Les Gens d'Edward Bond mis en scène d'Alain Françon, avec Pierre-Félix Gravière, Aurélien Recoing, Alain Rimoux et Dominique Valadié.
D'abord le décor, magnifique, une plaine déserte comme recouverte d'une armure. Un sentier traversants la scène à l'horizontale. Coupant une descente, qui s'avance vers la scène. Des plaques d'un gris métallique forment ce décor. C'est une armure, une carapace, froide et dure, qu'on ne peut pas traverser. Il y a un trou en avant-scène. Dans le trou un homme. Je pense au Dormeur du Val car l'homme est habillé de façon militaire. Les couleurs de ses habits, verts, brun, kaki, gris ne détonnent pas parmi le décor.
J'aime cette image. Cette froideur.
Une femme arrive, elle marche péniblement chargée d'un énorme sac. "Réveillé?" crie t-elle. L'homme ne répond pas. Il est mort. La femme s'approche, lui chourave une botte, son manteau part, reviens prendre l'autre botte. Elle disparaît. A peine est-elle disparue, qu'un homme arrive, déblatérant un flot continu de paroles. Il titube. Le mort se réveille. Tout est en place. Un dernier personnage fera son apparition vers le milieu de la pièce.
J'aime l'écriture de Bond. Ses phrases sans syntaxe correcte. Ses accroches directes. Ses mots qui disent tellement plus par leur simplicité que un long discours.
Mais ça m'a semblé long. Très long. Trop long. L'heure et demi en semble deux ou trois. Je me suis demandée en voyant la pièce, pourquoi ça me semblait si long. Ce qui est généralement mauvais signe quand je commence à analyser en direct ce que je vois et à ne pas le "vivre". Les comédiens sont excellents. Avec Dominique Valadié que j'ai trouvé juste géniale. Elle est concrète dans chacune de ses paroles, chacun de ses actes, dans tous ces objectifs. Par contre j'ai juste un gros bémol à mettre sur le jeu de Pierre-Félix Gravière, que je n'ai pas aimé, car il m'a semblé trop anecdotique. Depuis que je prend des cours de théâtre, j'arrive à mettre des mots et des raisons sur ce que je ressens. Pas toujours, mais là ça me semblait évident. Cette pièce parle de mort, de guerre, de cadavre et de survit. Pas du quotidien. Et quand bien même cela traiterai du quotidien, il faut que ce soit traiter par l'exceptionnel pour que ce soit présent sur les planches d'un théâtre. A mon avis, le jeu de ce comédien ne correspondait pas au caractère de survit qui incombait à son personnage.
Et puis ce qui m'a gêné aussi. Ce qui a fait que ce soit si long. C'est qu'on a l'impression que ça tourne en rond, ça n'avance pas. Après il y a débat. Chaque personnage est coincé dans son histoire, sa folie propre. Ça tourne en rond, ok. Mais il devrait quand même il y avoir une accumulation des expériences. Même si le personnage ressasse les mêmes fantômes. Je ne suis pas sûre que si on s'endort à 20 min du spectacle et qu'on se réveille à 45 min, on remarque un changement, une avancée. Et du coup je me suis retrouvée, en tant que spectatrice en attente, en attente d'une autre arrivée de personnage, d'un autre passé raconté, qu'il tire enfin sa putain de balle pour le tuer. Bref d'un évènement.
A la sortie du théâtre, beaucoup des élèves de mon école qui y assistaient, étaient déçus. Hormis une exceptions, plusieurs n'avaient pas aimé. Après nous avons assister à la générale (et gratuitement grâce à l'école, ce qui est une initiative vraiment chouette) alors peut-être qu'au fur et à mesure des représentations on gagnera ce petit truc qui manque pour que ce soit génial. Parce qu'avec du recul, j'avais vraiment envie de l'aimer cette pièce. D'admirer ses acteurs complètement, parce qu'ils sont vraiment très bons et que j'aurai voulu qu'ils me transportent. J'ai adoré l'ambiance, le décor et ses lumières froides teintés d'ombres. M'émouvoir du texte magnifique de Bond. Mais au final ce n'est que dans de trop rares moments. Et en sortant, il ne nous reste que la lourdeur épaisse de la dépression, du fait qu'on est bien peu de chose et qu'on n'en sortira jamais. Et c'est con. Parce que ça s'enlise. Alors que ça pourrait être vraiment hypnotisant.
Les Gens d'Edward Bond mis en scène par Alain Françon au Théâtre Gérard Philipe, du 13 janvier au 7 février 2014. Toutes les infos là.
Mais aussi au Théâtre National Populaire de Villeurbanne, du 26 février au 6 mars. Infos là!
Vous avez remarqué, je suis à fond en ce moment pour la cadence de notes! Rassurez-vous ça ne devrait pas durer.