Quand j’étais môme je restais pantelant à l’écoute du concerto N°1 de Tchaïkovski.
Le disque a depuis longtemps disparu de chez mes parents. Je n’ai jamais su quel pianiste et quel orchestre l’interprétaient. Mais depuis mon enfance, aucune autre œuvre musicale ne m'a transporté autant que cette ivresse de sensations sonores. Est-ce sa déstructuration, sans thème ni mélodie, qui dans un enchainement de douceurs, de folies, de joies, parfois de terreurs qui a marqué mon enfance ? Ce dont je suis certain c’est qu’il s’agit d’une œuvre permettant une appropriation aisée. Car j’ai longtemps cherché une interprétation qui, au plus profond de moi, me restituait cette exceptionnelle et rare extase enfantine. Je sortais des écoutes toujours déçu. J’en arrivais à douter de mes souvenirs.
Jusqu’au jour où j’entendis Yuja Wang.
Enfin ! je recouvrais l’exaltation de mon enfance. Et la voir ! Belle et magnifique dans son abandon total, la main gauche flottant dans l’air, suspendue au-dessus du clavier dans l’abandon du second mouvement. Puis, dans une apostasie du réel, subjuguée par le débordement harmonique, saisie dans un trémoussement du corps, sautillant parfois, ses jambes palpitantes et sa tête virevoussante, sublime.
Tchaïkovski Piano Concerto No. 1 (Op. 23) interprété par Yuja Wang (piano) et le Finnish Radio Symphony Orchestra dirigé par Hannu Lintu. Helsinki Music Centre Concert Hall, le 7 Septembre 2012.