Photoreporter sans journal et sans public. Telle était Vivian Maier, cette "femme mystère" dont la vie anonyme, et la découverte fortuite de son œuvre, constituent l'une des histoires les plus extraordinaires de ces dernières décennies à laquelle le Jeu de Paume consacre une exposition au château de Tours, "Vivian Maier (1926-2009), une photographe révélée", jusqu'au 1er juin.
Plus de 120 épreuves argentiques noir et blanc - et quelques couleurs - sont présentées pour la première fois, ou presque, en France, extraites des 120 000 diapositives et négatifs originaux retrouvés par hasard dans les box d'un garde-meubles de Chicago (Etats-Unis) lors d'une liquidation judiciaire en 2007. Acquise notamment par John Maloof, un collectionneur à la recherche de vieilles photos de Chicago, ces clichés jalonnent toute la vie de Vivian Maier qui ne les avait jamais fait développer ni montrés à personne. Ils font d'elle désormais, à titre posthume malheureusement, l'une des grandes street artist contemporaines, de la veine des Diane Arbus et Helen Levitt.
Tout l'intérêt de l'exposition du Jeu de Paume, qui a investi les amples salles du château de Tours pour l'occasion, est de mettre cette œuvre en perspective, permettant à chacun de découvrir pas à pas cette artiste inconnue qui, jour après jour, pendant près de 40 ans, a saisi des instantanés de vie dans les rues de Chicago, des années 1950 aux années 1990. Gouvernante, Vivian Maier profitait de ses promenades avec les enfants dont elle avait la charge, et de son temps libre, pour arpenter inlassablement les rues, immortalisant scènes et visages, son Rolleiflex puis son Leica autour du cou. Peu diserte, secrète, vivant dans une chambre de bonne, elle consacrait ainsi l'intégralité de son maigre salaire pour acheter les pellicules et louer des box dans lesquels elle entreposait ses négatifs jusqu'à leur liquidation, en 2007, pour impayés de loyers. Dépouillée ainsi de l'œuvre de sa vie, Vivian Maier est morte dans la misère en 2009. Son œuvre serait restée méconnue si le hasard n'avait pas voulu que l'œil exercé d'un collectionneur ne la repère enfin.
Il reste tout à découvrir, et à écrire, de l'œuvre de Vivian Maier, notamment de sa dimension politique. Car ce sont essentiellement aux opprimés, aux parias et aux marginaux qu'elle rendait hommage, le regard éternellement baissé vers son viseur.
A lire par ailleurs « Le mystère Maier », sur telerama.fr par Yasmine Youssi
Images : Autoportrait (Vivian Maier/Maloof Collection, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York) / 1954, Vivian Maier © Vivian Maier / Maloof Collection, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York / Chicago, IL Janvier 1956, Vivian Maier © Vivian Maier/Maloof Collection, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York.
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