Sam Richez et Jean-Laurent Cochet ont choisi la version d'Anouilh. L'avantage (ou l'inconvénient) est qu'avec une trame aussi connue le public sait d'avance comment tout va finir. Il n'y a donc aucun intérêt à entretenir le suspense.
Orphée est un jeune violoniste et joue de la musique avec son père aux terrasses des cafés. Eurydice est une jeune comédienne en tournée avec sa mère et toute une famille recomposée. Ils se rencontrent dans un café de gare, lieu de toutes les destinations, et surtout de toutes les destinées. Amoureux fous, Orphée et Eurydice décident tout de suite de tout quitter pour vivre leur amour... C'est sans compter avec la jalousie d'Orphée qui ne supporte pas d'apprendre que sa belle est la maitresse du chef de la troupe. Les amants se fâchent. Eurydice s'enfuit et meurt, non pas d'une morsure de vipère mais dans un banal accident de la circulation. Un commis-voyageur inquiétant, M. Henri, peut-être le Destin, compatissant, transige avec la mort : Eurydice est ramenée à la vie, mais Orphée ne doit pas la regarder jusqu'au matin. Bien entendu le jeune homme ne résistera pas et la regardera. Elle meurt à nouveau. M. Henri proposera à Orphée le seul remède qui lui permettra de rejoindre sa belle, la mort. Dans une chambre d'hôtel sans charme, les deux amants seront réunis à jamais.Sam Richez est co-metteur en scène (avec Jean-Laurent Cochet) et assure le rôle d’Orphée. Il a déjà été son assistant auparavant. Les deux hommes se connaissent bien, ainsi que l'ensemble des comédiens qui sont tous passés par le cours Cochet. On sent d'ailleurs parfaitement régner un esprit de troupe.
Pour Jean Laurent Cochet, Anouilh a traité le mythe d’Orphée en le déroulant sur deux plans entremêlés : le quotidien le plus banal et la survie la plus insolite. Selon lui la représentation exige la stylisation et le dépouillement pour respecter la volonté de l'auteur d'en faire une pièce "noire" et on ne peut pas lui donner tort. Anouilh a écrit le texte en pleine guerre, en 1941, trois ans avant Antigone.
Jean-Laurent Cochet interprète le rôle du père avec une grande finesse. Rien de surprenant quand on connait son talent mais c'est un plaisir immense de le voir sur scène.
Norah Lehembre campe une Eurydice moderne et tourmentée comme il se doit.
C'est une tragédie mais avec des moments surprenants d'effets comiques digne d'un théâtre de l'absurde. Ainsi la mère d'Eurydice affirme qu'une mère est une confidente surtout quand elle a votre âge.
Des envolées lyriques annoncent le drame : On s'aime. On est jeune. On va vivre !
Ou plus tard : Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. La vie est là, il faut la vivre.
Les musiques, bien choisies, tantôt hollywoodiennes, tantôt romantiques ponctuent chaque acte avec justesse. Il n'empêche qu'il y a un je ne sais quoi qui empêche de croire encore plausible ce mythe dans cette version là (celle d'Anouilh). C'est peut-être la jalousie d'Orphée, disproportionnée puisqu'il s'agit du passé d'Eurydice. C'est peut-être aussi l'incapacité des deux amants à se comprendre.
On ne viendra pas voir la pièce pour l'histoire mais pour les acteurs, et ils le méritent.
Eurydice de Jean Anouilh au Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier - 75014 Paris
Jusqu’au 22 février 2014
Les mardis, vendredis et samedis à 20 h 30 - mercredis et jeudis à 19 h
Matinée samedi 16 h - relâche : dimanche et lundi
Renseignements et réservations : au théâtre ou par téléphone au 01 45 45 49 77 du lundi au samedi de 14 h à 18 h
www.theatre14.fr