Comment devient-on bourreau ? Aux tréfonds de l’âme humaine, Patrick Clervoy explore les mécanismes de l’ « épidémie du mal », cet « effet Lucifer qui amène l’homme au pire de ce qu’il peut être lorsque des forces sont lâchées contre son semblable ». Si la violence a toujours été une constante dans l’histoire de l’humanité, c’est bien par « pulsion » et non par « instinct » que l’individu bascule et devient tortionnaire. À l’inverse de l’animal, qui tue par nécessité mais jamais par plaisir. « Un décrochage du sens moral » au cours duquel le jugement s’efface, déshumanisant la victime et annihilant toute capacité de voir la souffrance infligée. Bizutage, tauromachie, génocide arménien et massacre de la Saint-Barthélémy, le psychiatre passe en revue de multiples exemples pour comprendre les raisons de ce dérapage. De la soumission à l’autorité à l’euphorie engendrée par l’effet de meute, la « tache aveugle » s’explique par des facteurs multiples, donnant raison à Freud qui qualifiait tout homme de « pervers polymorphe » porteur « d’un noyau archaïque de pulsions destructrices ». Rien que ça. Si en chacun de nous se cache un bourreau en puissance, l’étude saisissante de Patrick Clervoy ne s’intéresse qu’à la violence de masse uniquement. Pas aux cas individuels. « Cette immersion dans la cruauté ne risquait-elle pas de réveiller chez le lecteur une forme de satisfaction perverse ou de fascination révulsée ? » Tant mieux si la question demeure sans réponse, quitte à noircir l’énigme.