Il parlera, mardi, devant la presse. Il répondra même à des questions. Toute la semaine écoulée fut incroyablement vaine. La droite comme la gauche s'étouffaient de son virage à droite. La gauche comme la droite s'énervaient que son ministre de l'intérieur ait lancé pareille offensive contre le militant Dieudonné. Le pompon, le summum, la bêtise furent dépassés dès vendredi par les photos-montées censées prouver l'adultère présidentiel.
La Bête immonde est cette allégorie pour désigner le nazisme et consorts, une Bête que d'aucuns surveillent depuis des décennies pour conforter ce devoir de mémoire qui fait aussi notre histoire. Dieudonné, ancien humoriste, a encore encombré l'actualité de la semaine. Les Juifs, c'est son créneau. Il aurait pu choisir Jeanne d'Arc ou les fachos, il a préféré les Juifs, les fours, les chambres à gaz, Israël et la Shoah. Lundi, Manuel Valls rédige une circulaire à destination des préfets de la République: Dieudonné a commis un "spectacle" qu'il entend répéter un peu partout en France. Un spectacle où il regrette que les chambres à gaz n'existent plus pour régler le sort d'un journaliste de France inter. Sur internet où ses chaînes Youtube rassemblent quelques millions de videonautes naïfs ou convaincus, son humour l'amène à s'interroger : "je n’ai pas à choisir entre les juifs et les nazis ; je suis neutre dans
cette affaire ; qui a commencé ? qui a provoqué qui ? qui a volé
qui?…J’ai ma petite idée".
Dieudonné, donc, se voit interdire de reproduire l'Immonde à Nantes puis ailleurs.
Son avocat se plaint. Un tribunal administratif lui donne raison. Mais le Conseil d'Etat invalide l'annulation de l'annulation. Valls joue au fier: "la République a gagné". Il a tort sur ce point. Oui, la République s'épargne bien cette répétition antisémite un peu partout en France (une autre annulation intervient à Tours le lendemain). Mais Manuel Valls concentre tant de haine et rancoeurs à gauche que son intervention sur le sujet Dieudonné a facilement coalisé autant contre lui que Dieudonné. Observer Mediapart et le Front national s'inquiéter de la liberté d'expression d'un antisémite 9 fois condamné avaient quelque chose de terrifiant pour l'auteur de ses lignes. Le premier défendait un principe, le second l'homme. Les deux se rejoignent. En fin de semaine, quelque 12 spectacles étaient annulés.
Vendredi, l'immonde changeait de cadre. Un trash-hebdo au titre prémonitoire - Closer, aka "de plus près" - publiait de fausses photos à l'appui d'une rumeur: Hollande aurait une liaison avec une actrice.
De la Bête immonde à la presse immonde... ce vendredi nous pouvions être tétanisés.
Quelques réacs, affairés, se lâchèrent avec gourmandise. Ils ne supportaient déjà pas qu'un Président puisse être en couple sans être ni marié ni pacsé. Plus grave, la quasi-totalité de nos médias embrayèrent sur les conséquences et autres divagations que cette révélation allait provoquer.
Les responsables de Valeurs Actuelles, l'hebdo trash de la Droite Furibarde, s'excitent contre un prétendu piratage de leur site internet par l'Elysée pour les empêcher de livrer des "révélations" sur le "GayetGate". Valeurs Actuelles qui dispute à Closer la trashitude, c’était savoureux. Et honteux.
L'agenda politique était pourtant plus riche.
Plus grave Hollande avait viré à droite.
Ses supporteurs, y compris ministres comme Nicole Bricq questionnée jeudi sur France Info, se défendent de tout changement de ligne. Mais l'UMP est paumée. 8 jours après des voeux présidentiels où Hollande avait promis aux entreprises un "pacte de responsabilité", des baisses d'impôts si elles embauchaient enfin, Jean-François Copé livre ses voeux. Il dénonce un pacte qui ne serait pas "crédible". L'a-t-il lu ? Non, puisque rien n'a été publié.
La droite est tétanisée qu'Hollande lui chipe ses "meilleurs" arguments. Pour le coup, le président agissait comme Sarkozy, en activant une belle triangulation - chiper les thèmes de l'adversaire pour le repousser encore davantage à droite. Le MEDEF cache sa joie. Son président répète qu'il aimerait la suppression de quelque 34 milliards d'euros de cotisations familiales. Question de sémantique... il faudrait rappeler, encore et encore, que ces cotisations font partie de la rémunération de salariés.
La croissance, au dernier trimestre de l'an passé, était bien là. La Banque de France l'a confirmé, à +0,5%. Bizarrement, personne n'en parle. La zone euro s'inquiète, le risque de déflation menace. La TVA monte, les prix baissent. On nous aurait menti ?
La Grèce prend la présidence de l'Union européenne, l'occasion de quelques railleries européennes contre un pays à genoux à coup d'austérité eurocratique. On s'inquiète à peine des prochaines élections. La crise des dettes souveraines ne stresse plus les marchés, sans doute rassurés par cette fabuleuse convergence politique néo-libérale. Les taux d'emprunt baissent. La France dépasse les 95% d'endettement public, comme la zone euro.
Stéphane Le Foll était un homme heureux. Sa loi agricole suit son parcours parlementaire. Elle est enfin votée tard dans la nuit de vendredi. Le texte facilite notamment les modalités d'installation. Mais personne n'en parle. Sa collègue de la Santé validait la commercialisation d'une belle avancée, un spray buccal à base de cannabis pour soulager les malades de la sclérose en plaques. Mais personne n'en parle. Vincent Peillon est heureux d'annoncer que 20.000 élèves ont été "raccrochés" au système scolaire en 2013, contre 9.000 en 2012. Mais personne n'en parle.
La réforme de la Justice est un objet médiatique encore plus curieux: l'été dernier, combien de plateaux télé, d'emportées médiatiques et autres délires sur la base d'un clash entre Valls et Taubira et de rumeurs sur un texte que personne n'avait lu. Plus le projet de loi se dévoile, moins l'on en parle. Comme si le scoop n'intéressait que sur du flou ou du faux. Le gouvernement publie quelques chiffres: 33 millions d'euros supplémentaires pour les prisons, 28 millions pour l'aide juridictionnelle. La loi sur la récidive, elle, arrive bientôt.
Serge Dassault était un homme heureux.
C'était peut-être le plus important.
Le bureau du Sénat lui épargne une levée d'immunité parlementaire. Après la honte, l'interrogation. Lequel de ces 14 sénateurs de gauche a fait pencher la balance ? Les juges Serge Tournaire et Guillaume Daïeff auraient voulu l'interroger, et perquisitionner ses locaux dans enquête sur l'achat de votes dans son fief de Corbeil-Essonnes. Un Collectif spontané s'est créé pour réclamer un nouveau vote, à main levée.
Vendredi, second bonheur, gros soulagement. Le ministre de la Défense confirme une commande publique d'un milliard d'euros en faveur du Rafale, cet avion que l'on ne vend nulle part ailleurs qu'en France.
Finalement, 2014 tient déjà toutes les promesses ratées de 2013.
Crédit illustration: DoZone Parody