Twin Peaks est surpris par un drame: Laura Palmer, jeune lycéenne, est retrouvée assassinée. Son meurtre sera le début d'une longue odyssée dans une ville pas si tranquille que ça...
La critique télévisuelle de Borat
Durant longtemps, certains cinéastes se sont formés à la télévision tout comme les scénaristes, mais des cinéastes s'intéressant à la télévision étaient rare avant que l'ami Spielberg ne produise Histoires fantastiques. On y retrouvé une pleiades de réalisateurs connus des radars comme Robert Zemeckis, Kevin Reynolds ou Clint Eastwood. Fin des années 80, David Lynch fera de même avec Twin Peaks en association avec Mark Frost. A cette époque, Lynch est quelque peu mal en point et ce malgré le succès de Blue Velvet. Déjà conscient que l'industrie dites hollywoodienne risque de lui tourner le dos très rapidement, il se lance dans ce projet télévisuel qui dura deux saisons et un film. A l'époque, le câble n'étant qu'à ses balbutiements (HBO ne cassera la baraque qu'à la fin des années 90 avec Sex and the city et Les Soprano), les networks osaient encore et engager le réalisateur d'Elephant man et Blue Velvet relève du coup marketing en or. Si la première sera très courte (le pilote et les sept épisodes de la saison), la seconde de vingt-deux épisodes sera non seulement jugée trop longue et sera mal accueilli par la presse et même les acteurs. Twin Peaks renaîtra une nouvelle fois avec la prequelle Fire walk with me, mais une nouvelle fois l'accueil sera mitigé.
Pendant longtemps non-diffusée sur les chaînes françaises (elle fut diffusé sur La cinq, morte et enterrée depuis bien longtemps), la série est finalement sortie en DVD en grande pompe grâce à TF1 Vidéo, après de longs problèmes de droits et est rediffusée parfois (Arte notamment malgré une horraire tardive au possible). Twin Peaks appartient à ces séries indispensables à tout fans de séries ou de cinéma, tant il parvient à être une oeuvre unique en son genre. Tout du long des deux saisons, Lynch et Frost ne cesseront de dézinguer les soap opera, ces séries feuilletonantes artificielles qui ne racontent pas grand chose mais qui dure longtemps. Car au final, le meurtre de Laura Palmer n'est qu'un vulgaire fil conducteur qui mène dans plusieurs directions. Malgré que l'enquête se perpétue du tout début de la saison 1 jusqu'aux premiers épisodes de la saison 2, la série va donc bien plus loin et multiplie les sous-intrigues variées et notamment pour ce qui est du romantisme. C'est sur ce point que les deux cocos sont les plus insisifs, car joue beaucoup sur les différentes relations sentimentales, chères aux soap opera. Ainsi, Laura Palmer avait de drôles de moeurs (et d'ailleurs on le savait bien avant la préquelle dont on reparlera plus bas), le garagiste se tape l'une des serveuses alors qu'il est marié à une femme borgne, le shérif est en relation avec la propriétaire de l'usine du coin, l'un des ex de Palmer est avec une autre serveuse marié à un fou furieux, la copine et un autre ex de Palmer tombent subitement amoureux...
Le montage abuse merveilleusement de la musique d'Angelo Badalamenti (compositeur notable des films de Lynch) et Julee Cruise avec la bonne vieille balade au bon moment pour soutenir la romance. Sauf que l'aspect cul-cul est tellement bien amené que cela finit par en être jouissif. Surtout que les romances sont souvent déjantées voire morbides. Je pense à la relation plus ou moins maso de la serveuse mariée à la brute qui finit par le garder chez lui même handicapé moteur. Pareil pour la femme borgne qui finit par avoir un problème cérébral et se revient à l'âge adolescent en draguant un jeunot de manière rock'n rollesque (en gros, lui foutre une branlée à la lutte greco-romaine, avant d'aimer fougueusement la tigresse). Par soap, il y a également la multiplication des coups de théâtre et notamment le final de la saison 1 qui donne absolument envie de prendre la galette du premier coffret de la saison 2! La série est également bourrée de personnages plus ou moins barjos, preuve en est avec le père de Laura Palmer qui perd complètement les pédales (au point d'en avoir les cheveux blancs), le mari qui tabasse régulièrement sa femme, la vieille mégère qui a couché avec à peu près tout le monde et mon préféré, le gérant de l'hôtel mais également d'un beau bar à putes au Canada!
Accessoirement, il manquera de forniquer avec sa fille qui s'était fait engagée afin de trouver des liens dans les affaires troubles du paternel! Le genre de type avec le cigare dans la bouche systématiquement (ça tombe bien c'est le cas!) et sans scrupule. D'autant que comme à son habitude, Lynch en fait un personnage extravagant comme sortant d'un mauvais cartoon avec toujours un petit sourire carnassier aux lèvres. Pour ce qui est des policiers, on en a aussi pour son argent. Si le shérif est tout ce qu'il y a de plus normal, le reste est pour le moins éclectique. Kyle MacLachlan incarne l'agent du FBI Cooper un personnage atypique qui parle systématiquement à son magnétophone en l'appelant Diane (ce qui donne lieu à des regards bizarres de la part des gens autour). Il est aussi spécial à cause de ses visions qui lui permettent d'élucider des crimes! Et le pire c'est que ça marche! Par ailleurs, on le saura que dans la deuxième saison, c'est aussi un être meurtri par la mort de sa bien-aimée et qui y perdra beaucoup en restant à Twin Peaks et cela va au-delà du commun des mortels. Il y a aussi tout un quiproquo amoureux entre le gentil flic, la réceptioniste et le possible père du bébé qu'elle a dans le ventre, ce qui donnera des situations merveilleuses, d'autant que le pauvre flic deviendra de plus en plus gaga d'une saison à une autre.
Et puis il y a le rôle que s'octroie David Lynch, un autre agent du FBI particulièrement sourd et donc gueule beaucoup. Ce qui donne des situations absolument comiques et notamment face au shérif qui n'est pas très enchanté. Le plus drôle c'est qu'il entend de près qu'avec une des serveuses! Un vrai romantique ce David. Mais ce qui marque considérablement le show, c'est le ton absolument lynchien du programme et même quand il n'est pas à la barre (ce qui ressent beaucoup dans la seconde saison, la première étant tout simplement parfaite), la série reste toujours ovniesque dans le paysage télévisuel. C'est du pur David Lynch entre réalisme et folie furieuse (c'est le cas de certaines scènes sanglantes) voire d'une hystérie totale (c'est le cas des apparitions du tueur fantasmagorique). On retient également un grand nombre de séquences complètement what's the fuck à l'image de ces scènes avec le nain et le fantôme de Laura dans une chambre rouge et noire. Le son est complètement modifié afin que l'on ne comprenne pas du tout. Une fois élucidé, la série part parfois dans tous les sens, ce qui pourra laisser un sceptique le spectateur et notamment ceux qui ne connaissent pas assez Lynch. Car encore une fois, télé ou pas, Twin Peaks c'est du Lynch pur jus et quel bonheur!
C'est dire si cette série reste un des plus grands monuments télévisuels que ce soi de son époque ou encore maintenant (la preuve, je ne l'ai découvert que depuis quelques semaines et ce malgré que j'avais déjà vu le pilote). De plus, les acteurs sont excellents, la palme à MacLachlan qui est d'un charme absolu. Le film Fire walk with me doit en revanche se voir après avoir vu la série ou alors pas du tout, car il a beau ressembler à du pur Lynch avec son lot de trip visuel (on pense au changement de tête du violeur), mais cette préquelle est franchement inutile au possible. Elle ne présente rien de plus que ce que l'on sait déjà et surtout elle dénature complètement les personnages. Qui plus est plusieurs des acteurs n'ont pas souhaité revenir suite à des désaccords vis à vis de la saison 2. Kyle MacLachlan a failli d'ailleurs ne pas revenir et a demandé à avoir un petit temps de présence dans le film. Au final, on ne le voit qu'au début avec une des premières affaires et on n'en sait pas plus. On peut voir ce film comme une sorte de bonus pour ceux qui n'auraient pas tout vu ou compris, parce que sinon il est terriblement décevant de la part de Lynch. Je quitte donc Twin Peaks, ses ruelles, ses habitants avec une certaine mélancolie sur le titre absolument magnifique Falling qui orne le générique.
Note de la saison 1: 20/20
Note de la saison 2: 18/20
Note du film: 7/20
Note naveteuse du film: 8/20