours il « faut aller vite », alors je fais dans le soudain, l’impromptu, l’essentiel. Un portrait c’est comme un tour de clef ; on ouvre ou on ferme le cœur des gens. Une explication de texte pour un maître des dictées, ma grammaire instantanée. – tomber la veste : passer un pull noir à col roulé un peu distendu pour ne garder qu’un visage et des mains, – ôter les lunettes : l’attribut de la tribu des gens du livre qui masque le regard, – décoiffer : écheveler Bernard Pivot, un mouvement d’instinct, amical, sensuel aussi, qui l’apprivoise, mais ébouriffe sa gouvernante, – gentiment finir de le déconcerter : en lui proposant d’adopter un air bougon chiffonné, celui d’un lever trop tôt un matin trop clair. Pivot s’amuse…il tourne un peu Bernard en dérision. Il jubile de voir la gardienne de sa sacro-sainte image officielle en panique. Pivot se prend au jeu, il aime bien finalement quand Bernard le taquine. Pivot ose les cheveux en bataille, les sourcils broussailleux, un œil rigolard un rien mutin. De sa main gauche, il retient un sourire qu’une patte d’oie trahit. C’est là, c’est lui. Puis Bernard Pivot se recoiffe, remet sa veste, rechausse ses lunettes et nous quitte. Pivot s’en va, Bernard reste. Il est ici.
Merci Monsieur Pivot
Extrait du livre « Trait pour traits » en préparation avec Nicolas Gouzy
Lien : http://www.davidken.com/