Foxfire, confession d'un gang de filles - 6/10

Un film de Laurent Cantet (2012 - France, Canada) avec des jeunes comédiennes non professionnelles

Pas trop mal, mais quelques invraisemblances.

L'histoire : Années 50. Etats-Unis. Des lycéennes se révoltent contre la domination masculine. L'une d'elle se sent rejetée par son père, plus occupée par ses maîtresses que par elle. Une autre se fait régulièrement humilier en classe par le prof de maths. Une troisième s'est fait violer par plusieurs garçons du quartier... Elles décident de former un groupe secret, Foxfire, et de lutter contre les hommes.

Mon avis : Le film en lui-même est assez bien fait, globalement. L'histoire est intéressante, les comédiennes touchantes et on suit l'affaire jusqu'au bout sans s'ennuyer. Contrairement à Entre les murs, que j'ai détesté, où Laurent Cantet étudiait déjà le comportement adolescent, avec des comédiens non professionnels, au moins ici, on a un scénario.

 

Mais ce "fond" me laisse légèrement perplexe. Le propos me semble un peu invraisemblable ; il s'inspire d'ailleurs d'un roman de Joyce Carol Oates, pas de faits réels... ce que la réalisation très "réaliste" pourrait nous faire croire. Que des jeunes ados forment une sorte de société secrète pour combattre la misogynie, pas de problème. C'est de leur âge... et c'est une lutte que nous z'autres, filles, pouvont comprendre à tout âge ; y a encore du boulot, d'ailleurs ! J'avoue que j'ai trouvé jubilatoires les scènes où une des filles appâte un homme, en utilisant sa perversité (mythe de la "fille facile"), et que les autres débarquent au moment fatidique pour lui mettre des coups de pelle ! Bon, c'est un peu violent, certes. Mais n'oublions pas que l'une d'entre elles s'est fait violer par plusieurs garçons, que l'autre a subi des attouchements de la part de son oncle... de quoi mettre la rage, quand même. Je n'excuse pas, je comprends. Et puis l'argument clé : il ne portera pas plainte, il aura bien trop peur que tout le monde sache qu'il n'est qu'un obsédé... c'est imparable ! Tout ça, même si c'est un peu caricatural, incite à la réflexion, et c'est très bien.

Mais la survie de ce groupe laisse à désirer. Financièrement d'abord : on se demande comment elles trouvent de l'argent. On nous montre bien que certaines font des petits boulots, qu'elles extorquent de l'argent à leurs victimes... mais de là à payer le loyer tous les mois (l'agent qui leur loue la maison au début semble bien facile à convaincre... elles n'ont pas de boulot et aucune garantie), s'acheter une voiture, etc. Et puis sur le plan de l'entente : six filles ensemble... c'est juste pas possible ! Je suis féministe, mais réaliste aussi. Jamais je n'ai vu de groupe de filles dont tôt ou tard l'un des membres ne tirait pas dans les pattes d'une autre, voire plusieurs. On voit aussi dans le film que certaines commencent à médire... mais c'est vite écarte, pas assez exploité.

Certaines scènes par ailleurs sont équivoques. On a l'impression que certaines se prostituent, toujours pour gagner un peu d'argent et se financer. D'habitude, il y a le coup de pelle final, mais sur certaines séquences, rien. La fille revient, avec son argent, et basta. On ne sait pas si elle a couché ou pas. Si ce n'est pas le cas, j'aurais aimé savoir comment elle s'y prenait pour récupérer du fric. Et si c'est le cas... c'est bien dommage de tomber dans le pire des clichés et de donner raison aux gros machos : toutes des putes !

Pour finir, j'ai été troublée par le le fait que ces filles, bien qu'ayant toutes subi une pression masculine plus ou moins violente, sont toutes de milieux modestes mais pas miséreux. Elles suivent leur scolarité normalement. Et à part celle qui a été violée, on a un petit peu de mal à comprendre un tel désir de vengeance. La plupart d'entre nous s'en sort tout de même assez bien (heureusement) en remettant ces messieurs à leur place. Il est clair que ça ne suffit pas toujours, mais je l'ai déjà dit : en effet, il y a encore du boulot ! Mais le film est à mettre en parallèle avec les "vrais" gangs de filles, déscolarisées, qui ont grandi dans la pauvreté, dans des quartiers hyper violents, des espaces de non-droit, où règne la loi du plus fort ; les filles prennent les armes elles aussi, comme seule voie possible pour obtenir une forme de respect.

En résumé : le film reste très "ado"... donc extrême et pas très crédible au final. Sauf par son dénouement, qui valide les doutes que j'ai ressentis, avec en plus une jolie pirouette qui perso m'a bien plu !

Selon moi, il aurait fallu faire plus court et plus précis.

Les critiques crient pourtant une nouvelle fois au génie. Ah bon. Je partage mieux les avis de Télérama : "Le récit fourmille d'idées, de pistes de réflexions politiques (...), mais, à force de tout baliser, il néglige le souffle romanesque. Pas assez incarnées, les filles restent des esquisses" et des Cahiers : "Noyé sous le vernis de sa joliesse standard, le film ne parvient pas à être réellement combatif", même si je suis beaucoup plus indulgente, l'histoire et les actrices m'ayant quand même touchée.

Moi, ce que je dis, c'est que ça m'a surtout donné envie de lire le roman de Joyce Carol Oates, qui paraît-il est beaucoup plus détaillé et ciselé sur le plan psychologique. Ca tombe bien, ça fait longtemps que j'avais envie de m'intéresser à cette auteure.