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Jeu indé suisse : les créateurs de Colorball se prêtent à l’interview

Par Repostit @S2PMag

L’image des créateurs de jeux, au fond du garage, codant entre deux cartons de pizzas fait encore et toujours rêver. Dans notre petit pays, aussi. Et ce rêve se réalise de plus en plus fréquemment en Suisse. Portrait des créateurs de Colorball, qui ont bien voulu répondre à nos questions…

demo Jeu indé suisse : les créateurs de Colorball se prêtent à linterview

C’est arrivé près de chez nous…

Michaël Martin et Guillaume Vautier, les deux créateurs de Colorball, se sont prêtés au jeu de l’interview. Leur titre, qui mêle réflexion et contemplation, nous met aux commandes d’une sphère, dans un environnement arctique, et dont l’objectif est de réaliser des mélanges de couleurs en y roulant dans des flaques de peinture. D’une fois la bonne couleur obtenue, il sera alors possible de passer les portiques portant une teinte déterminée, et ainsi d’évoluer au travers des divers niveaux, à la difficulté toujours plus relevée.

S2PMag : Et si on commençait par les présentations?

 Jeu indé suisse : les créateurs de Colorball se prêtent à linterview
Michaël Martin : 37 ans, né à Genève, deux bouts de chou qui m’empêchent de dormir et une super femme ; j’ai suivi une formation à la Haute Ecole Supérieure de Genève en informatique pour y obtenir un Bachelor. Puis une formation de designer à la Haute Ecole d’Art et de Design de Genève également sanctionné d’un Bachelor. Aujourd’hui, je poursuis ma formation avec un Master en media design à la HEAD ; formation mêlant parfaitement les deux disciplines : informatique et design.

Je me spécialise dans les systèmes interactifs et les jeux plus particulièrement. J’occupe mes temps libres entre ma famille, un peu de sport et beaucoup de projets personnels et d’autoformation dans le domaine du game design et de l’interaction design sans oublier quelques heures par semaine sur mes jeux favoris : Starcraft II, Warcraft III, Super Street Fighter IV, Hearthstone mais aussi beaucoup de jeux indépendants tels que Super Meat Boy, Fez, Limbo, Slender, Super Hexagon, Hundreds, Passage etc…

J’ai monté ma structure en indépendant depuis moins d’une année maintenant. Je fais pas mal de choses différentes qui tendent toutes vers le design interactif. Les principaux projets sont visibles sur le site d’Irrelevant Studio. En bref : j’aimerais dormir moins !!!

 Jeu indé suisse : les créateurs de Colorball se prêtent à linterview
Guillaume Vautier : Guillaume Vautier, 28 ans, un pied dans le motion design (graphisme d’animation) et l’autre dans le jeu. J’ai commencé par suivre des études en économie sans jamais les finir avant de prendre un virage radical vers le design graphique. Comme Michaël j’ai suivi une formation de designer visuel à la Haute école d’Art et de Design de Genève où je continue actuellement avec un Master.

Créatif dans l’âme, je ne compte plus le nombre de projets que j’aurais envie de réaliser : courts métrages d’animation, petits projets cinéma, jeux vidéos de gestion, jeux ludo-éducatifs ou encore projets expérimentaux autour du web design. Bref, en attendant de peut-être trouver les ressources humaines et financières pour réaliser certains de ces projets, je me suis joint à Michaël sur ce projet puisqu’on partage cette passion pour la création de jeux indépendants.

S2PMag :  …et gamers depuis toujours ou plutôt motivés par une envie de créer en utilisant le jeu vidéo comme moyen d’expression?

Michaël Martin : Je suis né en même temps que les jeux vidéos grand public (ZX Spectrum, Comodore 64, Amiga…) et les salles d’arcade, un peu plus tard, où je passais quelques heures supposées scolaires. J’ai tout de suite accroché et commencé à échanger des disquettes dans les cours d’école. L’envie de créer des jeux vidéo est donc née d’une part de ma pratique depuis tout jeune mais aussi et surtout de mon besoin croissant de communiquer et de m’exprimer. Avec les énormes changements dans le domaine de la production de jeux vidéo (nouveaux supports, nouvelles plateformes de communication, nouveaux outils, etc..) il est devenu beaucoup plus réaliste de fabriquer des jeux vidéo dans son garage. De plus, le media en lui-même touche un nombre impressionnant de disciplines qui m’intéressent toutes (animation, illustration, narration, programmation, vidéo, photo…). Le rêve pour un designer, enfin pour moi tout du moins.

Guillaume Vautier : Je ne me considère pas comme un grand joueur même si j’admets avoir eu mes périodes fastes en jouant notamment à des jeux comme World of Warcraft, MineCraft ou Civilization. Cependant ce qui m’a toujours passionné dans les jeux c’est de pouvoir construire mes propres scénarios. J’ai passé beaucoup de temps à designer mes propres cartes pour des jeux comme Half-Life ou Age of Empire dans lequel l’éditeur fournissait les outils de développement.

De mon côté, j’ai une approche plutôt classique des jeux, car je favorise le divertissement avant tout. Mais je reste très ouvert sur les idées que peut véhiculer un jeu, notamment en terme d’éducation pour lequel je vois un potentiel énorme.

Et puis comme le dit Michaël, les modes de distribution numériques ont été révolutionnés récemment avec toutes les nouvelles plateformes mobiles. Ce nouveau modèle économique est beaucoup plus intéressant pour les petites productions telles que la nôtre.

S2PMag : Comment est né le projet de jeu Colorball? Quelles sont vos sources d’inspiration?

Michael Martin et Guillaume Vautier : Dans le cadre de notre Bachelor à la HEAD, Guillaume et moi nous sommes assez naturellement entendus pour réaliser le Bachelor ensemble. Notre habitude de travailler en duo et notre attrait pour les jeux vidéo nous ont vite conduits à l’idée de développer un jeu vidéo. Colorball est finalement assez loin des premières idées que nous avons développées 18 mois avant la présentation finale du prototype. Mais nous voulions un jeu qui mêle à la fois, le ludisme (hé, hé), la culture (synthèse soustractive de la couleur et quelques références d’histoire de l’art dans les prochaines versions) et qui délivre une atmosphère proche de celle de jeux comme Journey; relaxante et contemplative. Ensuite, on a passé un nombre d’heures certain à brainstormer, tester, discuter, se disputer sur tous les aspects du jeu et plus on avançait, plus on épurait et plus on voyait se dessiner la forme et le fond de notre jeu. A l’image de beaucoup de projets dans le développement informatique, 50% du temps d’un projet est consacré à sa définition, mise en place et gestion. Le reste est utilisé pour la réalisation concrète et technique et ça s’est vérifié dans ce cas là. La réelle difficulté, outre la gestion du projet lui-même et les difficultés techniques, était de trouver un jeu expliquant des concepts familiers, mais un peu abstraits de manière simple et ludique. Le jeu est perfectible bien sûre mais nous sommes arrivés proches de notre objectif et les dernières étapes seront franchies dans la prochaine version.

S2PMag : Vous utilisez un moteur qui a le vent en poupe: Unity. Depuis quelque temps, de plus en plus de développeurs indépendants y ont recours. Hormis l’aspect purement financier, qu’apporte-t-il?

M.M et G.V : Unity est le premier moteur de jeux que nous expérimentons. L’avantage qu’il offre c’est qu’il peut être rapidement pris en main, quel que soit le niveau de l’utilisateur. Il permet également de faire des prototypes très rapidement (essentiel dans le développement d’un jeu pour tester le gameplay, le level design etc…). Mais s’il permet à des débutants de s’amuser, il permet aussi aux experts de pousser au maximum le produit pour produire des jeux rivalisant avec la grosse industrie.

L’autre avantage non négligeable est qu’il permet de déployer un jeu sur plusieurs plateformes sans avoir besoin de réécrire tout le code donc on peut même imaginer commencer à développer un jeu sans avoir encore définitivement choisi la plateforme finale. A l’heure où les supports se multiplient, c’est un gain non négligeable.

La courbe d’évolution de Unity est impressionnante et la communauté participe activement au bon déroulement du produit en partageant ses feedbacks aux développeurs, mais aussi en proposant aux autres utilisateurs beaucoup de ressources sur les forums et d’autres sites (conseils, tutoriaux, plugins, matériaux..) gratuits ou payant. C’est donc un moyen de gagner sa vie que de proposer par exemple des objets 3d à télécharger puis utiliser dans n’importe son projet Unity. Pour cela, Unity a mis en place un Asset Store, l’équivalent d’un App Store chez Apple, qui fonctionne extrêmement bien et peut se transformer en poule aux oeufs d’or pour certains.

S2PMag : Et où en est le développement de Colorball?

M.M et G.V : Aujourd’hui Colorball est en version prototype jouable avec 3 niveaux terminés, des menus et une bande-son. Cette version permet de voir la faisabilité et l’intérêt du concept de manière plus que précise. Toutefois, pour les prochaines versions, comprenant plus de niveaux et des finitions sur les menus et les sons par exemple, il sera nécessaire de passer par une optimisation du code et du workflow de travail. Nous sommes prêts et motivés pour aller de l’avant mais le problème reste invariablement le même… le nerf de la guerre… le financement !

S2PMag : Unity permet de « sortir » un jeu sur diverses plateformes, Mac, Windows, mais également iOS et Android. Sur quelles plateformes allez-vous le rendre disponible, et quand?

M.M et G.V : Ce qui est intéressant avec Colorball, c’est qu’il a été pensé dès le départ pour être jouable sur plusieurs types de plateformes. Nous avons donc volontairement réduit au maximum le nombre de « boutons » à utiliser dans le jeu ou les menus. La principale interaction peut être faite soit avec l’accéléromètre des smartphones et autres tablettes donc simplement en l’inclinant, soit avec un joystick ou encore avec un clavier/souris.

Pour une date de sortie, il n’est pas possible aujourd’hui d’en définir une, car la suite du développement va nécessiter beaucoup de temps. Nous tenons à ce que le produit réponde aux attentes et à l’idée que nous en avons, sans concessions. Naturellement, il serait envisageable d’agrandir l’équipe pour finaliser ce projet et nous sommes ouverts à des collaborations. Comme nous l’avons dit, le développement nécessite également des fonds dont nous ne disposons pas actuellement. Avec plus de moyens, nous pourrions ainsi accélérer le processus et terminer ce projet plus rapidement.

S2PMag : Quels projets pour la suite? Pensez-vous plutôt continuer de votre côté, ou rêvez- vous d’intégrer un « grand » studio, pourquoi pas, en traversant l’Atlantique?

Michaël Martin : Les deux mon capitaine. Je continue d’ores et déjà à développer d’autres projets/idées de jeux d’une part. D’autre part, je pourrais tout à fait intégrer un studio outre-atlantique car on ne va pas se mentir, la plupart des producteurs de jeux vidéos se trouvent là-bas ! Il n’y a malheureusement pas assez de structures de développement de jeux vidéo dans la région mais cela pourrait bien changer, c’est ce que je souhaite en tout cas, car le savoir-faire suisse en matière de design et dans bien d’autres domaines a fait ses preuves et l’intégrer dans des jeux vidéo serait un atout non négligeable. Je dois dire que les petites structures m’intéressent pour leur côté familial et modulaire. Il faut être un touche-à-tout dans ce métier et de tels environnements favorisent cette attitude.

Guillaume Vautier : Il faut l’admettre, intégrer un grand studio serait une superbe opportunité que je ne refuserais pas. Mais pas forcément sur le long terme. Car il faut voir la réalité d’une grosse production. A moins de faire partie de l’équipe qui travail sur le gameplay et le scénario du jeu, le reste est une immense industrie de sous-traitants et de spécialistes qui suivent un chemin de production établit. Dans une petite équipe telle que la nôtre, nous avons l’avantage d’avoir un échange permanent à tous les niveaux de la production. Une dynamique très propice à l’innovation autant sur le plan artistique que technique. Si nous pouvons rentabiliser notre jeu, pourquoi ne pas lancer un studio plus tard ici en Suisse romande. Enfin, je rejoins Michaël sur le potentiel du jeu vidéo en suisse et si peu de structures existent à ce jour, c’est peut- être en partie à nous de changer cela.

Un grand merci à Michaël et Guillaume pour leurs réponses. Pour suivre l’évolution du projet Colorball, rendez-vous sur le site d’Irrelvant Studio.

Si vous aussi développez un projet vidéoludique en Suisse romande, ou que parmi vos connaissances, des férus du code s’y attèlent, n’hésitez pas à contacter la rédaction.

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