La couverture jaune éblouissante du nouveau Blacksad illumine le rayon des nouveautés des librairies et magasins. Lorsqu’on connait la série policière, cela peut piquer notre curiosité car elle tranche avec la noirceur de la bande-dessinée.
C’est sans doute la principale nouveauté, cette attention particulière accordée à la couleur dans ce nouvel opus des aventures policières de cet élégant détective félin.
En effet, l’originalité de la BD est due à l’heureux mélange d’une intrigue sombre et bien ficelée, conjuguée brillamment avec un principe d’anthropomorphisme attribué aux animaux qui campent avec justesse les personnages.
Cette dimension est si exacerbée et étonnante, que l’on peut s’amuser à détailler avec délectation chacune des cases, à noter chacune des expressions, et à transposer ces mimiques à des humains. L’analogie est souvent assez évidente.
Le soin particulier accordé aux expressions des personnages, permet de dépeindre au mieux leur caractère psychologique, en le traduisant avec finesse par les nuances des traits physiques.
Les aventures du héros taciturne nous emportent dans des courses effrénées, tout en discrétion, sur les traces d’une enquête policière, qui prend le plus souvent place sur le continent américain, dans les années 1940 et 1950. C’est l’occasion d’aborder pertinemment des thèmes comme le racisme, le trafic de drogues, mais aussi le maccarthysme ou l’ultranationalisme.
Le scénariste, Diaz Canales dit ainsi « Des éléments de la société américaine de l’après-seconde guerre mondiale semblent encore très actuels, comme le triomphe du capitalisme, la théorie de la conspiration, l’importance de la télé et des moyens de communication, la course à l’armement… Bref, on n’a pas si changé.«
Dans ce numéro précisément, on retrouve avec plaisir des personnages qui apparaissent dans les précédents albums, avec une certaine familiarité même. C’est encore une fois l’occasion d’apprécier les dessins, les angles choisis par Juanjo Guarnido qui s’apparente au story-board d’un film. La qualité est toujours au rendez-vous.
Cette fois, pourtant le tandem Guarnido-Diaz nous surprend par la couleur et le scénario, qui cherche à nous entraîner dans un road-trip.
Pour le premier, c’est réussi. La palette déployée sert le propos du cirque : lui même chamarré, dans lequel le personnage principal cherche à se cacher. C’est aussi une belle métaphore des masques, qui permet de maquiller habillement la fuite du héros, qui se voile la face, et se trouve complètement égaré dans ses actes et ses pensées. Ainsi donc, on baigne dans les couleurs vives, qui forcent l’oeil à détailler davantage les cases.
En effet, ici le héros est perdu : dans ses convictions, dans les derniers actes qu’il vient de commettre, et dans ses sentiments.
Bouleversé par sa rencontre avec une belle artiste du cirque. C’est une intrigue secondaire qui prend place dans le scénario. Mais justement c’est un peu décevant. Une amourette convenue qui présage déjà de la suite et de l’issue. C’est à elle qu’est conjuguée le rythme de la fuite, et avec lui le road-trip. Ainsi, il est possible de se demander si l’auteur n’hésite pas un peu dans les genres. On y lit l’influence de la Beat Génération. Comparé aux énigmes plus compliquées des autres tomes, ici on s’attend facilement aux événements.Pourtant les personnages sont réussis : Guarnido parvient à très bien dépeindre la lâcheté de son personnage principal Chad, qui est intéressant,
tout comme notre héros Blacksad et sa son caractère bien trempé.
Ce dernier est d’ailleurs étonnamment souriant et détendu davantage que dans les autres albums.
Moins visible, ce n’est pas sur lui que l’intrigue repose, mais davantage sur Chad, le héros troublé, laissant notre enquêteur au second plan.
Différents des autres numéros, et un peu en dessous des premiers, « Amarillo » reste tout de même un bon moment, même si Guarnido-Diaz nous avaient habitués à mieux.
A découvrir donc si vous ne connaissez pas !
Blacksad, Amarillo
Guarnido-Diaz
Dargaud