Esmerine groupe de Montreal fondé au début des années 2000 par Bruce Cawdon et Rebecca « Beckie » Foon respectivement (ex)batteur du Godspeed You Black Emperor ! et violoncelliste au sein du Thee Silver Mt Zion Memorial Orchestra, auteurs d’un premier album, « If Only A Sweet Surrender To The Nights To Come Be True » sorti en 2003, suivi par « Aurora » en 2005, albums instrumentaux mariant cordes et percussions créant une musique d’ambiance définie par eux mêmes comme « musique de chambre contemporaine », les ambiances oscillent entre les paysages mélancoliques, tortueux et sombres auxquels nous ont habitués le Godspeed et le Silver Mt Zion et une sorte de folk crépusculaire. Après un long hiatus le groupe sort en 2011 « La Lechuza », album hommage à la regretté Lhasa de Sela, décédée un an plus tôt, le son du groupe évolue, moins sombre, plus mélodique mais toujours aussi mélancolique laissant pour la première fois une part importante au chant avec une superbe reprise de « A Fish On Land » de Lhasa chanté par Sarah Page la Harpiste de Lhasa accompagnée du percussionniste Andrew Barr. A la fin de la tournée qui suit la sortie de l’album le groupe s’agrandit pour devenir quartet avec l’ajout de deux musiciens, Sarah et Andrew étant pris par leur propres groupes, durant les dernières date de la tournée, le groupe reçoit un accueil très chaleureux en Turquie et se voient proposé d’entrer en résidence à Istanbul et c’est ainsi, que dans cette nouvelle ville, en compagnie d’autres musiciens turques, ils décident d’enregistrer un album fruit de cette rencontre avec une culture, une musique, une ville et ses habitants et c’est ainsi que né « Dalmak » (contempler en turque), superbe album qui, je sais la métaphore est facile, comme le pont de Bosphore fait la jonction entre l’occident et l’orient.
Ainsi le violon, le violoncelle, les marimbas, la guitare électrique, la contrebasse rencontre les instruments traditionnels de la musique turque tel que le darbuka, le saz, ou encore le meh. Vous me direz c’est bien beau tout ça, c’est super fraternel les amis mais bon sur le papier ça ressemble quand même pas mal, pour pas dire carrément à de la « world music » (appellation d’origine contrôlé), et si c’est pour me farcir Sting ou Peter Gabriel qui de l’Afrique noire aux îles du pacifique en passant par les chants corses, nous font découvrir ces musiques des contrées ignorés de l’histoire de la musique tout ça pour finalement, les marier avec de la soupe pop, accompagnée en fond des revendications de Bono « pour la paix entre les peuples », vous me rétorqueriez direct « rien à foutre, j’veux pas bouffer du tofu et boire du thé aux racines de gingembre en écoutant du bignou sur de l’electro dégueulasse, filez moi plutôt un bon vieux Converge et un pack de bière, non mais faut arrêter le délire les hipsters. Sérieux !!» et bien non détrompez-vous « Dalmak » va au delà du mariage du kebab et de la poutine et au delà de tous les préjugés, car il émane de cet album une énergie punk, celle de faire fie des conventions, une beauté étrange et envoûtante.
Tout d’abord je tiens à vous rassurez, on peut tout à fait picoler en écoutant « Dalmak » d’Esmerine et c’est d’ailleurs sur cette pensée métaphysique de comptoir que déjà bien aviné je prend place dans la salle des Trois Baudet illustre salle parisienne qui a rouvert ses portes après des années de fermetures, récemment rénovée grâce à la Marie de Paris, salle où Brassens et Ferré ont apparemment fait leurs armes. D’ailleurs la programmation de la salle est entièrement consacré à la chanson française (au secours) donc surprise de voir ce groupe programmé ici.
Le groupe au nombre de 7 (les quatre membres sont accompagnés de trois musiciens turques) entre en scène tandis que confortablement installés dans des moelleux fauteuils rouges une pintes à la main (je vous l’avais dit) mon comparse et moi entrons en harmonie avec l’univers, nos chakras open à bloc. Ils préviennent que seront joués uniquement les titres du dernier album ainsi que d’ « Aurora » réarrangés pour l’occasion, ils commencent donc par « Quelque mots pleins d’ombres » titre d’ouverture d’ « Aurora », bon nouveaux arrangements le titre diffère finalement peu de l’original mais le saz et le darbuka surtout (c’est quand même autre chose que le djembé martyrisé joué par un lycéen sur la plage en Espagne) apportent une nouvelle tonalité, plus vivante, plus rythmé à ce morceau à l’origine sombre et lent. Viennent ensuite les titres de « Dalmak » : « Learning To Crawl », « Barn Board Fire » et les magnifiques « Translator’s Clos I et II » enchaînés finissent de conquérir le public, les musiciens concentrés et appliqués, introduisent chaque morceau avec une petite anecdote sur l’origine ou la signification des titres joués, il règne dans la salle une ambiance respectueuse, peu être un peu trop, le fait d’être assis n’y est sûrement pas pour rien. Après un autre titre d’ « Aurora « et un cour rappel le groupe finira sur « Yavri Yavri », titre en forme de « Coda », comme ils le diront.
A la sortie en discutant avec Beckie (oui je l’appel Beckie directement après l’avoir vu plus d’une dizaine de fois avec ces différentes formations on peut, enfin surtout moi, dire qu’on est un peu proche) je lui fais part de ma déception de la voir quitter le radeau du Silver Mt Zion, mais savoir qu’elle se consacre à d’autres beaux projets (Saltland son projet solo) me console. Sur cette confidence, je la quitte après m’avoir remercié et gratifié d’un sourire à faire chavirer un bateau de pirate bourré au rhum des Antilles et tatoués au couteau rouillé, un sourire à vous redonner foi en l’humanité.
Pour l’épilogue, après avoir une dernière descente dans un épicier dans le labyrinthe du 9ème j’ai fini par trouver Félix, batteur de son état histoire de scalper une dernière mousse, lui racontant ma soudaine passion pour la musique turque, incapable pourtant que j’étais de lui expliquer le son de chaque instrument, ce que mon comparse originaire des Balkans venu à me sauver de la noyade arrive à faire sans aucun problème.
Après je me souviens pas ou plus, comment être rentré chez moi… Mais par contre je me souviens très bien comment j’ai chopé un bon mal de crâne, mais bon c’est pas pour autant que c’est demain que je me mettrai à boire du Chaï pendant les concerts. YOLO.
esmerineles trois baudetslive reportmusiquerock post-rockslide