Jeudi matin, le ministre du Travail, Michel Sapin, ne jugeait pas « légitime » que les prestations familiales soient financées majoritairement par les entreprises, confirmant ainsi implicitement la perspective d’un transfert de ce financement sur l’État.
Comment réagissez-vous aux propos
de Michel Sapin?
Éric Aubin. Les organisations syndicales
ont leur mot à dire sur la politique familiale. Si on a un transfert des cotisations famille vers l’impôt,
c’est l’État qui va avoir la main,
on met hors jeu les syndicats.
Et, à terme, ça remettrait en cause
notre politique familiale parce qu’on sait
ce qu’est le budget de l’État.
Transférer aujourd’hui le financement
de la famille sur l’impôt, c’est demain une remise en cause des droits :
le budget de l’État est déficitaire,
et on sait pertinemment que l’étatisation va conduire à une baisse du montant des ressources pour la politique familiale.
À en croire Michel Sapin pourtant,
il n’y aurait pas de risque, l’État
compenserait bien les pertes
de recettes pour la branche famille
de la Sécurité sociale…
Éric Aubin. Oui, mais le budget de l’État,
ce sont nos impôts ! Le transfert
de cotisations vers l’État, cela veut dire
au final un transfert vers les ménages,
ceux qui paient les impôts, ou par le biais de la CSG (dont le rendement est assuré à plus de 80 % par les ménages – NDLR). Cela signifie donc forcément une baisse
de pouvoir d’achat pour l’ensemble
des ménages. De toute façon, il n’y a pas trente-six solutions : si on a moins
de rentrées à travers les cotisations,
soit on baisse les prestations, soit on demande aux ménages de payer à la place des entreprises. C’est donc forcément pénalisant pour le pouvoir d’achat
des salariés. Nous avons aussi un désaccord de fond avec l’idée que le travail serait un coût trop important, cause de tous les maux du pays. Pour la CGT, le principal problème est le coût du capital, et cela,
ce n’est pas traité.
Êtes-vous pour le statu quo en matière
de financement de la Sécu ?
Éric Aubin. Non. Nous demandons
une remise à plat des règles qui régissent les cotisations sociales. Aujourd’hui,
elles sont uniquement assises sur la masse salariale. Nous portons notamment la proposition d’une modulation
de la cotisation en fonction de la part
de la masse salariale dans la valeur ajoutée (selon le projet de la CGT, la cotisation serait plus élevée si la part des salaires
est faible, et vice versa – NDLR).
Dans le débat actuel, nous disons donc : changeons la règle aujourd’hui en vigueur, pour traiter les entreprises différemment selon qu’elles sont des groupes
du CAC 40, qui dégagent des profits considérables, ou des artisans qui paient aujourd’hui la même chose
en termes de cotisations sociales
que les grandes entreprises. Nous le disons au gouvernement : si vous voulez travailler sur les cotisations sociales, allons-y, la CGT a des propositions. Nous les avons d’ailleurs portées dans le haut conseil
du financement de la protection sociale.
Le problème, c’est que, sous l’égide
du gouvernement, le haut conseil
les a renvoyées d’un revers de main.