Difficile de ne pas revenir sur la semaine qui vient de s’écouler. Oh, rassurez-vous : les questions qui fâchent vraiment (comme la dette, le chômage ou ces choses qui touchent pourtant tout le monde directement) ne furent pas abordées et aucun débat houleux à leur sujet ne s’est installé dans le pays ; de ce point de vue, les médias ont consciencieusement évité ces problématiques. En revanche, à force de monter en épingle des affaires ridicules ou des faits-divers sordides, ce qui devait arriver arriva : des questions au départ périphériques ont métastasé, et en l’espace d’une semaine, la France a basculé dans le n’importe quoi total et chimiquement pur.
Certes, on avait déjà plusieurs fois constaté que l’ensemble des institutions républicaines marchaient de guingois, pour ne pas dire zigzaguaient comme un homme ivre, depuis plusieurs années, ballotées par les événements. Certes, on sentait depuis un moment que ceux qui nous gouvernent avaient lentement abandonné toute prétention à la cohérence sans pour autant lâcher quelque millimètre que ce soit aux prérogatives du pouvoir qui se fonde pourtant sur cette cohérence qui les a fui. Mais au moins avait-on l’impression que les paquets de bureaucrates et autres gratte-papiers républicains se déplaçaient en groupe, vaguement cornaqués par ces politiciens incohérents qui occupent la galerie.
La semaine écoulée a fait voler en éclat cette impression : non seulement, la République n’est plus une et indivisible, mais elle n’est plus qu’un salmigondis louche de petites humeurs, de pulsions, de lubies ou de décisions contradictoires touillées vigoureusement par des médias auto-alimentés.
Difficile en effet de prétendre encore que l’actuel pouvoir socialiste cherche le bonheur de ceux qui l’ont porté au pouvoir. Et si ceux qui lui sont opposés savaient déjà qu’ils prendraient cher avec le quinquennat hollandiste, c’est maintenant à ceux qui lui étaient favorables de découvrir qu’ils vont s’en manger aussi quelques unes bien sordides.
Pour leur pouvoir d’achat, par exemple, là où l’on aurait pu s’attendre à des efforts notables de la clique au pouvoir d’améliorer le sort des petites gens, c’est tout le contraire qui se passe ; et je passe pudiquement sur les avalanches d’impôts, tout le monde a maintenant compris.
Mais chaque jour qui passe ajoute misère sur misère. Ainsi, la loi « anti-Amazon » votée jeudi, brique supplémentaire du mur de lobbying compact des libraires sclérosés par tant d’années de subventions et de cocooning étatique contre un concurrent qui connaît mieux le marché qu’eux-mêmes, se traduira concrètement par une baisse du pouvoir d’achat des Français et elle montre que le parlement n’est plus que la chambre d’enregistrement des grognements et compulsions de ceux qui ont su rester proches de l’oreille du pouvoir.
Sauf, bien sûr, le président Hollande, pourtant premier personnage public de la République, qui, comme le remarque justement Baptiste Créteur, s’offusque qu’un journal puisse s’occuper ainsi de ses amourettes privées alors que les grandes oreilles françaises viennent de s’ouvrir toutes grandes… L’incohérence présidentielle navrante n’est bien sûr relevée par aucun de ces médias qui préfèrent largement se vautrer dans la facilité des romances niaises d’un Pépère parvenu plutôt que de donner un retentissement normal au scandale de l’immunité sénatoriale de Serge Dassault, par exemple.
Ce dernier aura réussi à démontrer, de façon flagrante, l’état catastrophique de corruption et d’immoralité de nos institutions. Mais la succession de faits divers débiles montés en épingle aura réussi à cantonner cette histoire à des soubresauts dans la tuyauterie interne de la République. Pendant ce temps, on peut bien pleurnicher, comme le fait Bel, sur la montée de l’antiparlementarisme en France, mais à force de semer la tempête, on récolte des cyclones tropicaux.
Mais justement ! Il n’y a aucun combat et aucun mérite à défendre une liberté de dire des choses avec lesquelles le pouvoir est d’accord ! C’est précisément parce qu’on risque de se cramer les doigts (et plus encore) à défendre la libre expression pour Dieudonné que cette liberté d’expression vaut qu’on la défende. La liberté de dire la même chose que tout le monde, celle d’ânonner le politiquement correct n’a besoin de personne pour la protéger ; les cuistres, les fats et les imbéciles s’en chargent déjà ! Et alors que dans le pays, on devrait actuellement voir tous les intellectuels exprimer leur désaccord avec cette censure a priori qui s’installe gentiment, on constate qu’elle est en réalité adoubée jusque dans les établissements scolaires.
Et ce qu’ils veulent est limpide ; l’affaire est encore chaude que déjà, on sent poindre les interdictions et les restrictions sur internet : c’est dans les tuyaux, les fournisseurs d’accès seront mis à contribution pour que le pouvoir soit sûr d’obtenir ce qu’il veut, c’est-à-dire l’interdiction des gens qui ont des pensées malheureuses (ou qu’on présume faire du crime-pensée dès le matin au petit déjeuner). Interdiction dont Dieudonné sera l’excuse initiale mais qui seront fort utiles pour tout ce qui va arriver ensuite.
Parce que la situation, la réelle, loin de ces phénomènes de foire, continue de se dégrader. Grâce aux sirènes antifascistes et aux lourdes actions anti-quenelles, avez-vous entendu les petits grincements de Migaud, le président de la Cour des Comptes, qui sonne l’alarme sur les dépenses de l’État et sur les dettes de la Sécurité Sociale ? Grâce aux pleurnicheries élyséennes sur la vie privée et aux déferlantes d’infotainment ridicule sur les bluettes gluantes du président, avez-vous perçu que le nombre d’évadés sociaux (ceux qui refusent d’abonder au tonneau des Danaïdes sociaux) n’arrête pas de grimper au point que la chaîne de télé officielle, Pravda2, fasse un reportage pour tenter de ramener les brebis au bercail ?
Rassurez-vous : non, ce ne sont pas les Heures Les Plus Sombres De Notre Histoire, c’est encore bien trop le foutoir total. Ces heures-là ne sont pas encore arrivées, elles sont en chemin. Pour le moment, elles observent discrètement la situation en attendant de tomber sur le pays, ivre et bassiné d’anxiolytiques. Ce n’est plus une question de « si », mais une bête question de « quand », c’est inévitable.
Ce pays est foutu.
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