Il a longtemps joui d'une exceptionnelle popularité et il a su faire en sorte de tirer tout le profit – pour l'essentiel mérité - de la réussite de la « transition » pacifique espagnole de la dictature à l'État de droit, incarné par la royauté constitutionnelle.
Une remarquable habileté de communiquant, une sympathie réelle ont fait le reste.
Mais cela demandait une grande modestie et une grande prudence, qu'il a progressivement perdue. Et les « pépins » se sont accumulés.
Pour ne citer que quelques-uns, qui ont choqué l'opinion espagnole, une « amie » allemande, Madame Corrinna Sayn-Wittgenstein, à la réputation quelque peu sulfureuse, un peu trop bien et un peu trop chèrement traitée alors qu'elle n'a jamais eu la moindre fonction légale. Malgré cela, Corrina serait ouvertement intervenue dans des négociations économiques ou politiques extérieures de l'Espagne.
Sa présence est devenue trop visible et de plus en plus coûteuse, sans parler de l'exposition médiatique du Roi et son « amie » contraire aux intérêts espagnols. Par exemple, lorsqu'elle l'accompagnait lors de la chasse aux éléphants au Botswana, qui l'ont vu se briser une fois de plus la hanche et être contraint, malgré les opérations successives à se traîner lamentablement et en privé et en public.
D'un autre côté, sa fille Cristina est mariée à un ancien sportif dont les affaires se sont avérées peu orthodoxes ; un scandale de corruption est encore en pleine bataille judiciaire (Noos).
Initialement, l'Infante était considérée comme n'ayant rien à voir avec les affaires de son mari. La suite des enquêtes semble prouver le contraire et elle est aujourd'hui judiciairement accusée d'avoir trompé le fisc... Or le Roi suggérait il y a quelques mois qu'on pourrait laisser l'Infante hors de toute intervention des juges...
Sa chute de popularité a été aussi rapide que l'avait été son ascension. Il lui restait la possibilité d'imiter Béatrix de Hollande et d'abdiquer au profit de son fils, comme le lui conseillaient nombre de ses proches, soucieux de « sauver la monarchie »
Mais la Reine elle-même - qui n'est plus en Espagne à côté du Roi que lorsque le protocole officiel l'exige - répondait en 2008 à une journaliste : « Il n'abdiquera jamais ; il mourra dans son lit royal »
La crise économique et sociale majeure que traverse le pays ; les problèmes que posent la volonté ouverte de sécession de la Catalogne et celle, pour le moment moins franche, du pays basque, exigent une stabilité constitutionnelle que Juan Carlos I n'est plus en mesure de garantir.
Sans aucun atout dans sa main, peut-il continuer à laisser s'écouler le temps sans réagir ? Prendra-t-il le risque de finir dans l'opprobre et d'ajouter une crise institutionnelle de plus à l'Espagne ?
La carte du départ est bien la seule qu'il peut encore tirer. Le fera-t-il ?
Pour le moment, il n'y a pas de réponse.
© Jorge