Au cinéma, il y a des réalisateurs qui font des films, il y en a d'autres qui font des chef d'œuvres.
Je me suis déjà interrogée ici sur cette question de sentiment d'appartenance et mon adoubement inexorable voué à certains cinéastes.
Dans mon panthéon, ils sont peu nombreux mais agissent auprès de moi comme une sorte de repères, de continuité, presque de validation de valeurs et d'imaginaires.
Les films que j'aime, sont ceux que j'aurais voulu faire.
Terence Malick, bien sûr, est dans ma petite maison cinématographique, comme celui qui transcende tout. Et puis juste à côté, il y a Kore-Eda Hirokazu.
J'ai déjà évoqué sur ce blog l'admiration que je porte à ce réalisateur japonais. L'année dernière presque jour pour jour j'évoquais I wish, comme un grand film fait de tous petits riens. J'avais déjà évoqué aussi "Nobody Knows".
http://lexilousarko.blog.fr/2013/01/14/i-wish-d-hirokazu-koreda-15428312/
http://lexilousarko.blog.fr/2009/05/31/la-modernite-du-cinema-asiatique-6206238/
Pendant mes vacances tempétueuses, je suis allée voir "Tel père, tel fils" de Kore-Eda Hirokazu.
"Tel père, Tel fils" raconte l'histoire de deux familles japonaises qui un jour sont confrontées à une annonce terrifiante: leur fils respectif de 6 ans ont été échangés à la naissance.
Keita, vient d'intégré, après un grand oral, une prestigieuse école primaire. Pour faire plaisir à son père architecte exigeant, il se force à apprendre maladroitement le piano. Dans sa vie d'enfant, Keita ne joue presque pas : il a le devoir de réussir, avec cette intransigeance familiale dont savent faire preuve les japonais.
La famille de Ryushei est aux antipodes de celle de Keita. C'est une famille modeste. Le père, magasinier, avec des faux airs de Charlie Chaplin, ne se prend pas au sérieux, et apparaît souvent comme décalé, comme une sorte de quatrième enfant de la maison.
Dans de la famille de Keita, au bonheur social affiché, tout bascule. L'enfant, n'est plus le fils prodige, l'élu digne héritier de son père.
Comment faire-face à ce Tsunami? Comment faire alors pour réparer l'échange fait à l’hôpital? Faut-il le dire aux enfants? Faut-ils échanger les enfants?
Après des tractations entre les familles, après une acclimatation temporaire à chacun, les enfants regagnent leur famille d'origine.
Ryushei apprend alors à manger avec des baquettes et à jouer sans faire de bruit alors que Keita apprend à rire.
Le père adoptif de Keita, rationaliste, pensait que l'échange suffirait à créer du lien mais quand il demande à Ryushei de l'appeler papa, l'enfant n'arrive légitimement pas à répondre. Lui-même se rend compte également de l'amour immense qu'il porte à Keita.
Cette construction familiale tronquée ne dure pas longtemps. Les liens du sang ne réparent rien, parce que l'amour porté à un enfant, l'attention et l'éducation de tous les jours, n'ont pas d'équivalent.
J'ai aimé ce film pour toutes les raisons que j'aime les films de Kore-Eda.
Comme à son habitude, le réalisateur évoque les thèmes de la transmission, de la filiation avec justesse. Les enfants sont formidables, en étant parfois drôles, parfois tristes. Comme un observateur extérieur, comme un sociologue mettant en oeuvre l'observation participante, il décortique, analyse les émotions, les liens, les rapports de ces deux familles attachantes. Enfin surtout, le réalisateur ne fait pas de leçon de morale, ne juge pas, ni ne prend parti. Mieux encore, on se demande même à la fin du film, si cette erreur n'est pas finalement une richesse.
Kore-eda est le réalisateur de la résilience: la blessure incommensurable, le déchirement total s'estompent, se cicatrisent, et laissent apparaître de nouvelles promesses, le tout sur de la musique de Bach.
Un chef d'oeuvre.
Tel père, tel fils
Tel père, tel fils