Qu'est-ce que la pauvreté ?
Disons-le d'emblée, il est très difficile de mesurer la pauvreté car il s'agit d'un phénomène multidimensionnel qui n'est pas uniquement lié à l'argent. En effet, l’insuffisance de ressources matérielles, l'incapacité de vivre décemment, l'exclusion, sont des facettes de la pauvreté.
C'est pourquoi, en 1984, l'Europe lorsqu'elle fonctionnait encore avait retenu comme définition qu'un pauvre est une personne dont "les ressources matérielles, culturelles et sociales sont si faibles qu’elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l’État dans lequel elles vivent". C'est ce que l'on appelle aussi la pauvreté en conditions de vie. Une autre définition possible est de mesurer par exemple le nombre de bénéficiaires des minima sociaux (en 2011, près de 3,7 millions de personnes en France étaient allocataires de l’un des 10 minima sociaux).
En France, l'ONPES (Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale) a précisément été créé en 1998 pour "promouvoir la connaissance des phénomènes de pauvreté et d’exclusion". Il fait ainsi réaliser des travaux d’études, de recherche et d’évaluation sur des thèmes variés liés à cette problématique : exclusion, pauvreté subjective, conditions de vie, etc.
On voit par conséquent que la mesure de la pauvreté est tributaire de la définition retenue.
La pauvreté monétaire
La difficulté de mesurer toutes les dimensions de la pauvreté et un certain biais pour les questions d'argent ont dès lors conduit les États à retenir essentiellement l'approche monétaire. Ainsi, en France, nous utilisons une approche dite relative, c’est-à-dire liant la définition de la pauvreté au niveau de vie propre à la société considérée. Par conséquent, dans notre pays, une personne est considérée comme pauvre au sens monétaire, si son niveau de vie est inférieur à 60 % du revenu médian de la population. Le seuil de pauvreté pour une personne seule est ainsi actuellement fixé à 977 euros par mois.
Notons que d'autres pays, comme les États-Unis et le Canada, privilégient une approche absolue de la pauvreté monétaire fondée sur des normes de consommation minimales. Selon cette approche, le seuil de pauvreté est alors fixé en fonction de la valeur d'un panier de biens alimentaires et non alimentaires nécessaires à la survie quotidienne. On en déduit que, suivant cette définition, en 2009, un Américain vivant seul avec un revenu inférieur à 10 850 $ est considéré comme pauvre.
Combien y a-t-il de pauvres en France ?
Selon Patrick Balkany aucun, comme en témoigne cette vidéo réalisée par les Yes men :
Plus sérieusement, selon l'INSEE, en 2011, la France compte 8,7 millions de personnes pauvres (soit 14,3 % de la population !), si l’on fixe le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian. Mais le tableau ci-dessous montre combien les chiffres peuvent varier selon le seuil retenu.
Évolution du nombre de personnes pauvres
[ Source : INSEE ]
Quoi qu'il en soit, après avoir baissé des années 1970 au milieu des années 1990, la pauvreté est restée plutôt stable jusqu’au milieu des années 2000, avant de repartir à la hausse depuis et de connaître une nette accélération depuis la crise de 2008. Les chiffres sont désormais affolants, que l'on s'intéresse aux personnes ou aux ménages (voir ci-dessous) !
Évolution du nombre de ménages pauvres
[ Source : INSEE ]
La situation en Europe
Un graphique vaut plus que de longs discours :
[ Source : RTL ]
La lutte contre la pauvreté en France
La pauvreté n'est pas uniformément répartie sur le territoire, comme le montre cette carte de la DATAR :
Pauvreté par département
[ Source : DATAR ]
Le gouvernement cherche dès lors à faire face à cette inégalité territoriale au travers de la politique de la ville. Celle-ci vient d'ailleurs d'être modifiée afin de concentrer ces aides là où se situent les plus pauvres. Il s'agira en pratique de créer de nouvelles zones prioritaires sur la base de la pauvreté monétaire des ménages, car aujourd'hui c'est plus de 2 492 contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et 751 zones urbaines sensibles (ZUS) qui coexistent sur tout le territoire !
Quant aux minima sociaux, s'ils permettent d'empêcher que l'édifice ne s'effondre, ils deviennent de plus en plus inopérants pour résorber la pauvreté face à une crise économique et sociale longue. Ainsi, selon cette étude du CEE, le revenu de solidarité active (RSA), entré en vigueur le 1er juin 2009 en remplacement du RMI et de l’API, a échoué à réduire significativement la pauvreté.
Mais le plus terrible est que, contrairement à ce que certains pensent, les pauvres ne sont pas tous sans emploi, bien au contraire ! Il existe ainsi ce que l'on appelle les travailleurs pauvres, c'est-à-dire des personnes qui ont un emploi, font l'effort de travailler souvent dur, et qui n'arrive pas à gagner correctement leur vie.
Qu'une prétendue démocratie, qui place le travail comme valeur suprême, puisse accepter qu'une personne travaille et soit pauvre, n'est-ce pas tout à la fois une honte et un échec patent de la politique (économique) ? C'est aussi un avertissement pour les politiques qui rêvent de copier le modèle allemand des minijobs, ces emplois payés 400 euros par mois et qui font basculer les personnes de la trappe à inactivité vers la trappe à misère !